Les enjeux sociaux des réorganisations d’entreprises. Les réorganisations sont des processus complexes et leur mise en œuvre est étroitement encadrée par le législateur et par le juge. Un mot d’ordre pour que les choses se déroulent au mieux pour l’employeur et ses salariés : anticiper.

Quelle procédure ?

La procédure à mettre en œuvre diffère selon l’ampleur du licenciement et l’effectif de l’entreprise. Une consultation du comité social et économique (CSE) s’impose toutefois dès que le projet de réorganisation envisagé a une nature collective, soit dès qu’au moins deux salariés sont concernés.

L’enjeu de taille pour les entreprises reste néanmoins l’obligation de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), négocié en parallèle de la consultation des élus, dont l’objet est de prévoir une série de mesures financières et matérielles destinées à éviter les licenciements ou à en limiter les effets (et incluant parfois un dispositif dit de « départs volontaires »).
Cette obligation incombe à toutes les entreprises de 50 salariés ou plus envisageant de licencier au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours. Attention également aux seuils glissants prévus par le Code du travail et destinés à éviter les tentatives de contournement du seuil de 30 jours par certains employeurs.

Quel timing ?

En pratique, la consultation du CSE dure un à trois mois hors PSE, et deux à quatre mois si l’adoption d’un tel plan s’impose. Dans ce deuxième cas de figure, le PSE doit également être approuvé par l’administration qui dispose de 15 à 21 jours calendaires pour ce faire.

L’employeur doit impérativement s’assurer de disposer d’un temps de préparation nécessaire en amont du lancement de la consultation puisqu’il devra remettre au CSE une ou plusieurs notes d’informations présentant le projet, ses raisons et ses incidences.

Il convient de compter a minima un mois de préparation avant le lancement officiel de la consultation. Selon l’ampleur du projet, deux à trois mois pourront s’avérer nécessaires.

Quel motif ?

Les ruptures de contrats de travail mises en œuvre dans le cadre de réorganisations reposent sur un motif économique. Celui-ci est défini par le Code du travail comme un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à la cession d’activité de l’entreprise ou à une réorganisation de celle-ci nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

En cas de difficultés économiques, la jurisprudence n’exige pas que la situation de l’entreprise soit catastrophique ; mais il faut que les difficultés rencontrées soient réelles et sérieuses. Un mot d’ordre néanmoins : quel que soit le motif, le souci de rentabilité ou la volonté de faire des économies ne constituent pas, en soi, un motif économique valable de licenciement.

Quel salarié ?

Pas de « pick and choose » ! L’employeur qui décide de procéder à un licenciement économique, individuel ou collectif, ne peut pas choisir les salariés visés par les mesures de licenciements.
Il doit fixer les critères lui permettant d’établir un ordre des salariés à licencier en tenant compte de ceux prévus par la loi, à savoir : charges de famille, ancienneté, situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile et qualités professionnelles.

Ces critères s’appliquent au sein de catégories professionnelles, soit un ensemble de salariés qui exercent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Cette notion a par ailleurs été étendue par le juge judiciaire afin de tenir compte de l’obligation d’adaptation de l’employeur.
La tentation pour l’employeur de découper les catégories professionnelles de façon trop étroite afin de s’assurer de pouvoir licencier les salariés que la société souhaiterait pourvoir licencier en priorité s’avère souvent dangereuse.

Quand bien même le CSE ne s’y opposerait pas, l’employeur pourrait se voir opposer un refus de validation ou d’homologation du PSE par l’administration et irait au-devant de possibles contestations individuelles.

Quels risques ?

L’attention apportée aux reports de charge de travail et aux risques psycho-sociaux engendrés par les réorganisations n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours des dernières années. Attention donc à ne pas ignorer ou minorer cette dimension.
Il est impératif de conduire une analyse poussée de l’impact que la réorganisation aura sur ce plan, tant pour les salariés sortants que ceux restants, et de prendre des mesures visant à en atténuer les effets. Pour les réorganisations de grande ampleur, il peut même être préférable de faire appel à un cabinet spécialisé.

Là encore, le risque serait pour l’employeur de se voir opposer un refus de l’administration en cas de PSE, véritable frein à la mise en œuvre de son projet, et/ou d’éventuelles demandes indemnitaires. Anticiper, s’entourer et dialoguer sont les trois piliers qui permettent de répondre efficacement aux enjeux sociaux des réorganisations d’entreprises.
Les enjeux sociaux des réorganisations d’entreprises

Tribune corédigée avec Victoria Hamel, Counsel au sein du département Droit social du bureau parisien d’Eversheds Sutherland. Victoria conseille des clients français et internationaux en droit du travail sur des problématiques collectives et individuelles dans un cadre national ou transfrontalier. Elle intervient également en matière d’embauche ou de licenciement de salariés, de relations avec les instances représentatives du personnel ou d’élections professionnelles, ainsi que sur les questions de sécurité sociale, de santé au travail et sur les contentieux sociaux. Son expérience inclut la gestion de dossiers liés à des opérations de fusions-acquisitions et de restructurations d’entreprises, notamment la mise en œuvre de licenciements collectifs ou le transfert d’employés. Avant de rejoindre Eversheds Sutherland, Victoria a exercé au sein du cabinet Dechert LLP. Avocate au barreau de Paris depuis 2016, elle parle français et anglais.
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