Cadre et Dirigeant Magazine : quand on évoque les Seniors, on pense davantage aux propos du Général de Gaulle « la vieillesse est un naufrage… », comment pouvez-vous parler d’une mine d’or ?

Ralph Hababou : Sur le plan statistique, c’est simple, notre pays et nos clients vieillissent. Avec, aujourd’hui, 15 millions de personnes de plus de 60 ans, la France en comptera 20 millions en 2030. En revanche, les seniors d’aujourd’hui ne ressemblent en rien aux vieux d’avant. Ce sont principalement des baby-boomers – la génération née entre 1945 et 1960 dans l’euphorie de l’après-guerre -, qui ont bénéficié d’une parenthèse enchantée, dénommée les Trente glorieuses : mai 68, le travail sans le chômage, la consommation sans aucune contrainte, la sexualité sans le Sida ….

Cadre et Dirigeant Magazine : Vous parlez même de « happy boomers », toujours des seniors ?

Ralph Hababou : devenus seniors, ils continuent à travailler, divorcent, se remarient, voyagent, surfent sur Internet, font du sport… D’où l’expression parfois utilisée de « happy boomers » ou « sexygénaires » pour les qualifier. Exit donc l’image ringarde et vieillotte du troisième âge d’antan. Désormais, c’est plutôt ambiance « Route du rhum » avec son lot de défis, d’imprévus et de rebondissements. Bienvenue donc dans l’ère de « l’homo senectus » !

Cadre et Dirigeant Magazine : Comment réagissent les entreprises à cette génération nouvelle ?

Ralph Hababou : au lieu de se préparer activement à cette déferlante de seniors, nos entreprises négligent encore leur formidable potentiel économique, leur pouvoir d’achat et leurs idées, expérience et énergie. Elles ignorent cette évolution car leurs services marketing sont peuplés de jeunes diplômés. Elles ne sont pas vraiment à l’écoute et prêtes à satisfaire leurs attentes. Enfin, point fondamental dans cette période si difficile en termes de business, ces seniors disposent souvent d’un patrimoine et d’un niveau de vie largement supérieur à toutes les autres catégories de la population, d’où le sous-titre du livre « Il y a de l’or dans SeniOR ».


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Cadre et Dirigeant Magazine : Comment transformer en acheteurs  les séniors plus connus pour épargner que consommer ?

Les choses ont changé, et paradoxalement les phénomènes s’inversent. Les jeunes générations, inquiètes pour leur avenir, ont tendance à épargner en prévision de leur retraite. De leur côté, les seniors n’hésitent plus à emprunter et à dépenser pour se faire plaisir et financer un projet personnel (vacances, voyages, travaux de rénovation, voiture de sport, etc.) ayant quasiment fini de rembourser leurs prêts pour l’achat de leur résidence principale. Selon une étude de l’Observatoire du crédit aux ménages, le taux de seniors endettés pour un crédit à la consommation a doublé en 20 ans. D’ailleurs, pour les banques, prêter de l’argent à un senior (le paiement des retraites est garanti par l’Etat) est moins risqué qu’à un cadre qui travaille et peut, malheureusement, subir des périodes de chômage et des revenus plus aléatoires. Il y a un véritable déficit de l’offre : au lieu de vendre, il faut leur donner envie d’acheter. Quand l’on vieillit, on a moins de besoins et plus d’envies.

Cadre et Dirigeant Magazine : Comment doit s’y prendre une entreprise pour aborder efficacement ce marché ?

Ralph Hababou : il y a un chiffre qu’il faut toujours avoir en tête. Dans les années 1970, au moment du départ à la retraite, on pouvait espérer vivre 7 années supplémentaires ; en 2014, c’est un bonus de 25 à 30 années de vie supplémentaires. Il ne s’agit plus de rajouter des années à la vie, mais bien d’insuffler de la vie aux années. N’oublions pas que s’il est satisfait d’une marque, le senior sera un client fidèle et s’il a aimé son expérience client, il en deviendra un promoteur très actif dans son réseau ou son entourage.

Cadre et Dirigeant Magazine : faire du marketing senior, n’est-ce pas maladroit de les interpeller en tant que tel ? 

Ralph Hababou : C’est vrai, cela doit être un marketing subtil car les seniors ne souhaitent pas être stigmatisés. Le meilleur moyen de les faire fuir, c’est de labelliser un produit senior et de leur signifier qu’il est fait pour eux. Regardez ce qui se passe ailleurs, j’ai ainsi mené une large enquête et organisé un voyage d’étude au Japon, le paradis des seniors. Objectif : voir comment la distribution et les entreprises s’adaptent à ce type de clients. Dans ce pays, il se vend plus de couches pour adultes que pour bébé, et j’y ai vu des choses très intéressantes. Il y a donc un véritable eldorado à découvrir avec cette génération S comme SeniORs.

*** Auteur de plusieurs best-sellers dont « Service Gagnant », « Le service client POUR LES NULS » et «Génération WWW – Web, Woman, Weather », Ralph Hababou, diplômé de l’Essec, dirigeant fondateur du Cabinet PB-RH Conseil, intervient régulièrement en qualité d’expert et conférencier auprès des plus grandes entreprises françaises et européennes. Précurseur depuis toujours, il s’est également illustré, en 1994, comme cofondateur de la chaîne française de coffee bars Columbus Café. www.pbrhconseil.com et www.s-comme-seniors.com