DRH du groupe Soitec depuis 1996, Corinne Margot vient de recevoir avec son équipe le prix de l’Initiative RH 2014 décerné par le cabinet Hudson et Cadre Emploi pour avoir contribué à sauvegarder des emplois au sein de son entreprise touchée par des difficultés conjoncturelles. Elle explique dans cette interview exclusive quelles initiatives concrètes et originales elle a prise pour limiter le nombre de départs contraints et en quoi ce dispositif peut s’appliquer à d’autres entreprises.
Quel est votre parcours ?
J’ai une formation IAE et c’est après avoir suivi un stage en entreprise que j’ai été confortée dans mon choix de m’orienter vers les ressources humaines. J’ai débuté comme responsable du recrutement chez Matra MHS, une société spécialisée dans la conception de semi-conducteurs avant d’exercer en tant que DRH en temps partagé pour plusieurs sociétés de haute technologie ou d’autres secteurs. J’ai ensuite rejoint Soitec en 1996 en tant que directrice des ressources humaines et je suis également depuis 2008 directrice de la communication corporate, en charge de la stratégie de communication interne et externe du groupe.
Quelles solutions innovantes avez-vous proposé pour Soitec confronté à des difficultés conjoncturelles ?
Dès le départ au début de l’expérience en 2010, nous savions que les difficultés de Soitec étaient conjoncturelles, d’où l’idée de trouver des solutions transitoires pour pallier à une baisse d’activité importante sur les activités de l’électronique (300 postes touchés). L’idée était simple : proposer aux salariés de Soitec (qui restent salariés du groupe) d’effectuer, sur la base du volontariat, des missions de plusieurs mois dans d’autres entreprises du bassin d’emploi de Grenoble (où sont situés notre siège et l’un des principaux sites industriels de la division Electronique de Soitec) et/ou de bénéficier de parcours de formation diplômants. Ces mesures se sont combinées à un recours au chômage partiel et à un accompagnement favorisant l’émergence de projets individuels comme la création d’entreprises.
Résultat : alors que l’effectif a diminué de près de 300 postes sur la période 2009-2014, seuls 8 licenciements économiques ont eu lieu. Et l’on peut véritablement estimer que ce dispositif de mise à disposition est “gagnant-gagnant- gagnant”, c’est à dire pour les trois parties : le salarié, qui développe son employabilité dans un environnement sécurisé, Soitec, qui réduit temporairement sa masse salariale, et l’entreprise d’accueil, qui bénéficie de compétences pointues pour des missions de courte durée (12 à 18 mois). Au total, sur quatre ans, près de 50 salariés ont bénéficié de ce dispositif qui a été mis en place en trois vagues successives. Ils ont travaillé pour des entreprises ou des organismes comme le CEA de Grenoble, Sofradir ou le pôle de compétitivité Minalogic.
Comment appliquer ce mécanisme à d’autres entreprises ?
Il faut tout d’abord que les difficultés de l’entreprise soient conjoncturelles et non structurelles. A Soitec, on savait que nos technologies électroniques étaient très innovantes pour s’adapter aux téléphones mobiles et aux tablettes, mais que cela prenait un peu de temps, de même que pour le solaire, où il faut beaucoup d’investissements pour être compétitif. Nous sommes aujourd’hui sur le bon chemin avec nos technologies qui sont approuvées par les plus grands comme Samsung. Il faut aussi que les sociétés soient innovantes dans leur ADN comme l’est Soitec. Notre groupe est dans le secteur des hautes technologies, très porté sur l’innovation et a aussi une très forte culture liée aux résultats.
(Propos recueillis par Sophie Lhameen)