L’actualité démontre que le harcèlement sexuel au travail est l’affaire de tous, mais comment distinguer la drague du harcèlement. Pour y voir clair sur vos droits et vos devoirs en la matière, focus sur la harcèlement sexuel en entreprise par Fabrice Perruchot (Vaughan Avocats), inscrit au Barreau de Paris.
Les situations de harcèlement sexuel difficile à appréhender dans les rapports de travail
En pratique, que ce soit dans les grandes ou petites entreprises, les situations de harcèlement sexuel dans les rapports de travail sont compliquées à appréhender et à traiter pour les raisons suivantes :
– les victimes ne savent pas toujours comment réagir face à une telle situation ou craignent des représailles ;
– l’entreprise est obligée de protéger le « présumé » harcelé comme le « présumé » harceleur, tant que les faits ne sont pas établis ;
– l’existence d’une zone grise entre le harcèlement sexuel et la « drague » ; une subjectivité existe en la matière et des mots ou des comportements sont vécus différemment selon les personnes ;
– la difficulté, dans certaines situations, de disposer de preuves indiscutables permettant d’établir des faits exacts, réels et avérés.
Nonobstant ces difficultés, un bref aperçu de la législation démontre pourtant que le harcèlement sexuel dans l’entreprise est juridiquement bien encadré en France puisqu’il est prévu et réprimé par le Code du travail et le Code pénal.
Une double définition du harcèlement sexuel en droit du travail
Selon les dispositions du Code du travail les faits de harcèlement sexuel à l’égard d’un collaborateur sont constitués « par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Mais, sont également assimilés à du harcèlement sexuel « toute forme de pression grave, même non répétée, exercées dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit de d’une tiers ».
En réalité, nous voyons là que ces définitions sont assez larges et que de nombreuses situations peuvent y entrer. En outre, il faut garder à l’esprit que le harcèlement sexuel peut être :
– le fait d’un employeur, d’un supérieur hiérarchique ou d’un collègue de travail, sans qu’un lien de subordination ne soit nécessaire ;
– un acte unique ou isolé grave (un seul propos ou comportement), s’il entre dans cette définition ;
– commis en dehors des lieux et temps de travail, par exemple lors d’une soirée entre collègues de travail.
A titre d’exemple, récemment, le juge a reconnu un harcèlement sexuel dans une affaire où un employeur avait, une soirée, « conseillé » à sa collaboratrice qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien ».
Ce que doit faire l’employeur à titre préventif
Selon les dispositions du Code du travail, tout employeur a une obligation de sécurité et de santé vis-à-vis de ses salariés, ce qui implique la mise en place d’actions de prévention, mais également celle de process internes pour identifier et traiter les situations de harcèlement sexuel.
– les salariés de l’entreprise sont protégés par les dispositions du Code du travail qui stipulent qu’ils ne peuvent être sanctionnés « ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ». Comme les témoins, lesquels ne peuvent, eux aussi, être sanctionnés, licenciés ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire « pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ». Ainsi, toute sanction disciplinaire prise dans ce cadre, par exemple contre un collaborateur ayant refusé de subir un harcèlement sexuel ou en ayant relaté les faits est nul.
– l’employeur doit « prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ». Ainsi, l’employeur doit mettre en place des actions de prévention au sein de son entreprise :
– actions de sensibilisation (campagnes de sensibilisation par voie d’affichage ou sur le site Intranet de l’entreprise, intervention du médecin du travail) et de formation, diffusion de charte de bonne conduite, étant précisé que le règlement intérieur, obligatoire dans les entreprises de plus de 20 salariés, doit nécessairement contenir des dispositions sur le harcèlement sexuel et ses sanctions ;
-établir une procédure d’identification et de traitement des situations de harcèlement sexuel, intégrant notamment les modalités d’une enquête (acteurs, délais, process, etc…)
– référant en interne (délégué du personnel par exemple) ;
– ligne téléphonique anonyme dédiée, etc…
Il est d’ailleurs fortement conseillé à chaque employeur de s’appuyer sur les représentants du personnel ou la médecine du travail en la matière, ceux-ci étant bien souvent les premiers alertés d’une situation de harcèlement sexuel dans l’entreprise.
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Ce que doit faire l’employeur informé d’un possible harcèlement sexuel
L’employeur informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement sexuel, doit nécessairement et immédiatement réagir pour comprendre la situation et prendre les mesures nécessaires. Ainsi, il doit :
– séparer physiquement les personnes « présumées » harceleuse et harcelée, par exemple par un changement de bureau ou une mise à pied conservatoire ou le télétravail ;
– déclencher une enquête interne pour vérifier les faits de harcèlement sexuel ;
– sanctionner disciplinairement le salarié harceleur si les faits sont établis et prouvés, étant précisé qu’il s’agira très souvent d’un licenciement pour faute grave.
A noter que l’employeur ne mettant en place, ni action de prévention, ni action immédiate pour traiter une situation de harcèlement sexuel engage sa responsabilité et s’expose à des condamnations financières ;
– le salarié harcelé peut obtenir des dommages et intérêts ou rompre son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur si ce dernier n’a pas remédié à une situation de harcèlement sexuel ;
– le salarié ayant fait état d’une situation de harcèlement sexuel de manière mensongère et de mauvaise foi peut être sanctionné ;
– le harceleur (employeur ou salarié) peut faire l’objet d’une plainte pénale et encourt une amende pouvant aller jusqu’à 30.000 € et une peine de prison pouvant aller jusqu’à 2 ans, peines qui passent à 45.000 € d’amende et 3 ans de prison dans l’hypothèse d’un abus d’autorité. Ce qui peut être le cas d’un employeur ou d’un supérieur hiérarchique.