Cadre accusé d’un harcèlement non fondé : comment vous défendre ?

Cadre accusé d’un harcèlement

Cadre accusé d’un harcèlement Favorisée par l’avènement du mouvement #metoo depuis 2017, la libération de la parole touche aujourd’hui toutes les strates de la société civile et même au-delà. Pas une semaine ne passe, en effet, sans qu’une nouvelle affaire de harcèlement en entreprise ne vienne alimenter les pages faits divers des médias de l’Hexagone. Pourtant, même si cette démarche saine et nécessaire démontre, chaque jour un peu plus, ses vertus salvatrices, force est néanmoins de constater qu’elle semble parfois négliger les éventuelles victimes collatérales qu’elle draine dans son sillage. L’existence de salariés victimes de dénonciations calomnieuses au sein de leur entreprise n’est pas une chimère. Face à une telle injustice, comment mettre rapidement en place une stratégie de défense cohérente et efficace ?

Cadre accusé d’un harcèlement : l’employeur, un juge de paix ?

La position occupée par l’employeur est délicate lors de la dénonciation de faits pouvant s’apparenter à du harcèlement.
Qui doit-il croire ? La victime présumée ou le harceleur supposé ? Tel est l’insupportable choix qui s’offre à l’employeur devant la multiplication, ces dernières années, des cas de harcèlement sexuel ou moral en entreprise. Si, de manière naturelle et légitime/morale, la compassion et le soutien doivent entourer et protéger la victime, le respect de la présomption d’innocence de l’auteur présumé des faits ne saurait pour autant souffrir d’aucun manquement jusqu’à la manifestation complète de la vérité. Le droit Français est, depuis toujours, fondé sur ce principe inaliénable !

Il va sans dire que l’employeur ne peut rester sans rien faire celui-ci étant tenu, en vertu des dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du travail, à une obligation de “prévention des risques” et, par là-même, à une obligation de sécurité de ses salariés. Concrètement, cela signifie qu’il incombe à l’employeur de mettre en place de dispositifs en interne pour prévenir les risques. Il peut s’agir, par exemple, de la mise en place d’une cellule d’écoute des salariés ou d’une cellule pour permettre aux salariés d’alerter sur les difficultés qu’ils rencontrent au sein de la structure.

Le premier réflexe d’un employeur doit être avant tout d’accueillir l’information, en sollicitant dans la mesure du possible un écrit de la personne dénonçant les faits. Il est ainsi primordial de prendre la main, une attitude attentiste risquant d’être reprochée à l’employeur. S’il s’avère que les éléments invoqués ne sont guère sérieux, il conviendra d’informer par écrit la personne concernée que les éléments sont à ce stade insuffisants pour justifier une suite.

Dans le cas contraire, l’employeur a, en principe, pour réflexe, et ce même si cela n’a rien d’obligatoire, de diligenter une enquête interne afin de faire toute la lumière sur les faits rapportés. Celle-ci permettrait par exemple de vérifier, dans le cas d’un harcèlement moral supposé, que le ou la salarié(e) qui se dit victime de tels actes ne dénonce pas en réalité un simple pouvoir de gestion et de direction de son supérieur hiérarchique qu’il/elle juge excessif (consignes répétées à maintes reprises, reproches sur la qualité du travail mais qui s’inscrivent dans l’exercice et le cadre normal disciplinaire). Ou si, au contraire, sont découvertes des situations qui dérapent et qui peuvent éventuellement se traduire par l’isolement d’un salarié visé qui plus est par des remarques acerbes, des critiques injustifiées à son encontre en public…

Plusieurs possibilités s’offrent à l’employeur pour mener à bien, et de façon impartiale, l’enquête interne. Il est courant de s’appuyer sur le CSE (Comité Social et Economique) de l’entreprise, voire de faire intervenir un tiers à l’entreprise pour mener l’enquête, cette pratique étant particulièrement recommandée lorsque le présumé harceleur est membre de la direction. Si l’enquête, une fois achevée, ne livre pas de conclusions nettes et sans équivoque, un nouveau casse-tête se posera à l’employeur : que faire du salarié accusé de harcèlement ?
La problématique n’est pas simple… elle est triple ! A la nécessité absolue de protéger la victime supposée viennent s’ajouter les intérêts de l’entreprise, chargée de mettre en œuvre les obligations de prévention des risques en matière de harcèlement, sans oublier ceux du harceleur présumé. Si l’équation s’avère certes complexe, la nécessité de séparer la victime de son harceleur relève de l’urgence absolue. Avec de nombreux outils à disposition : télétravail, mutation ou mobilité pour l’une, mise à pied conservatoire voire procédure de licenciement pour l’autre.
Une chose est sure : l’employeur devra trancher dans un sens ou dans un autre, ayant un rôle proche d’un juge.

