L’après COVID 19 pourrait nous exposer à une crise économique majeure. L’un des risques est celui de la rupture d’approvisionnement pour nos entreprises Françaises. Regardons cela en détail avec Jérôme DUMAS, consultant supply chain, contributeur du site www.formation-achats.fr pour se former en ligne aux achats et à la supplychain.
Quel impact sur nos entreprises à court terme ?
Devons-nous craindre des ruptures de stocks ? Très probablement, et cela pourrait arriver rapidement.
Bien évidement tous les produits ne seront pas concernés, par exemple les denrées alimentaires de base (farine, pâte, sucre, œufs, papier toilette ! …) sont produites sur le territoire national. Les rayons vides que nous constatons en faisant nos courses sont liés à la panique et à l’incivisme de certains… A moins que les usines ne s’arrêtent, aucun risque de pénurie et les logisticiens assurent le réassort des rayons.
En revanche avec la situation de confinement, de nombreuses usines sont arrêtées et par voie de conséquence ont arrêté de produire. Si elles ne livrent plus leurs clients, eux aussi doivent s’arrêter de produire …
Pourquoi craindre un risque de pénurie ?
Parce que notre économie est très dépendante de la production Chinoise et que la Chine a arrêté de produire à cause du COVID-19 pendant 2 mois. En effet, la Chine représente environ 30 % de la production manufacturière mondiale. Les secteurs les plus sensibles sont l’électronique, l’informatique, la pharma, l’automobile (où les chaînes d’approvisionnement sont très complexes). À titre d’exemple selon une étude réalisée par le Syndicat National de Sous Traitance Electronique (Snese) la Chine monopoliserait 80% de la production mondiale de circuits imprimés.
Le confinement va-t-il impacter le risque de pénurie ?
Certainement, qui achèterait une voiture en ce moment, un ordinateur ou un smartphone ? La demande s’est effondrée, la fermeture des points de ventes réduit les possibilités d’achat, et les plates-formes comme Amazon livrent en priorité les produits de base. Cela dit, faisons preuve de bons sens, ces produits ne sont pas essentiels à notre survie. Mais la pérennité de certaines entreprises de ces secteurs pourrait être affectée et la trésorerie pourrait venir à manquer si la situation perdure… Donc ce qui est à craindre si le confinement dure trop longtemps ce sont des faillites d’entreprises.
Reste le secteur des médicaments et des équipements médicaux
Pour certaines molécules la dépendance est forte avec la Chine. Un rapport du Sénat intitulé « Pénuries de médicaments et de vaccins : Replacer l’éthique de santé publique au cœur de la chaîne du médicament », paru en 2018, mettait déjà l’accent sur l’externalisation croissante des capacités de production de médicaments et la vulnérabilité française et européenne qui en résultait.
Cette crise révèle nos manques en matériels et d’appareillage médicaux (gel hydroalcoolique, masques, kits de tests, ventilateurs artificiels, respirateurs de réanimation, etc.) La plupart de ces produits sont importés, en particulier de Chine.
Dans les années 1980-90, 60% des principes actifs étaient d’origine européenne. La tendance s’est inversée au profit de la Chine, à partir de 2010. 60% des principes actifs proviennent dorénavant de la Chine et de l’Inde…qui est sous confinement depuis peu !
En 2017 une pénurie des principes actifs de l’Augmentin et de ses génériques (un des antibiotiques les plus prescrits au monde) avaient eu lieu, suite à la décision de Pékin de fermer les usines pour réduire la pollution ! L’un de ces composants, l’acide clavulanique 11 n’est fabriqué qu’à un seul endroit dans le monde.
Ceci est un exemple probant, mais les pénuries en matière de médicaments sont récurrentes (anti-cancéreux, anti infectieux), 86% des hôpitaux y seraient soumis comme l’a déclaré le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire le 25/02/2020.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Les coûts ! La montée en puissance des génériques, le manque de nouveaux brevets pour compenser les pertes liées à ceux tombés dans le domaine public, induits par peut être un manque de recherche…
Quelles leçons en tirer ?
Cela dit, un espoir existe. Une prise de conscience qui, nous pouvons l’espérer, sera renforcée par la crise du COVID-19. En effet une relocalisation s’est amorcée il y a quelques années en raison du durcissement des exigences des agences sanitaires dont les inspections dans les usines chinoises avaient entraîné selon l’ASNM la fermeture de 10% des établissements Chinois. Mis sous pression, certains laboratoires ont commencé à rapatrier certaines productions.
La prise en compte et l’analyse de l’ensemble de la chaîne de valeur, afin de mettre en avant les coûts cachés, est nécessaire.
Analyse de valeur qui nécessitera une coopération entre achat, supply chain et définition de la stratégie.