La crise du management public n’arrive pas par hasard. Elle manifeste une inadaptation croissante du modèle qui a prévalu jusqu’ici et qui est aujourd’hui obsolète. Depuis les années quatre-vingt, les élites administratives ont participé au mouvement de dérégulation qui s’inscrivait dans l’émergence de la mondialisation. Le pouvoir s’est déplacé vers l’économie et les banques. L’Etat s’est affaibli, mais depuis 2008 avec la crise financière qui a notamment découlé des excès de la dérèglementation, il cherche ses marques pour définir son rôle et affirmer une efficacité contestée.
Un triple vide : société, Etat et services public
Cette crise des Etats et de la gouvernance publique existe partout. Elle prend en France une gravité supplémentaire liée à notre culture publique, largement marquée par l’absence de confiance, de pragmatisme et de capacité à tisser du lien social. La crise multiforme que nous vivons aujourd’hui souligne les excès de l’ultralibéralisme qui sont le fruit d’une réalité oubliée. En effet, le système capitaliste avait hérité d’une série de types anthropologiques qu’il ne crée pas de lui-même : des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres et webériens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle. Ces types découlaient eux-mêmes de valeurs sociales alors consacrées et incontestables comme l’honnêteté, le sens du service public, la transmission du savoir ou encore la belle ouvrage, etc.
Hormis l’entrepreneur schumpétérien, malheureusement peu reconnu en France, le capitalisme n’a pas – et ne peut – créer une société décente. C’est le rôle de la société et du politique. On est donc face à un triple vide :
– une société en pleine créativité, mais aussi en souffrance, du fait de la crise et des désordres qu’elle engendre ;
– un Etat qui a perdu les manettes de l’économie mais qui ne connaît pas l’entreprise et le système de production et demeure désorienté face aux mouvements créatifs de la société au service de laquelle il devrait être ;
– des services publics qui ont parfois perdu le sens de leur rôle et dont l’efficacité est affaiblie, alors que les besoins et les attentes sont importants.
Des défis multiples
Dans un tel contexte, le management public est confronté à des défis multiples :
– Il doit changer de référentiels et, en particulier, construire des stratégies positives, sans déni des réalités actuelles et futures ;
– Il doit développer une posture de coopération avec la société, pour établir des règles comme pour répondre à des besoins, ceci avec un sens pragmatique plus élevé ;
– Il doit s’appuyer sur des managers mieux formés et aptes à comprendre la nouvelle donne.
Ce n’est que dans ces conditions que la demande d’Etat qui s’accroît, pourra être satisfaite. Des services publics efficaces sont en effet, à côté d’un système productif libéré d’entraves inutiles, l’un des moyens pertinents pour sortir de la crise. