75 000 spectateurs en douze jours, 100 000 après trois semaines d’exploitation et aujourd’hui 220 000 ! Pour son premier film documentaire, Merci patron ! L’arnaque en version lutte des classes, François Ruffin ne s’attendait sans doute pas à un tel succès. D’autant que les thèmes abordés, délocalisation, chômage, anticapitalisme ne semblent pas, au premier abord, des plus divertissants.
Quand deux chômeurs
font plier Bernard Arnault
Pourtant, l’histoire de Serge et Jocelyne Klur, ex-employés d’Ecce, filiale du groupe LVMH, dans une usine de Poix-du-Nord (Nord) chargée de la confection des costumes Kenzo et licenciés en raison de la délocalisation de toute la production en Pologne séduit. La bataille qu’engage Ruffin lui-même aux côtés de ce couple chômeur contre le Pdg du géant du luxe, Bernard Arnault, pour obtenir un dédommagement de 45 000 euros et un CDI pour Serge intrigue… Quant au dénouement (heureux), il injecte une dose d’optimisme toujours bonne à prendre dans ce pays en proie à la morosité ambiante. Sans parler de l’humour omniprésent dans ce long-métrage.
Ruffin, le dénonciateur
d’injustices sociales
Mais qui est donc ce réalisateur engagé qui a réussi à faire d’un sujet pesant, un succès de cinéma inspirant ? François Ruffin, diplômé du Centre de Formation des Journalistes est le fondateur de Fakir, un journal satirique « fâché avec tout le monde » distribué en kiosque mais également en ligne www.fakirpresse.info. La ligne éditoriale ? La dénonciation des injustices sociales. Ancien journaliste à France Inter, auteur de nombreux essais anticapitalistes, François Ruffin, 40 ans, un militant sincère, a réussi l’exploit avec seulement 40 000 euros de réaliser un film repris à leur compte par ceux qui disent lutter pour un monde plus juste. « Ce sont des militants qui ont permis que ce film se fasse, donnant des journées entières. Ce sont à nouveau des militants qui ont financé la post-production, les droits musicaux quand le CNC nous a fait défaut. Ce sont des militants, encore et toujours, qui ont diffusé des dizaines de milliers de tracts, collé des centaines d’affiches, pour annoncer les débats. Et tout cela, jusqu’ici, sans contrepartie », peut-on lire sur son site.
Une œuvre joyeuse
qui inspire les contestataires
Pour les remercier, le journaliste a permis que son film soit diffusé de façon parfois sauvage, dans toute la France. Syndicalistes, étudiants, intermittents, intellectuels se sont emparés de cette œuvre joyeuse pour mobiliser les troupes et descendre dans la rue, la nuit. Un mot d’ordre : « Tous unis contre une politique gouvernementale qui n’a de cesse de réduire nos droits sociaux, au seul profit des intérêts du patronat. » « Il a fallu organiser tout ça, canaliser ces aspirations disparates et ce besoin d’action. Il a fallu communiquer, distribuer des centaines de tracts lors de la manif du 31 mars, créer un site internet puis monter des barnums, acheminer le matériel pour projeter le film… », explique Ruffin dans Télérama.
Le journaliste militant ne sait pas encore combien de temps le mouvement contestataire Nuit Debout, qui fait penser à celui des Indignés espagnols va durer. Les revendications sociales et politiques sont multiples, l’objectif, assez flou. Son but à lui, c’est d’arriver à toucher les classes populaires de tout l’Hexagone. Merci patron ! est devenu un docu référence. Bernard Arnault doit apprécier…