Marché de l’emploi en tension, pénurie de compétences, baisse du pouvoir d’achat : plusieurs facteurs amènent aujourd’hui à une revalorisation des rémunérations en France.
On évoque depuis plusieurs mois le retour d’une pénurie de compétences dans un marché de l’emploi où les besoins en recrutement sont nombreux. C’est un fait, sur de nombreux métiers, la tension observée est réelle. Pour autant, cette tension comme ses effets restent à nuancer, présentant des variations sectorielles comme géographiques. Une lecture du marché unidimensionnelle pourrait mener à une perception erronée des opportunités et enjeux actuels.
Rémunérations : sortir d’une surenchère potentiellement dangereuse à court terme
Dans une récente étude Ifop pour Clever Connect/PageGroup, 40% des recruteurs indiquaient que les niveaux de salaires proposés, jugés trop bas, étaient un frein au recrutement. Un postulat qui ne rencontrait l’adhésion que de 27% des dirigeants. Deux réalités, avec d’un côté le recruteur pour qui la tâche serait facilitée s’il pouvait proposer des rémunérations plus attractives, de l’autre le dirigeant dont l’objectif est de recruter au bon niveau de salaire, dans une optique de gestion de la masse salariale et d’équilibre interne, le collaborateur qui pourra progresser en son sein et faire progresser l’entreprise. Au-delà de cette opposition, dans un contexte où émerge une certaine surenchère salariale à l’embauche, ce chiffre révèle que cette question n’en est une que pour moins d’un tiers des acteurs concernés par le recrutement. L’enjeu serait-il donc ailleurs ? Si des revalorisations par branche sont parfois cruciales (pensons aux métiers du soin ou de l’éducation notamment), s’il est essentiel, pour permettre à chacun de vivre décemment, d’ajuster les salaires en fonction d’éléments conjoncturels, il faut également avoir à l’esprit que toute envolée généralisée des salaires, dans un contexte fortement inflationniste, pourrait à terme engendrer des risques pour les entreprises.
La vigilance, au vu de l’incertitude géopolitique qui perdure, reste de mise. Car le conflit russo-ukrainien entraîne dans son sillage des pénuries de matières premières, une envolée des coûts liés à l’énergie et des restrictions en matière d’import/export. Des contraintes qui impactent la sécurité financière des entreprises. En cas de fort ralentissement économique, combien seraient à même d’absorber une chute de leur chiffre d’affaires associée à une récente explosion de leur masse salariale et des coûts liés à leur activité ?
Des nuances sectorielles et géographiques à faire valoir
On tend aujourd’hui à diffuser une vision centralisée d’une situation aux visages multiples. Le prisme parisien – qui concentre à lui seul 38% de l’emploi cadre selon l’Apec et se constitue de plus de 87.5% d’emplois tertiaires (+8 pts par rapport à la moyenne nationale selon l’INSEE) – offre-t-il une représentation juste de la situation nationale ? Pour des raisons d’activités, de bassins d’emploi, de coût de la vie ou encore d’infrastructures, les lectures demandent une granularité plus fine et plus de nuance dans l’interprétation.
La reprise post crise sanitaire a par exemple plus largement concerné la façade Manche-Centre-Ouest et le « U de la croissance » que l’Ile-de-France ou la diagonale des faibles densités, majoritairement rurale. L’idée que le candidat peut aujourd’hui aisément négocier son salaire parce qu’on observe une pénurie de compétences est à nuancer. Il ne s’agit en aucun cas d’une réalité vécue par tous mais bien d’une réalité à géométrie variable, portant sur des compétences spécifiques, associées à des niveaux de qualifications et de rentabilité élevés (ingénierie, IT, finance, …).
Une nécessité de mieux évaluer les compétences pour répondre aux besoins de main d’œuvre
Les recruteurs soulignent en parallèle la difficulté à évaluer les compétences des candidats (1er motif pour expliquer les difficultés de recrutement). Compétences techniques, mais aussi de plus en plus, en l’absence ou en complément de celles-ci, compétences comportementales. Or comment proposer une rémunération juste, si l’on peine à évaluer avec précision les qualités et capacités d’un candidat ?
Pour répondre à ce besoin d’évaluation, de nombreux outils émergent depuis peu sur le marché du recrutement. Outre les tests de personnalité et jeux de rôles, on observe l’apparition de solutions d’identification des soft skills, forces et faiblesses des candidats, à travers des parcours digitaux et des mises en situation augmentées (mission games RH, IA, réalité virtuelle, …).
La question de l’évaluation du potentiel d’un professionnel peut difficilement être décorrélée de celle de l’offre de rémunération. Elle est essentielle en vue de recruter la bonne personne, au bon poste et au juste salaire, pour un recrutement pérenne, performant et une relation équilibrée entre les parties.
Envolée des salaires et recrutement Credit Depositphotos