Le chômage partiel instauré en mars pour éviter une vague de licenciements lors du confinement a coûté pour 13 millions de salariés 31 milliards d’euros. Alors que ses bénéficiaires retournent maintenant travailler, la ministre du Travail annonce 50.000 contrôles d’ici la fin de l’été pour vérifier si des abus n’ont pas été commis par les entreprises.
Focus sur les contrôles par Maitre Riou, avocat associé, chez Coblence avocats
Quel est le rôle des DIRECCTE ?
Les DIRECCTE* ont instruit les demandes d’autorisation de placement en activité partielle, c’est donc logiquement, selon le plan de contrôle du 14 mai 2020, qu’elles sont l’acteur principal pour l’organisation, la programmation et la réalisation des contrôles. Les objectifs du contrôle sont :
– à titre principal de lutter contre la fraude
– à titre subsidiaire de régulariser les demandes d’indemnisation, en vertu du droit à l’erreur, que l’erreur soit en faveur ou en défaveur de l’entreprise.
Il s’agit de contrôler a posteriori les demandes d’activité partielle afin de détecter d’éventuelles fraudes et en conséquence, obtenir le remboursement de sommes qui n’auraient pas dues être versées par l’Etat aux entreprises.
Comment vont se dérouler ces contrôles ? Quelles entreprises sont concernées ?
Toutes les entreprises ayant eu recours à l’activité partielle sont concernées par les contrôles. Néanmoins, compte tenu du nombre de contrôles à réaliser, il est demandé aux DIRECCTE de cibler certains employeurs dans un souci, précise le plan de contrôle « d’être efficient, et de toujours mettre en perspective les moyens engagés et les suites attendues du contrôle. »
Seront donc plus particulièrement contrôlés les employeurs qui ont été très « consommateurs » d’activité partielle, ayant présenté des demandes d’indemnisation sur la base de taux horaire élevés et dont l’effectif est composé d’une majorité de cadres dont l’activité est susceptible d’être exercée en télétravail.
Les contrôles aléatoires et sur dénonciation sont aussi envisagés
Les contrôles s’effectuent soit sur pièces, à partir de croisements de données (ASP, URSSAF, fiches de paie, avis du CSE, chiffre d’affaires de l’entreprise) et /ou sur place en interrogeant l’employeur, les représentants du personnel et les salariés, en consultant les mails envoyés par les salariés pendant la période déclarée en activité partielle, mais aussi les plannings, les relevés de téléphone portable etc… en vérifiant les heures et durées de connexion pendant cette même période.
Quelles sont les principales fraudes identifiées ?
La principale fraude consiste à déclarer le salarié en activité partielle (100 % ou moins), à solliciter auprès de l’Etat le remboursement de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié et dans le même temps de demander au salarié de travailler à 100 % de son temps. Autrement dit, la fraude consiste à faire supporter par l’Etat un salaire qui aurait dû être assumé par l’employeur.
D’autres fraudes ont été identifiées par le Ministère du Travail :
– déclarer un salarié fictif ou embaucher un salarié et le placer immédiatement en activité partielle, puis mettre fin au contrat avant sa période d’essai.
– déclarer des taux horaires supérieurs aux taux réels
– déclarer un salarié en activité partielle alors qu’il est en congés ou en arrêt maladie.
– placer les salariés en activité partielle et utiliser la sous-traitance ou l’intérim pour effectuer le travail des salariés.
Les salariés peuvent-ils dénoncer leur entreprise ? Risquent-ils des représailles de la part
de leur employeur ?
Oui, les salariés peuvent dénoncer leur employeur. Ce cas de figure est expressément prévu tant par l’instruction ministérielle du 5 mai 2020 que par le plan de contrôle du 14 mai 2020. Il est même demandé aux acteurs du contrôle un traitement rapide et systématique des signalements transmis à la DIRECCTE
Selon les témoignages parus dans la presse, les salariés ne veulent pas dénoncer leur employeur de peur de représailles qui pourraient prendre la forme d’un licenciement.
Il est clair qu’un licenciement pour motif avoué de dénonciation serait considéré comme une mesure de rétorsion et serait jugé comme sans cause réelle ni sérieuse. Le licenciement pourrait même être considéré comme nul. Rappelons à ce titre, la protection des lanceurs d’alerte, prévue par l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
Il en serait de même pour un salarié licencié pour tout autre motif dès lors qu’il pourrait rapporter la preuve que le véritable motif du licenciement est la dénonciation pour fraude à l’activité partielle.
Que risquent les entreprises qui fraudent ? Quelles sont les sanctions prévues si l’infraction est constatée ?
La peine encourue pour fraude ou fausse déclaration à l’activité partielle est de 2 ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 € (article 441-6 du code pénal). Les infractions d’escroquerie et/ou de travail illégal (articles L. 5124-1 et L. 8211-1 du code du travail) sont également envisagées. Et bien évidemment l’employeur devra rembourser l’intégralité des sommes indument perçues.
Le Ministère du travail encourage fortement les employeurs à régulariser spontanément les situations litigieuses. Enfin, l’employeur pourra être exclu de certaines aides publiques (pas uniquement l’activité partielle) pendant une période de 5 ans.