Une restructuration « socialement responsable »
Nathalie Balla est salariée-gérante de la Redoute depuis 5 ans lorsqu’elle et Eric Courteille, le secrétaire général du groupe, relèvent le défi du redressement de l’entreprise, mise en vente par son actionnaire le groupe Kering dirigé par François-Henri Pinault. Nathalie Balla et Eric Courteille sont choisis parce qu’ils dirigent déjà l’entreprise et en connaissent tous les ressorts, mais aussi parce qu’ils proposent un plan de restructuration « moins dramatique, plus responsable socialement » que les autres candidats, comme l’explique feu Jean-Claude Blanquart, à l’époque représentant de la CFDT.
Nathalie Balla rachète La Redoute pour 1 euro symbolique
Nathalie Balla et son co-repreneur suppriment environ 1000 postes ainsi qu’une centaine de points de vente. Ils organisent un plan de préretraite pour la moitié des salariés et une reconversion longue durée pour les autres. Ils proposent également aux collaborateurs de participer au capital grâce à un fonds commun de reprise abondé par la société puis ils rachètent La Redoute pour 1 euro symbolique. Le groupe Kering investit quant à lui près de 500 millions d’euros pour financer cette restructuration sociale, en négociation serrée avec les politiques de la région nord où, historiquement, La Redoute a une énorme influence en termes d’emplois.
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Maintenir le symbole du catalogue contre vents et marées
La transformation démarre. La Redoute en est encore au stockage et à la livraison « à l’ancienne » alors que le e-commerce bat son plein et que des géants comme Amazon innovent en continu. Nathalie Balla et Eric Courteille conscients de l’urgence optent pour des actions progressives, pour respecter le positionnement et la culture de l’entreprise, ils passent des heures à écouter les avis des collaborateurs, à comprendre leurs peurs et leurs aspirations, et dans cet esprit, un investissement digital est fait, le célèbre catalogue de La Redoute à l’origine de l’entreprise restant contre vents et marées. Simplement, le nombre de pages est réduit, l’objectif de Nathalie Balla étant de l’alléger progressivement jusqu’à sa suppression effective en 2015, parallèlement à la réussite digitale de l’entreprise. La transformation s’opère aussi au niveau de l’offre, recentrée sur le prêt-à-porter et la maison, pendant que le groupe Kering investit en logistique et nouvelles technologies, pour moderniser ses centrales de stockage et ses modes de livraison. Aujourd’hui, une commande passée avant 20 heures peut être livrée le lendemain, ce qui n’était pas le cas au moment de la reprise en 2014. De même, La Redoute qui voyait ses ventes reculer inlassablement enregistre de nouveaux clients et un chiffre d’affaires en hausse à peine deux ans après son rachat : 10 millions de clients, un CA de 750 millions d’euros, dont 30 % à l’international, 7 millions de visiteurs uniques par mois, dont 50 % via le mobile.
Transparence et culture d’entreprise : les clés de la réussite
Mais la grande réussite de Nathalie Balla est surtout l’adhésion pleine et entière des milliers de collaborateurs à la stratégie de La Redoute. Sa transparence sans faille, son attachement à la culture de l’entreprise lui ont permis de lever les craintes et gagner la confiance de tous, de manager un changement structurel profond sans subir de freins sociaux majeurs. En cela, Nathalie Balla est certainement l’un des dirigeants les plus inspirants du moment, en avril 2018, Les Galeries Lafayette prenant 51% du capital de La Redoute.
Nathalie Balla, personnalité e-commerce de l’année
Née en 1967 d’une mère est-allemande et d’un père hongrois, Nathalie Balla, diplômée de l’ESCP et un doctorat en sciences économiques et comptables à l’Université de Saint-Gall (Suisse), bilingue français, débute sa carrière au sein de groupes de l’Est. A 24 ans elle entre chez Karstadt Quelle entreprise de vente à distance,redresse une marque en difficulté et réussit dans l’e-commerce. En 2009 elle accepte la direction de La Redoute, et avec Éric Courteille élabore un plan de rachat au groupe Kering. Elle associe les salariés au capital de l’entreprise par un FCPER (fonds commun de placement d’entreprise de reprise), et co-pilote avec Éric Courteille la mutation de l’entreprise en quatre ans autour d’une offre recentrée, un service amélioré et une plateforme digitale.