L’audit et le conseil se portent bien : le secteur connaît une activité en croissance pour la 3ème année consécutive (+10% en 2023 selon la Fédération Syntec). Plus que jamais, les cabinets ont la volonté d’accompagner au mieux leurs clients, dans le cadre de missions en constante augmentation et diversification. Face à cette croissance, tous les acteurs du marché doivent cependant relever un défi majeur : attirer des talents, gérer leur intégration et maintenir leur implication pour constituer des équipes expérimentées. Analyse et témoignage sur comment l’audit doit assouplir son fonctionnement pour garder motivées ses équipes par Céline Claro, associée au sein du cabinet d’audit & de conseil BM&A.
Proximité managériale
Pour y parvenir, il n’est pas pour autant question de révolutionner les habitudes. Certains correctifs peuvent être cependant apportés, qui viennent répondre plus particulièrement aux attentes de la génération Y (née entre 1980 et 2000) et Z (née à partir de l’an 2000). Les jeunes professionnels sont très sensibles à une forme de collaboration ouverte et une proximité managériale qui passent notamment par un système hiérarchique souple. Ils ont des choses à dire sur le fonctionnement de l’entreprise, sur le bien-être au travail : donnons-leur la parole, écoutons-les, prenons en compte leurs attentes, impliquons-les davantage dans la vie des cabinets.
Bien-être au travail
Dans cette optique, il semble pertinent d’organiser des temps de rencontre entre associés et jeunes collaborateurs par le biais de dispositifs ad’hoc. Nous avons expérimenté, par exemple, la mise en place, une fois par semestre, d’un échange entre l’ensemble des juniors et des seniors – qui ont quatre/cinq ans d’expérience maximum – avec deux associés sur le quotidien professionnel du cabinet. Avec une parole libre comme présupposé (pas de non-dit). L’objectif de telles rencontres : être à l’écoute de toutes suggestions d’amélioration (un nouvel outil, un changement de process…) avant de décider de les mettre en application… ou pas ! Avec dans tous les cas, la nécessité de justifier ce qui a(ura) motivé la décision finale : condition non négociable pour susciter l’adhésion du plus grand nombre.
Toujours dans cette même idée, la constitution d’une « happiness team » – généralement constituée d’une demi-douzaine de personnes – semble être le meilleur relai des informations de terrain si précieuses pour le top management, sachant qu’il y a fort à parier que les changements proposés bénéficient, in fine, à l’ensemble du personnel.
Mais cette implication des équipes pour améliorer le quotidien et la méthodologie au travail doit également s’effectuer tout au long de l’année. En fonction de leurs centres d’intérêt, les collaborateurs qui le souhaitent seront encouragés à porter des projets en interne sur des sujets divers et variés (intégration RH, nouvelles technologies…). Sur l’intelligence artificielle notamment (comment s’en servir au mieux ?), sur l’opportunité d’encadrer les pratiques grâce à des chartes internes, etc.
Mobilité géographique
Les salariés accordent une importance particulière au bien-être au travail mais également à l’équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Nombre d’entre eux font ainsi le choix de partir vivre en région : pour garder ses talents, il est donc aujourd’hui intéressant de les accompagner dans cette mobilité géographique. A titre d’exemple, Lyon, Toulouse, Rennes ou Aix-en-Provence constituent les points de maillage du cabinet BM&A, auxquels nos professionnels peuvent se rattacher facilement. Il suffit alors d’en discuter ensemble pour encadrer au mieux la mobilité.
Autre zone d’attractivité… cette fois hors de nos frontières. Des programmes d’échanges peuvent être mis en place avec des cabinets étrangers comme aux Etats-Unis par exemple. L’occasion pour celles et ceux qui le désirent de s’ouvrir à d’autres pratiques et d’échanger sur leur vision du métier…
Transmission d’expérience
Consacrer une part significative de sa masse salariale à la formation et au coaching (sur des thématiques métier, technique, soft-skill…) s’avère, là aussi, déterminant. En plus des formats classiques proposés tous les mois, des modules courts (une heure, en présentiel) animés par ses propres collaborateurs restent une autre piste à privilégier. L’idée étant de partager une expérience vécue lors d’une mission puisque c’est à la fois valorisant pour la personne qui transmet et souvent bien utile pour les personnes présentes face à elle.
Il s’agit également d’encourager toute démarche personnelle afin qu’un jeune collaborateur puisse s’emparer d’un sujet et animer une session s’il le souhaite. En effet, dès les premières années, un consultant peut tout à fait être légitime pour transmettre de bonnes pratiques… même à des pairs plus expérimentés !
Variété et richesse des missions
Actuellement, l’audit pur intéresse moins les jeunes : ils veulent des missions variées et enrichissantes, qui vont augmenter leurs compétences sur plusieurs secteurs et problématiques. Fort de ce constat, il est donc de notre devoir de privilégier la transversalité et la pluridisciplinarité des missions afin de les faire monter en compétence sur d’autres sujets que le pur audit (transactions services, évaluation, contrôle interne, mise en place d’outils de reporting…). La prise en compte de ces souhaits et un temps de formation conséquent doivent ainsi être au cœur de la gestion de tous les plannings.
L’audit doit assouplir son fonctionnement pour garder motivées ses équipes. Un engagement, qui, si l’on veut qu’il soit tenu, implique nécessairement l’accompagnement de chaque manager et associé. Cet investissement en temps est important : c’est la seule façon de faire progresser durablement de nouvelles recrues talentueuses. Certaines personnes continueront à évoluer au sein du cabinet, d’autres mettront à profit ce qu’ils ont appris chez des clients… Dans les deux cas, la promesse d’une expérience professionnelle enrichissante aura été tenue, condition sine qua non d’une implication soutenue des collaborateurs, tout grade confondu.