Selon Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics, ce projet de loi a pour but de « mettre la France au niveau des meilleurs standards internationaux dans le domaine de la transparence, et de la lutte contre la corruption ».
La création d’un statut du lanceur d’alerte
Les lanceurs d’alerte sont des salariés qui révèlent les délits, crimes et autres actes contraires à l’intérêt général commis par leur entreprise. Ce statut est déjà apparu dans des affaires mondialement connues. Parmi les plus célèbres lanceurs d’alertes peuvent être cités Edward Snowden*, l’un des plus célèbres depuis ses révélations sur les pratiques de surveillance de masse de la National Security Agency (NSA) en 2013, et Stéphanie Gibaud ** qui a fait éclater le scandale d’évasion fiscale UBS. L’intérêt de la création d’un tel statut est d’assurer un cadre protecteur à ces lanceurs d’alerte qui prennent des risques importants en signalant ces actes douteux. Ainsi, le projet de loi Sapin II a précisé la définition du lanceur d’alerte : « Personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
La protection du lanceur d’alerte passe par l’interdiction de toute sanction à son encontre. Il bénéficie aussi désormais de la protection du Défenseur des droits qui peut « orienter vers les autorités compétentes » les lanceurs d’alerte et veiller à leur droits et libertés.
En effet, le 8 novembre 2016, le Sénat a aussi adopté la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte. Cependant, la constitutionnalité de cette loi doit encore être confirmée car le Premier ministre a saisi le 9 novembre 2016 le Conseil constitutionnel au sujet de celle-ci. Cette possibilité de signalement pose évidemment des problématiques concernant la protection des données personnelles et le secret des affaires. Le projet de loi Sapin II impose donc que les procédures garantissent la stricte confidentialité des informations jusqu’à l’établissement du caractère fondé du signalement. Tous les éléments couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou celui des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte.
La lutte contre la corruption
Le projet de loi Sapin II crée l’infraction de « trafic d’influence d’agent public étranger » qui permet de faciliter la poursuite d’entreprises lorsqu’il y a corruption à l’étranger. Cette infraction déjà existante aux Etats-Unis permet à la justice française de poursuivre, dans cette situation là, des entreprises étrangères ayant tout ou partie de leur activité économique en France. En outre, le Procureur peut, « tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement », proposer à une personne morale coupable de corruption ou de blanchiment de fraude fiscale de conclure une convention judiciaire d’intérêt publique. Cette convention créée sur le modèle du « deferred prosecution agreement » américain est en réalité un accord financier permettant d’éviter un procès en échange du versement d’une amende. Celle-ci ne doit pas dépasser 30% du chiffre d’affaires moyen annuel des trois dernières années. Une fois la convention signée et la transaction effectuée, les poursuites pénales sont abandonnées. Cela permet donc aux entreprises d’échapper à une condamnation pouvant aboutir à l’exclusion de certains marchés publics. Selon la députée PS de Paris Sandrine Mazetier, ce dispositif vise à obtenir « des sanctions plus lourdes, plus rapides et une prévention de la récidive ». En effet, aucune condamnation de corruption d’agents publics étrangers n’a été prononcée ces quinze dernières années. L’opinion sur cette nouvelle mesure reste toutefois partagée car le risque est que cela devienne « un impôt sur la corruption » (selon Sherpa et Anticor). Enfin, une agence anticorruption doit être créée. Celle-ci sera chargée de contrôler la mise en place de programmes dans les grandes entreprises, soit celles dépassant 500 salariés et au chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros.
* Edward Snowden, 33 ans, informaticien américain, ancien employé de la Central Intelligence Agency (CIA) et de la National Security Agency (NSA) a révélé les infos sur des programmes de surveillance de masse américains et britanniques.
** Stéphanie Gibaud, 51 ans, spécialiste des relations publiques et du marketing évènementiel, salariée d’UBS France à Paris a dénoncé les pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment de fraude fiscale en bande organisée d’UBS AG (Suisse) avec la complicité d’UBS France.