A l’heure où la quantité marque le pas au profit de la qualité, il est nécessaire de préserver cette somme de compétences et de connaissances qui constitue la richesse rare d’une entreprise ou d’une administration. Car s’imposent aujourd’hui la réduction des coûts, la rationalisation du calcul économique et du choix des investissements publics ou privés, des orientations stratégiques précises des grands groupes industriels comme celles opérées par les gouvernants relatives aux politiques publiques.
Les hommes, une richesse pour l’entreprise
Quels que soient les choix effectués, la dimension « ressources humaines » est majeure. Au cœur se situent les connaissances. Qui ignore cette réflexion de Jean Bodin au XVIème siècle : « il n’y a de richesses que d’hommes » ? Pourtant combien de fois cette vérité est oubliée ! Combien d’entreprises ou de services publics ont-ils subi des pertes de connaissances ou de savoir-faire en ayant négligé cette ressource lors de licenciements, de restructurations ou de réorganisations ? Certaines entreprises publiques ont ainsi perdu jusqu’à 10 ans de savoir-faire en se délestant à l’aveugle de personnels dans le cadre de départs en pré-retraite. Certaines d’entre elles se dépêchant à l’occasion d’aller quérir le retraité pour un conseil technique.
Cette raréfaction des connaissances a sans doute plusieurs causes :
– D’abord et avant tout la réduction des recrutements ; il y a un effet de seuil : les transferts de connaissances se font – lorsqu’ils sont bien opérés sur un nombre moins élevé de salariés ou de fonctionnaires ;
– Une mauvaise évaluation du risque de perte des connaissances ; les savoirs, les savoir- faire comme les savoir-être sont négligés ;
– Une confusion entre management des connaissances et évaluation des personnels ; ce qui révèle également une absence de dynamique organisée d’initiatives et d’échanges de savoirs dans l’entreprise ou le service public ;
– Une incertitude sur les stratégies ou les missions ; on a du mal à recruter ou à préserver des compétences si on ignore la direction que l’on va prendre ;
– Une évolution de la formation initiale qui alterne entre hyper-spécialisation et culture générale ;
– Une négligence au regard de la notion « d’entreprise apprenante » qui est liée à une faible préoccupation des managers du développement personnel et professionnel de leurs agents ;
– Enfin – mais il y a plein d’autres raisons – une évolution constante des métiers ce qui suggère de bien cerner les concepts opérationnels de métier, d’emploi, de compétence ou de connaissance.
Mettre en œuvre un management des connaissances
Face à cette situation, il y a urgence à mettre en œuvre une démarche de management des connaissances. Elle consiste à créer un système permettant d’identifier, classer, stocker et rendre disponibles, au sein de l’entreprise ou du service public, les savoirs des employés afin que ces derniers y aient recours dans le cadre de leur travail. Ponctuellement, c’est un dispositif qui permet de transférer ces savoirs au moment du départ à la retraite d’un salarié ou d’un fonctionnaire. A n’en pas douter ce type de démarche donne au DRH un rôle stratégique majeur. Il permet l’émergence d’un actif immatériel directement utilisable, plus lisible et cartographié, ceci avec toutes les précautions qui s’imposent, tant vis-à-vis de l’extérieur, dans l’intérêt de l’entreprise que vis-à-vis de l’interne, dans l’intérêt des agents.
En outre si cette démarche, ce qui est souvent le cas, s’accompagne d’une stratégie digitale de premier plan qui développe des outils numériques d’interactivité et des communautés d’experts, elle a toutes les chances de démultiplier son potentiel au bénéfice de la collectivité de travail. Comme toute réforme qui touche aux comportements et à la culture d’entreprise, une conduite du changement est indispensable. Car on modifie le système et les critères d’évaluation, la notion de compétences et on est obligé de caractériser avec précision ce que l’on nomme une connaissance. Il n’est d’ailleurs pas impossible que cela varie d’une entreprise à l’autre, d’une administration à l’autre.
Savoir évaluer sans accuser
Une compétence peut être définie avec concision comme un savoir, agi et vérifiable par un résultat. Ce qui importe en effet, c’est que chaque agent puisse mobiliser ses connaissances pour atteindre le résultat qui lui est demandé. Ce qui cible la connaissance – et la distingue ainsi de la compétence – dans la typologie connue de savoir, savoir- faire et savoir-être. On voit donc que le système d’évaluation change de nature et d’objectifs. Il n’est plus accusatoire ; le manager a intérêt à détecter dans la confiance, le manque de connaissance chez un agent pour le former. Il évalue le résultat qui peut en effet emporter un dialogue plus exigeant mais toujours constructif. Il y a naturellement plein d’autres facettes à ce sujet important. Il existe en tout cas une forme d’urgence à le traiter au bon niveau qui est celui de sa dimension stratégique.