Pour la victime accusée à tort de harcèlement, point de salut, alors ?

Au contraire ! Mais qu’on se le dise, la partie s’annonce souvent serrée et une issue heureuse pour la victime de telles dénonciations ne saurait être atteinte qu’à la condition de suivre parfaitement une stratégie rigoureuse et précise.

LA règle d’or dans ce type d’affaire pour le ou la salariée concerné(e) est de mener un combat sincère et acharné pour défendre son honneur. Car, il semble, en effet, évident que celui ou celle qui ferait preuve de mollesse ou de retenue dans sa ligne de défense passerait, aux yeux de tous les protagonistes de l’affaire, pour un(e) coupable en puissance. Si comme l’affirme l’écrivain Pierre Billon, “la vérité est le prix de l’honneur”, alors la recherche de celle-ci doit s’imposer comme un axe de défense incommutable.

Quatre réflexes relativement simples peuvent permettre au présumé harceleur d’éviter un faux pas.
– Ne pas contacter la victime présumée : attention à éviter tout contact avec la personne vous accusant de harcèlement. Il est évident que chercher à dialoguer avec cette personne sera perçu comme une volonté de l’intimider, ou le cas échéant de lui faire changer son récit. Il convient donc de couper tout lien avec cette personne le temps que la lumière soit faite sur les accusations réalisées.
– Réunir les éléments utiles : dès l’apparition des faits, il est impératif et urgent de sauvegarder sur un support externe (type disque dur ou clé USB) à l’ordinateur professionnel tout élément, toute trace sur lesquels pourra s’appuyer la victime d’accusations fallacieuses pour tenter de prouver son innocence. Il peut s’agir en l’occurrence de tous éléments de correspondances (mails, sms, lettres…), des agendas, des copies de notes de frais qui permettent d’horodater la présence de l’harceleur présumé hors de l’entreprise lors d’une journée précise…
Il n’est en effet pas rare d’être mis à pied le temps de l’enquête et de se voir priver de tout accès aux éléments permettant justement de se défendre.
– Solliciter de l’aide : une fois toutes les preuves réunies, la seconde urgence, pour la victime de dénonciation calomnieuse, est de savoir s’entourer rapidement. A ce stade, plusieurs interlocuteurs peuvent être contactés :
Les représentants du personnel, même si ces derniers auront du mal à se positionner entre

  • la personne faisant part de harcèlement et le présumé harceleur ;
  • La police, par le biais d’une plainte en bon et due forme déposée pour dénonciation calomnieuse ;
  • Un conseil, en la personne d’un avocat, pouvant jouer un rôle fort précieux dans la construction de la défense du mis en cause.
  • Dans l’intérêt de son client, ce dernier sera, en effet, le plus à même d’identifier avec lui les meilleurs axes d’attaque, allant de manquements manifestes de l’employeur au moment de la découverte des faits ou de l’enquête interne aux incohérences dans les propos du dénonciateur en passant par les questions sur son comportement– Contre-attaquer : les années passent, mais l’adage, très populaire auprès des avocats, reste vrai : “la meilleure défense, c’est l’attaque !”.Une fois le choc de la dénonciation digéré, sa victime doit afficher en toutes circonstances une attitude de combattant et non d’accusé expiatoire. Sûre d’elle et de sa probité, elle aura tout intérêt à participer activement à l’enquête interne dans laquelle elle pourra fournir à son employeur toutes preuves permettant de la disculper, au premier rang desquelles les témoignages positifs que celle-ci aura pu réunir auprès de ses collègues et qui permettront de confirmer l’exemplarité de son comportement. Inutile de préciser, à l’inverse, que tout témoignage introduisant un doute quant à la probité du dénonciateur sera, lui aussi, le bienvenu.Elle aura également la bonne idée de suggérer à son employeur les personnes à interroger dans le cadre de l’enquête interne à même d’appuyer ses propos.
    Si, malgré tout, le ou la salariée qui se dit victime de dénonciation calomnieuse se trouve confronté(e) à une fin de non-recevoir de son employeur, alors son dernier recours sera à trouver du côté judiciaire.

    En conclusion, le combat pour la défense de son honneur reste la plus noble des causes. Semée d’embûches, la route vers la manifestation de la vérité est longue et complexe.
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Cyrille Catoire: Me Cyrille Catoire, inscrit au barreau de Paris depuis 2014, titulaire d’un master juriste de droit social et d’un master en droit de la protection sociale d’entreprise, représente ses clients dans des contentieux liés au droit du travail ou à la protection sociale.