Face à l’inflation la Banque centrale européenne ne marque pas de pause dans l’augmentation des taux directeurs. Les établissements bancaires durcissent les conditions d’obtention des prêts aux entreprises. Pour les matières premières, 60% des entreprises sont frappées par la flambée des prix. Que peuvent faire les cadres et les dirigeants face à cette situation ?
La Banque centrale européenne souhaite une inflation faible et régulière à 2% pour une meilleure clarté et une bonne marge de sécurité. L’État apprécie l’inflation car les emprunts à long terme seront remboursés à un coût réel inférieur. Pour les consommateurs, l’inflation érode le pouvoir d’achat. Quant aux entreprises, elles souhaitent un niveau d’inflation stable : les investissements réalisés aujourd’hui génèrent des bénéfices et des rendements plus élevés à l’avenir. Quand une inflation s’installe à long terme et devient élevée les dirigeants doivent réagir et certaines entreprises doivent résister. Cette tribune parle de l’expérience des autres car “l’expérience est de loin la meilleure preuve” Francis Bacon.
“La confiance des dirigeants s’affaiblit face aux crises d’énergie et de l’approvisionnement”
Énergie. Les factures d’électricité et de gaz deviennent de plus en plus problématiques pour les professionnels dont l’existence est parfois menacée. Il y a les dispositifs d’aides aux entreprises impactées par l’augmentation des prix de l’énergie mais ceci n’est pas suffisant. Pour répondre à l’urgence de la crise énergétique, et réduire leurs factures, les entreprises peuvent mettre en œuvre “de premières actions simples et à effet immédiat“, conseille l’Ademe.
Quelles solutions pour faire face à la hausse des prix ? Anticiper les contraintes réglementaires, renégocier les contrats de fourniture gaz / électricité pour limiter les risques liés à la fourniture d’énergie, mobiliser le personnel autour d’un projet fédérateur pour limiter la consommation d’énergie ou alléger le poids de la fiscalité : le montant peut être optimisé en fonction de l’activité de la société et son profil. Si les fonds propres de l’entreprise sont suffisants renforcer peut-être la compétitivité de l’entreprise à long terme en investissant dans un projet de rénovation énergétique.
Approvisionnement. Tant au niveau européen, français ou entreprises, une réflexion sur l’autonomie de l’approvisionnement, la chaîne logistique et le stock de précaution peuvent s’avérer utiles. L’époque où un établissement maintenait un faible stock et juste-à-temps est révolue. Il faut identifier tous les fournisseurs, les fournisseurs derrières eux, et ainsi de suite. Le but étant d’évaluer le risque à chaque étape et de substituer certains composants dans la chaine de production.
Un marché de plus en plus volatil et en évolution rapide contraint d’agir vite car plusieurs chaînes grands entrepreneurs sont capables de prendre des décisions plus rapides, plus précises et en temps réel.
Pour gagner en efficacité, faut-il jouer la carte de la rationalisation ?
Avec un approvisionnement plus long et plus cher, une facture d’énergie excessive, un stock considérable, ne faut-il pas regarder l’impact de leur rationalisation sur les activités et agir davantage en mode de survie à court terme pour sortir plus fort lorsque l’inflation se stabilisera ? La priorité doit devenir la croissance en marge réelle. Il est peut-être judicieux de rationaliser les gammes de produits, les sites de fabrication, les fournisseurs, les activités, etc., et de se concentrer davantage sur les opportunités futures et les segments qui offrent les meilleurs rendements.
En 2023 et même 2024, les prix élevés des matières premières et la pénurie de semi-conducteurs continueront de stimuler l’inflation, ce qui conduit plusieurs entreprises à se concentrer sur des produits à marge plus élevée. La tendance est à une augmentation des prix sur les produits bas de gamme et une stabilité de prix pour les articles à prix élevé.
“Sur l’ensemble des thèmes proposés dans le questionnaire de l’institut de sondages, la modernisation de l’outil de production est plébiscitée par 40% des répondants. Viennent ensuite le développement des nouveaux produits (21%) et la diversification (16%)”. Mais plus de 80% des entreprises prévoient de ne pas investir en 2023.
Inflation : comment répondre à la hausse des salaires ?
Avec les pénuries de main-d’œuvre, les salariés envisagent de changer d’emploi pour répondre à la crise du coût de la vie. La grande majorité des dirigeants sondés déclarent prévoir des augmentations salariales pour garder et motiver leurs meilleurs salariés. Les différentes approches constatées sont la mise en place d’une hausse temporaire des salaires, des primes additionnelles, la possibilité d’avances sur salaires, la mise en place du télétravail, les tickets repas, la mise en place d’un intéressement ou d’une participation, la mise en place d’un plan épargne salariale ou d’un partage de valeur, etc.
Pour décider d’une augmentation de salaire négociée, les dirigeants analysent l’évolution de l’inflation en général et dans leurs secteurs, définissent des objectifs commerciaux réalisables, comparent les salaires actuels à ceux de leurs concurrents, comprennent les ressources propres de l’entreprise et enfin répondent à la question : “pourquoi notre entreprise et pas une autre ?”
L’entreprise face à la Banque centrale et à son banquier
Les annonces de hausse des taux directeurs de la BCE ne doivent pas surprendre. Chaque hausse rend le crédit plus cher, l’économie ralentit, et l’inflation renoue avec des niveaux plus faibles. Cette hausse ne fera pas baisser le coût de l’énergie et ne facilitera pas l’approvisionnement.
Face à un crédit plus cher et une inflation persistante, que peut faire l’entreprise pour maintenir un niveau de liquidités suffisantes, qu’il s’agisse de liquidités facilement disponibles ou d’un accès à une facilité de crédit bancaire ? Garder une bonne relation avec sa banque ? Mais si la relation avec son banquier n’est pas au beau fixe, il existe d’autres méthodes pour apporter de l’argent : l’apport en capital, l’apport en compte courant par les associés, le crédit inter-entreprise, la Banque publique d’investissement, le crowdfunding, les fonds d’investissement et surtout les dons familiaux. Pour un besoin urgent de trésorerie, l’affacturage peut être une solution si les marges le permettent. De plus, si l’entreprise souhaite négocier des remises sur les commandes tout en fiabilisant ses relations avec ses fournisseurs en les réglant d’une manière anticipée sans faire appel à sa trésorerie, l‘affacturage inversé est une solution à étudier.
L’entreprise dans un environnement mondial et européen
L’ouverture de l’économie française et, plus généralement, son insertion dans un mouvement européen et mondialisé doit être une préoccupation des dirigeants au quotidien face à l’inflation. Pour éviter les changements rapides dans les politiques commerciales, plusieurs facteurs sont à surveiller : les accords bilatéraux entre l’Europe et d’autres régions du monde, les conflits contemporains, et l’évolution des politiques des fournisseurs de matières premières internationaux, entre autres.
Mais après la pandémie, et dans une période de guerre à la porte de l’Europe, certains dont des dirigeants et investisseurs pensent que l’ère de la mondialisation s’apprête à prendre fin et que les entreprises ont besoin d’une production plus proche du client. Les entreprises qui feront ce choix seront face à l’innovation et à la création des gains de productivité par le progrès technique et l’organisation du travail pour compenser les gains réalisés grâce à la mondialisation et éviter d’ajouter de l’inflation à l’inflation.