Depuis mars 2020, la question du « monde d’après » a mobilisé le débat public et les prévisions ont plus souvent été bâties sur le désir des uns et des autres que sur de véritables observations. Il faut bien avoir la modestie de reconnaître que nul ne peut savoir quelles traces durables laissera cette crise. Toutefois, on peut relever certaines constantes au sein des entreprises et ainsi entrevoir des tendances dont il reste à confirmer qu’elles seront structurantes.
Une rationalisation des dépenses
Jusqu’en 2020, toutes les entreprises se focalisaient sur un modèle de croissance où les aléas du marché nécessitaient une certaine adaptabilité. Avec la crise de la COVID-19, naturellement, les entreprises ont dû très rapidement rechercher des sources d’économie mais surtout réfléchir à des organisations capables de réagir à des risques majeurs. Ce besoin de revoir le fonctionnement de la structure toute entière a poussé les entreprises à chercher une plus grande adaptabilité et agilité, car la prise de conscience des « risques extrêmes » dépasse la question sanitaire actuelle avec l’émergence très tangible des cyber-risques ainsi que les risques environnementaux. Par ailleurs, la crise a révélé un besoin de sauvegarder les investissements à travers les économies faîtes en interne : il ne s’agit plus de chercher de la trésorerie à travers les ventes dans un monde encore à l’arrêt, mais de rationaliser les dépenses internes comme véhicule d’optimisation.
Une chaîne d’approvisionnement bousculée qui favorise la relocalisation en Europe
La crise sanitaire a également mis en relief les dépendances stratégiques que la mondialisation avait engendrées depuis 30 ans. Or, revenir complètement en arrière par un vaste mouvement de renationalisation ne serait ni crédible ni souhaitable, mais l’identification des éléments clés d’une chaîne d’approvisionnement doit être fait, tout comme il est nécessaire de s’assurer d’une plus grande diversité de ses sources de sorte à éviter des dépendances trop fortes par rapport à des géographies ou des fournisseurs. En 2021, il y a plus d’emphase placé sur l’évaluation de risques et l’identification d’éléments stratégiques qui doivent être sécurisés à tout prix pour éviter l’arrêt brutal de l’activité. Cette réflexion aboutira probablement sur des relocalisations dans certains cas, concourant ainsi à un objectif plus global de réindustrialisation de notre pays.
La digitalisation au cœur de la performance
Le mouvement de digitalisation n’est pas nouveau. En revanche deux facteurs d’accélération ont pu apparaître depuis 12 mois : la prise de conscience du caractère central et indispensable de la transformation digitale, et la pénétration des questions digitales dans toutes les conversations, pas seulement celles des experts ou savants numériques. Si cette urgence était déjà perceptible au sein des grands groupes, elle l’était sans doute moins au sein des PME. Néanmoins, les gains en rapidité et la clarté dans les échanges de données avec la digitalisation sont devenus primordiaux dès le premier confinement, notamment avec l’explosion de demandes d’outils de communication intégrés (UCaaS) pour télétravailler efficacement. Un autre constat est la popularité croissante des solutions Marketplace pour les achats non-essentiels. Regardée d’un œil sceptique avant la crise sanitaire, la Marketplace fait aujourd’hui partie des demandes d’accompagnement le plus recherchées par les entreprises, car c’est un outil redoutable pour prendre le contrôle des fournisseurs et diminuer les dépenses dans les achats de type B et C, c’est-à-dire, les achats non-essentiels.
La RSE, un amplificateur de l’activité économique
De la PME aux grands groupes, la responsabilité sociale des entreprises s’est accélérée avec la crise sanitaire. Déjà présent depuis des années, le constat, direct et fulgurant, que le monde puisse s’arrêter complétement du jour au lendemain a mis en alerte les entreprises et le public en général sur notre responsabilité comme garants d’un équilibre environnemental et écologique. Ainsi, la demande grandissante des citoyens – consommateurs pour des actions concrètes a pris de la vigueur et poussera les entreprises à répondre à cette demande.
C’est pourquoi un défi majeur sera la concrétisation de cette volonté de politique RSE. Le public attend des actions qui aillent au-delà du simple affichage, parfois opportuniste, d’un discours RSE ou de la signature d’une charte qui n’engage pas les entreprises en profondeur. Néanmoins, ceci représente un défi majeur parce que les objectifs économiques, environnementaux et sociaux peuvent être souvent contradictoires. Dans les années à venir, il sera fondamental de réussir à aligner les instruments et les leviers d’action de la RSE avec la performance économique des entreprises que ce soit au travers des incitations fiscales ou d’autres instruments comme les obligations à impact (voir le terme exact en français).
Avec une crise sanitaire qui perdure, les défis ne font que commencer à apparaître et l’agilité et la résilience restent la norme pour envisager le futur. Le monde de demain ne sera pas construit ex nihilo par les entreprises, c’est un travail qui nécessite tous les acteurs de la société. Les chefs d’entreprises, les partenaires sociaux et les autorités publiques vont devoir se retrousser les manches et réfléchir ensemble à un modèle qui nous permettra de fonder les bases d’une croissance plus durable, prête à affronter les urgences et les imprévus, qui ne renonce pas à la performance mais comprend sa responsabilité sociale et environnementale.
Matthieu GUFFLET – Président Fondateur d’EPSA