Dans une intervention vidéo, Olivier Meier, professeur à Paris-Dauphine & Science Po Paris, donne des pistes pour manager des équipes aux écarts d’âge conséquents et transformer les différences de générations en valeur ajoutée. Avec leurs attentes spécifiques du monde du travail, les nouvelles générations renversent la donne en entreprise. Quant aux technologies, elles renversent le postulat professionnel selon lequel ce sont les plus anciens qui transmettent les savoirs aux plus jeunes.
De tels bouleversements engendrent des tensions, parfois même des conflits ouverts intergénérationnels. Comment manager dans un tel contexte ? Comment transformer les différences générationnelles en valeur ajoutée pour l’entreprise ?
Dans son excellente intervention pour la chaîne XERFI Canal, Olivier Meier, professeur de stratégie & management aux universités Paris-Est, Paris-Dauphine et Science Po Paris, propose ses pistes de réflexion.
Des différences de vision dues à l’allongement des trajectoires
C’est un fait : plusieurs générations coexistent en entreprise, amenant des bienfaits en termes de diversité, mais aussi des conflits entre des collaborateurs aux intérêts et aux valeurs parfois antinomiques. Des attentes différentes qui concernent les horaires et lieux de travail, les modes de travail et outils utilisés ; des attentes différentes en termes de rémunération et d’avantages, jusqu’aux valeurs portées par l’entreprise, sa stratégie, sa place dans la société.
Olivier Meier le souligne, les différences intergénérationnelles sont normales au regard des évolutions sociétales, au regard notamment de « l’allongement des trajectoires professionnelles » qui diminue la perspective de carrière unique pour les plus jeunes.
Un renversement de paradigme dû aux technologies
Autre phénomène impactant les générations, les technologies. L’usage massif des outils digitaux en entreprise nécessite aux générations Y et X de se former en continu, d’apprendre des codes et des usages que les digital natives maîtrisent d’emblée, alors qu’ils arrivent à peine sur le marché de l’emploi.
« Du fait de leur formation et de leur adaptation à un environnement technologique et mondialisé, les jeunes recrues possèdent généralement des savoirs techniques et technologiques mieux maîtrisés et en lien direct avec le besoin des entreprises », explique Olivier Meier.
Cette « asymétrie des compétences » renverse le modèle de transmission des savoirs qui veut que les plus anciens apprennent aux plus jeunes, apportant son lot de frustrations, de peurs et de conflits. Dans un tel contexte, Olivier Meier propose plusieurs pistes de management.
La connaissance des code sectoriels aussi importante que celle des outils digitaux
D’abord, d’après Olivier Meier, il convient de ne faire aucune comparaison d’une génération à l’autre. L’objectif du manager est d’éviter la création d’un climat de compétition et de discrimination envers un groupe générationnel au profit d’un autre.
Pour cela, le manager doit affirmer que la réussite de l’organisation ne se résume pas à la poignée de critères hyper médiatisés que l’on connait (utiliser les bons outils digitaux, communiquer intelligemment sur les réseaux sociaux…). Une organisation repose sur l’addition des savoir-faire variés : relationnel client, connaissances techniques, savoir-faire métier…
Une bonne connaissance du fonctionnement du modèle économique de l’entreprise et des codes sectoriels est tout aussi primordiale pour l’organisation qu’une bonne connaissance des outils de communication, par exemple. D’ailleurs, c’est en additionnant la connaissance des codes sectoriels et la connaissance des outils digitaux que l’on génère une bonne stratégie de communication : message pertinent optimisation des canaux.
Les tutorats croisés, pour que chacun trouve sa place
Le manager doit aussi chercher (et trouver) un rôle de formateur à chacun des collaborateurs, sous la forme de « tutorats croisés » (transmission de savoir-faire, d’expériences, de connaissances techniques, de procédures et même de savoir-être). On parlera de partage et de complémentarité des profils, et non de transmission descendante de savoirs.
Ainsi, chaque collaborateur reconnu par le manager pour son point fort dans l’entreprise sera aussi reconnu par le groupe. Il sera alors suffisamment confiant pour admettre les points forts des autres et évoluer sainement. C’est d’ailleurs sur cette volonté de complémentarité qu’Axa ou encore Orange ont créé des Codir composés de membres d’âge variés, certains étant très jeunes.
En conclusion, pour Olivier Meier, l’axe principal de management est ici la recherche de l’individualité, de la qualité spécifique, de la reconnaissance mutuelle. Enfin, il s’agit aussi de construire « des espaces de coopérations entre les générations, autour d’une mission d’intérêt supérieur ».
Olivier Meier en bref
Olivier Meier, directeur de l’Observatoire de l’action sociétale et l’action publique, est professeur à l’université Paris-Dauphine, Paris-Est et Sciences Politique Paris. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages de management et de stratégie d’entreprise, notamment
« Les RH à l’ère du Covid 19 », « Les compétences du 21e siècle », « Management du changement », « Culture et éthique », « Fusions Acquisitions »…