Intégrer les femmes dans les métiers IT. Le secteur de la tech porte en lui un paradoxe étonnant : alors qu’il est le reflet de l’innovation et de la transformation de la société, la sous-représentation des femmes y est incroyablement persistante. Or, en se privant des femmes et en maintenant cette inégalité, le secteur freine son plein potentiel. Sans appeler à une parité parfaite, le rééquilibre des genres n’en est pas moins une nécessité pour l’avenir de notre industrie.
Un constat sans appel
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, les femmes ne représentent qu’environ 27 % des étudiants en écoles d’informatique. Plus tard, dans les entreprises technologiques, leur accès aux postes de direction reste tout aussi limité : selon une étude publiée en avril 2024 par le groupe Cegos, les femmes occupent 22 % des postes de DSI en France. Cette stagnation, voire cette régression, ne reflète pas une absence de compétences, mais des barrières systémiques et culturelles bien ancrées.
Ces freins se manifestent dès le plus jeune âge. Les stéréotypes de genre, qui orientent encore trop souvent les filles loin des carrières technologiques, réduisent drastiquement leur présence dans les cursus scientifiques et techniques. Par ailleurs, le manque de modèles féminins visibles dans l’industrie contribue à entretenir cette perception que l’IT est un monde réservé aux hommes.
Pourtant, certains exemples prouvent que les choses peuvent changer. Des figures telles que Sheryl Sandberg, ancienne COO de Meta, ou encore Reshma Saujani, fondatrice de Girls Who Code, montrent qu’il est possible pour les femmes de briser les plafonds de verre. Ces parcours inspirants doivent devenir la norme, et non l’exception.
Un gâchis de talents face à une pénurie criante de compétences
Le paradoxe est tristement regrettable : alors que le secteur IT est confronté à une pénurie de talents sans précédent, il continue d’ignorer un vivier considérable. La numérisation croissante des activités humaines a créé un besoin accru de compétences dans des domaines comme la cybersécurité, l’intelligence artificielle et le développement logiciel. Et l’on sait parfaitement que ce besoin ne va faire que s’accentuer – notamment dans les métiers liés à l’IA ou à la gestion de données. Attirer plus de femmes dans ces métiers permettrait non seulement d’élargir ce vivier, mais aussi de renforcer l’attractivité globale du secteur.
En effet, les entreprises technologiques ne peuvent plus se permettre de recruter uniquement dans une moitié de la population. La compétitivité des ESN, par exemple, repose sur leur capacité à attirer des profils variés. Les femmes apportent des perspectives nouvelles et complémentaires, ce qui stimule l’innovation et conduit à des solutions plus inclusives.
Plusieurs études confirment d’ailleurs que les entreprises avec une meilleure diversité des genres enregistrent des performances supérieures. L’équilibre hommes-femmes est un levier économique qui a déjà fait ses preuves. Il est temps que le secteur de l’IT, en manque cruel de compétences, s’en empare pleinement.
Des solutions concrètes pour une transformation en profondeur
Les solutions existent, et elles ont fait leurs preuves ailleurs. En Tunisie, Inde et même Arabie Saoudite, par exemple, la parité dans les métiers IT n’est pas un sujet : les femmes représentent même parfois plus de 50% des effectifs, comme c’est le cas en Tunisie (55%).
Ces succès s’expliquent notamment par des approches systémiques visant à présenter les métiers technologiques aux jeunes filles très tôt, souvent dès le collège. Ils brisent ainsi les préjugés qui pourraient freiner leur intérêt.
Les entreprises françaises doivent s’inspirer de ce qui se fait ailleurs et prendre des initiatives fortes – au-delà des classiques chartes et autres formations à l’inclusion. Plusieurs pistes peuvent être explorées :
- Mener des actions de sensibilisation dès le secondaire, pour présenter les carrières IT comme des options attractives et promouvoir la formation des femmes aux métiers technologiques. De nombreux pays arabes et moyen-orientaux ont démontré l’efficacité de telles approches, via notamment des actions menées conjointement par les gouvernements et les entreprises.
- S’impliquer dans des programmes d’alternance, en favorisant le plus possible la présence d’apprenantes. En collaborant avec les écoles et les établissements éducatifs, les entreprises peuvent ouvrir plus efficacement les métiers de l’IT aux femmes.
- Promouvoir les rôles modèles féminins dans les communications internes et externes, pour donner envie à d’autres de suivre ces parcours. Mais pas uniquement via les canaux habituels des entreprises. Cela ne doit pas seulement être faits sur les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn, mais aussi – voire surtout – sur les réseaux comme TikTok, Instagram ou X, beaucoup plus utilisés par les jeunes générations.
Soulignons aussi que les startups – et les différents écosystèmes les entourant – doivent également participer à donner envie aux jeunes femmes de se lancer dans l’aventure technologique. Et il ne faut pas avoir de fausse pudeur : le goût de la réussite, la perspective du succès financier et la valorisation personnelle sont de puissants moteurs auxquels les jeunes sont sensibles. Il n’y a aucune raison de ne pas mettre en avant davantage de belles histoires. Celle de Rachel Delacourt, qui avait vendu il y a quelques années sa pépite Bime à Zendesk pour 45 millions d’euros, est un bel exemple.
Appel à l’action collective
Changer la dynamique de genre dans l’IT n’est pas un luxe, mais une impérative nécessité économique et sociétale. C’est une responsabilité qui incombe à chacun : aux entreprises, aux institutions académiques et aux décideurs publics. En mettant en place des initiatives concrètes, en valorisant la diversité et en agissant en amont, nous pouvons rééquilibrer les forces en présence et construire un avenir plus inclusif et prospère.
De nombreux pays d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient montrent qu’une présence égale (parfois même majoritaire) des femmes dans les métiers scientifiques et technologiques peut être une réalité. Il n’y a aucune raison recevable pour la France n’y parvienne pas
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