CDM : Aviez-vous imaginé un jour vouloir changer de vie professionnelle ?
A l’époque de mes études, non ! J’ai été élevée dans la perspective de pouvoir faire une carrière au même titre qu’un homme et à 20 ans la projection de la « femme d’affaires” me faisait rêver. C’est elle que j’avais en tête durant mes années d’université. Cette vision était mon moteur. ! Et c’est ce que j’ai conservé une fois entrée dans le monde professionnel et ce durant de très nombreuses années. J’adorais l’idée d’évoluer. Passer de journaliste à rédactrice en chef puis à chef de projet et enfin à productrice correspondait non seulement à mes envies mais également à mes besoins. Je réalisais là mes rêves de jeune femme. C’était précieux !!
CDD : En 2015, vous décidez de changer de vie professionnelle, que s’est-il passé ? Est-ce lié à la naissance de votre enfant ?La naissance de mon enfant a été l’élément déclencheur. Ou plus précisément, l’élément révélateur de mon besoin de changement. Plus qu’un changement de vie professionnelle, je dirai que cela a été un changement de mode de vie professionnelle. Suite à la naissance de mon bébé, j’ai eu un besoin urgent de flexibilité. Besoin associé à quelque chose de plus profond mais qui était moins clair, moins précis dans mon esprit, alors que c’était en réalité en moi depuis déjà un bon moment. Ce besoin, c’était un besoin vital de sens.
CDD : C’est à dire ?
Et bien si j’ai pris un plaisir fou et immense à travailler pour les programmes sur lesquels j’ai eu la chance d’être productrice, ou rédactrice en chef, ou journaliste, une douzaine d’années plus tard je n’avais plus les mêmes centres d’intérêt ni les mêmes envies. Ce qui me motivait entre 20 et 30 ans et qui m’a nourrie et épanouie ne correspondait plus à mes attentes alors que j’approchais des 35 ans. Mais c’était un sentiment très diffus et je ne parvenais pas à décoder ce que je ressentais.
La venue au monde de mon enfant à l’aube de mes 36 ans a été ce révélateur. Mais, pour avoir échangé avec des centaines de femmes lors d’une grande enquête que j’ai menée sur le terrain puis après avoir créé mon concept « L se réalisent », je sais que mon enfant fut mon élément déclencheur quand, chez d’autres femmes, ce fut un divorce, un burn out, un licenciement, un déménagement, la maladie, le plafond de verre… L’élément déclencheur est propre à l’histoire personnelle de chaque personne, mais le besoin sous-jacent est universel. C’est une profonde remise en questions correspondant à une vraie réflexion sur le sens de ce que l’on vit, de ce que l’on a vécu et de ce que l’on souhaite vivre.
CDD : Comment gère-t-on ce type d’évolution ?
Pas très bien de prime abord. Nous sommes dans une société plutôt figée. Alors que l’on a fini par admettre qu’il était devenu illusoire de passer sa vie au sein de la même entreprise en CDI, on a encore du mal avec le fait de ne pas se projeter avec un seul métier. Et si cela devient évident pour la nouvelle génération, celle de l’entre deux, née dans les années 70 et avant la fin des année 80 reste sur le carreau. Les quadragénaires et cinquantenaires d’aujourd’hui ont appris avec les codes de la génération précédente mais doivent faire face aux réalités socioprofessionnelles actuelles. Résultat de nombreuses personnes entre 40 et plus de 50 ans doivent aujourd’hui faire face à l’envie ou au besoin de se reconvertir ainsi que bien souvent face à la nécessité de se créer leur propre emploi. Or personne ne les a préparées à cela. Et pourtant, l’heure de la retraite est bien loin d‘être sonnée pour elles aussi. Notre génération est dans un entre-deux peu confortable. Or, elle est riche de compétences et d’expériences.
Pourquoi mettez-vous l’accent sur, je vous cite « partager et transmettre la découverte de l’entrepreneuriat non plus dans la théorie, mais en pratique dans la vrai vie »
Parce qu’il me semble vital et essentiel de libérer la parole sur l’envers du décors. Parce que nous sommes aujourd’hui fortement encouragés, femmes comme hommes, à nous lancer dans l’entrepreneuriat. Mais les répercussions sont colossales dans la vraie vie. Tant pour la personne elle-même que pour son entourage, mari/femme, enfants… Or, si l’on ne vient pas d’un univers entrepreneurial et que dans sa vie professionnelle on n’a jamais eu à gérer une entreprise, vendre ses produits ou concepts, ou gérer administrativement une société… c’est beaucoup de métiers très différents à apprendre et réaliser d’un coup. En plus du sien. ! On parle de la posture de l’entrepreneur, c’est surtout du « métier d’entrepreneur » qu’il faudrait parler. En quoi cela consiste au jour le jour ? Quelle est la fiche de poste de ce « métier » devenu si glamour dans l’accroche et si complexe dans la réalité ? Comment adopter la « bonne » posture quand on ne visualise pas l’ensemble des tenants et aboutissants de ce que cela implique ? !
Par exemple ?
Par exemple, sur le papier il « suffirait » de savoir choisir les « bons » statuts pour monter sa boîte et devenir entrepreneur. Faux! Ce choix des statuts intervient en dernier dans les étapes de création d’entreprise. Idem pour le fait d’avoir un business model original, un business plan chiadé et complexe… qui file en réalité des complexes aux apprentis entrepreneurs ! Là encore, une seule réalité : est-ce-que pour votre produit/concept, vous avez des personnes qui vous signent un devis pour vous l’acheter ?!
Cendrine Genty raconte le changement de sa vie professionnelle, les coulisses de son immersion dans l’entrepreneuriat, sa découverte d’un nouveau monde avec des acteurs aux dents longues et de fabuleuses rencontres, à l’épreuve des échecs et des réussites, avec la prise de conscience du dépassement de soi pour surmonter les vicissitudes du métier, relever les défis et réussir. « Le jour où j’ai choisi ma nouvelle vie, en quête de sens, en quête de soi. » paru le 19 octobre dernier (Editions Le Passeur).