Entretien d’évaluation, comment s’y préparer. L’entretien d’évaluation représente un moment stratégique dans la carrière d’un cadre ou dirigeant. Bien que facultatif pour l’employeur en vertu de son pouvoir de direction (Cass. soc. 10-7-2002 n° 00-42.368), cet exercice s’inscrit dans un cadre juridique précis qu’il convient de maîtriser pour en faire un levier d’évolution professionnelle.

Un cadre juridique protecteur

Le législateur a posé des garde-fous essentiels pour garantir l’équité de l’exercice. Les dispositifs d’évaluation doivent impérativement reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass. soc. 14-12-2015 n° 14-17.152). Cette exigence protège le salarié contre toute forme d’arbitraire ou de discrimination.

Il est important de noter que l’entretien d’évaluation se distingue de l’entretien professionnel, obligatoire tous les deux ans. Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc. 5-7-2023, n° 21-24.122) autorise leur tenue le même jour, à condition que les questions d’évaluation ne soient pas abordées pendant l’entretien professionnel.

Les obligations préalables de l’employeur

Avant toute mise en place d’un système d’évaluation, l’employeur doit respecter plusieurs obligations légales. La consultation du CSE est obligatoire (Cass. soc. 28-11-2007 n° 06-21.964), son absence constituant un trouble manifestement illicite pouvant justifier la suspension du dispositif (Cass. soc. 10-4-2008 n° 06-45.741). Les méthodes et techniques d’évaluation doivent également être portées à la connaissance des salariés préalablement à leur mise en œuvre, conformément aux articles L. 1222-3 et L. 1222-4 du Code du travail.

Une préparation méthodique et documentée

Une préparation rigoureuse s’impose pour transformer cet exercice en opportunité de développement professionnel. Il est recommandé de constituer tout au long de l’année un dossier regroupant les éléments tangibles de ses réalisations. La jurisprudence reconnaît d’ailleurs au salarié le droit de consulter les résultats de son évaluation et d’en demander une copie (Circulaire DRT 93-10 du 15-3-1993).

Cette préparation nécessite une analyse approfondie de plusieurs aspects. Premièrement, une revue détaillée des objectifs fixés lors du précédent entretien et de leur niveau d’atteinte. Deuxièmement, un recensement des compétences développées et des formations suivies. Troisièmement, une identification des difficultés rencontrées et des solutions mises en œuvre. Enfin, une réflexion sur ses perspectives d’évolution et les moyens nécessaires pour les concrétiser.

Les pratiques d’évaluation encadrées

La jurisprudence a strictement encadré certaines pratiques d’évaluation pour protéger les salariés. Le “forced ranking”, système de classement des salariés selon des quotas préétablis, a été jugé illicite (Cass. soc. 27-3-2013 n° 11-26.539). De même, si le “benchmark” est autorisé, ses modalités ne doivent pas générer une mise en concurrence perpétuelle source de souffrance au travail (CA Lyon 21-2-2014 n° 12/06988).

Les tribunaux ont validé certaines pratiques comme l’autoévaluation (CA Versailles 19-12-2014 n° 13/03952), sous réserve qu’elles respectent les principes de transparence et d’objectivité.

La protection des données personnelles

L’évaluation implique souvent la collecte de données personnelles soumises au RGPD. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec le travail, et le salarié est tenu de les fournir de bonne foi. L’employeur doit garantir leur confidentialité et leur protection.

Conduite de l’entretien et suivi

Pendant l’entretien, il est recommandé d’adopter une posture constructive et professionnelle. Le dialogue doit s’appuyer sur des faits précis et documentés. Les échanges peuvent porter sur la réalisation des objectifs, les compétences développées, les besoins en formation, et les perspectives d’évolution.

Le suivi post-entretien revêt une importance capitale. Bien que l’employeur ne soit pas légalement tenu de remettre un compte-rendu écrit (sauf disposition conventionnelle contraire), il est vivement conseillé d’en demander un. Ce document peut constituer un élément de preuve précieux en cas de contentieux ultérieur.

Les droits du salarié

La jurisprudence protège plusieurs droits essentiels du salarié. Il peut notamment refuser de signer le compte-rendu sans que cela constitue une faute (CA Chambéry 19-1-2010 n° 09-1180 ; CA Versailles 9-10-2008 n° 07-3427). Une ou plusieurs mauvaises évaluations ne peuvent justifier à elles seules une rétrogradation, une baisse de rémunération sans accord du salarié, ou un licenciement.

Impact sur la carrière et perspectives

L’entretien d’évaluation peut entraîner des conséquences significatives sur la carrière. Une évaluation positive peut conduire à une augmentation de rémunération ou une promotion. En revanche, les évaluations négatives doivent être maniées avec précaution par l’employeur. Elles peuvent constituer un élément parmi d’autres pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, mais ne peuvent suffire à elles seules.

L’entretien d’évaluation constitue donc un exercice délicat qui nécessite une préparation rigoureuse et une connaissance précise de ses droits. Pour les cadres et dirigeants, il représente une opportunité de valoriser leurs compétences et de négocier leur évolution professionnelle, tout en bénéficiant d’un cadre juridique protecteur.

Une approche méthodique et documentée, combinée à une attitude constructive, permet d’en faire un véritable levier de développement professionnel.
Entretien d’évaluation/Entretien d’évaluation
Entretien d’évaluation Depositphotos_Vadymvdrobot

 

 




Article précédentL’avenir des RH et de la paie en 2025 réside dans l’alliance de l’humain et de l’IA 
Xavier Berjot, Avocat Associé Droit du travail, gestion des RH chez Sancy Avocats
Technicien reconnu en droit du travail et de la sécurité sociale, Xavier Berjot, avocat au Barreau de Paris depuis plus de 20 ans, a fondé la société d’avocats Sancy. Auteur de 5 ouvrages parus chez AFNOR Editions "Le Droit du travail dans l’entreprise", "La Rupture conventionnelle" (2ème édition), "Le Licenciement", "Les Délégués du personnel" et "J’embauche un salarié". Régulièrement sollicité par la presse, il écrit de nombreux articles pour des éditeurs juridiques, des revues professionnelles et des quotidiens régionaux et nationaux. Le cabinet Sancy accompagne les acteurs de l’entreprise (dirigeants, DRH, salariés…) dans tous les aspects du droit du travail (conseil et contentieux). Xavier Berjot accompagne salariés, cadres et dirigeants, lors de leur négociation de départ de l’entreprise. Le Cabinet maîtrise aussi les aspects très techniques de ces dossiers (contexte d’expatriation, plans de stock-options, niveaux très élevés de salaire, cumul mandat social / contrat de travail, fiscalité…).