Série d’été “Les grands dirigeants du sport” 3/14

Bernie Ecclestone, aujourd’hui âgé de 84 ans, est l’inamovible patron de la Formule 1 (F1). PDG de Formula One Management (FOM) et vice-président de la FIA (Fédération internationale de l’automobile) en charge de la promotion, il est l’homme qui a transformé la F1 en un évènement médiatisé considérable, associant spectacle et grand professionnalisme, alors qu’il s’agissait auparavant d’un passe-temps élitiste, prisé des riches et des aristocrates en mal de sensations. Portrait tiré du livre “Les grands dirigeants du sport”* rédigé sous la direction d’Emmanuel Bayle.

Un vendeur hors pair

Né en 1930 dans une zone rurale très pauvre de l’Angleterre, Bernie Ecclestone s’est lancé très vite dans les affaires en se mettant au commerce de motos, puis de voitures avant de s’essayer dans l’immobilier où il a développé rapidement un impressionnant portefeuille d’immeubles. Dans le même temps, il pratique le sport automobile comme pilote, mais abandonne assez vite en raison de plusieurs accidents. Il entame alors en 1957 une carrière d’agent pour pilotes en commençant par son ami Stuart Lewis-Evans (mais celui-ci se tue l’année suivante au Grand prix de Monaco), puis s’occupe au début des années 1970 d’un autre pilote prometteur : Jochen Rindt, avec qui il gère une écurie de F2. Ce dernier se tue également (en 1971 au Grand prix de Monza en Italie).

Propriétaire de l’écurie Brabham

A la suite de cela, Ecclestone prend le contrôle de l’équipe Brabham, qui avait alors gagné quatre fois le Championnat du monde pour la somme de 250 000$. Une fois en place, il dupe son nouveau partenaire, un homme très respecté dans le sport, pour faire l’acquisition de l’équipe. Il restera propriétaire de cette écurie pendant 17 ans, soit jusqu’en 1988. Lorsqu’il la vend, il obtient 9 millions de dollars, un retour très considérable sur l’investissement de départ. En tant que propriétaire d’équipe et participant au Championnat du monde, Ecclestone peut alors entrer en contact avec les administrateurs de le FIA. En vue d’accroître son influence, il accepte des tâches que personne ne voulait prendre comme par exemple devenir le fournisseur de pneus de la F1 ou s’occuper de la logistique complexe des voyages de la F1.

Une stratégie de conquête du pouvoir

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, Ecclestone participe à la FOCA (Association des constructeurs de la F1), une association indépendante visant à faire le contrepoids de la FIA. Il en devient le président en 1978 et bataille avec le président de la FIA de l’époque, Jean-Marie Balestre, pour devenir le patron de la F1. Ecclestone perd une manche lorsqu’il doit concéder le pouvoir de réglementation du sport à la FIA en échange du contrôle par la FOCA de tous les droits commerciaux associés au sport, y compris les droits de diffusion télévisuelle. Mais il créé une nouvelle société, la FOPA (Formula One Promotions and Administration) qu’il possède entièrement et qui devenir le troisième grand acteur de la F1 avec la FIA et la FOCA. Il finit par obtenir la tête de Ballestre lorsque son ami de longue date, Max Mosley, est nommé en 1993 président de la FIA (ndlr : Mosley sera remplacé en 2009 à la tête de la FIA par le Français Jean Todt).

Le “maître de piste” de la F1

A partir de ce moment, Ecclestone a pris le contrôle direct ou indirect de pratiquement tous les aspects du fonctionnement opérationnel de la F1 : les droits de télévision, la publicité sur les sites de course, la vente pendant les évènements, les relations publiques, la logistique des championnats, l’approvisionnement en pneumatiques, le calendrier des championnats ainsi que la sélection des nouveaux sites de course… Grâce à sa vision stratégique, la F1 est devenue un des rares sports à pouvoir prétendre avoir un auditoire mondial avec environ 60 millions de personnes qui regardent chaque course en direct et des revenus estimés à 4,4 milliards de dollars en 2012. Reste à savoir qui pourra prendre la succession d’Ecclestone. Celui-ci n’a pour l’instant intronisé personne, ce qui n’augure rien de bon pour ce sport qui a besoin du leadership d’un individu puissant jouissant d’une autorité légitime, estime l’auteur de l’article.

* Pour lire l’ensemble du portrait de Bernie Ecclectone : * Les grands dirigeants du sport – 23 portraits et stratégies de management. Sous la direction de Emmanuel Bayle. Editions De Boeck.
Auteur : Stephen Stuart, professeur à l’Université Saint-Paul d’Ottawa