Série d’été « Les grands dirigeants du sport » 7/14
Président pendant 21 ans du CIO (Comité international olympique) Juan Antonio Samaranch a joué un rôle majeur dans le développement de cet organisme pour en faire un puissant outil au service de l’olympisme. Son influence s’étend même au delà de sa présidence (1980-2001) puisqu’il a choisi son successeur, qu’il a fait coopter près de 200 membres du CIO qui lui en seront longtemps très reconnaissants et qu’il a réussi à faire élire au CIO son fils Juan Antonio Samaranch Jr.
Dirigeant d’entreprises, sportives et… politiques
Né en 1920 à Barcelone, Juan Antonio Samaranch commence par diriger les affaires textiles de sa famille et se lance dans l’immobilier et la banque qui lui assurent la perpétuation de la fortune familiale. Parallèlement il se lance dans le rink-hockey (une sorte de hockey sur patins à roulettes), un sport neuf en Espagne d’après-guerre qui lui permet de percer plus rapidement que d’autres sports plus classiques comme la boxe ou le football. Il utilise sa fortune familiale pour se hisser au sommet de ce sport, au niveau national et international. Cela lui permet d’accéder à de hautes fonctions sportives dans son pays : il est élu président du Comité olympique espagnol (COE) en 1967 et mène la délégation espagnole aux JO de Mexico de 1968. Il est également élu en 1967 député aux Cortes (Chambre basse du Parlement espagnol) et réélu en 1971 sous le régime de Franco, ce qui lui sera reproché par la suite.
21 ans à la tête du CIO
Dès son élection au CIO, en 1966, Samaranch gravit les marches vers la présidence avec le soutien direct du président (Brundage) et des directeurs du CIO de l’époque : il est élu président en 1980 grâce aux voix du bloc soviétique qui lui est reconnaissant d’avoir évité un désastre plus important aux JO de Moscou à cause du boycott américain. Sa longue présidence est une “révolution olympique” qui voit les jeux se mondialiser en accueillant tous les pays et tous les meilleurs athlètes, y compris les professionnels. Le CIO devient une ONG qui compte avec un financement privé solide avec des programmes de parrainage sportif des JO attribués à de grandes firmes multinationales telles que Coca-Cola. Samaranch parvient aussi à pacifier les discordes internes entre les parties prenantes (CIO, CNO et fédérations internationales) et à construire ainsi une véritable unité du mouvement olympique.
L’héritage de Samaranch
A la suite des critiques adressées à Samaranch à la fin de son mandat (accusations de corruption de membres du CIO pour la candidature de Salt Lake City aux JO de 2002, etc.), celui-ci engage une refonte de la gouvernance du CIO qui lui permettra d’éviter de démissionner. Samaranch consacre la dernière année de sa présidence à la préparation de son successeur choisi, le Belge multilingue Jacques Rogge. il devient ensuite président d’honneur à vie du CIO (un titre que seul Pierre de Coubertin a porté) et assistera aux premières loges à tous les JO tenus de son vivant : Salt Lake City en 2002, Athènes en 2004, Turin en 2006, Pékin en 2008 et Vancouver en 2010.
Lorsqu’il décède en avril 2010 à Barcelone d’une insuffisance cardiaque, trois cérémonies sont organisées à son instigation dans trois endroits différents : Barcelone, sa ville natale, Lausanne pour ses collaborateurs et Singapour pour les membres du CIO, alors présents dans la ville pour les premiers Jeux de la jeunesse. Pour l’auteur de l’article, Jean-Loup Chappelet, les trois grands succès de Samaranch tiennent à sa réforme du CIO en 1999, à l’évolution considérable de la notion d’amateurisme et à l’obtention de bases financières solides avec les télédiffuseurs et les sponsors multinationaux.
* Pour lire l’ensemble du portrait de Juan Antonio Samaranch : Les grands dirigeants du sport – 23 portraits et stratégies de management. Sous la direction de Emmanuel Bayle. Editions De Boeck.
L’auteur de ce portrait est Jean-Loup Chappelet, professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne.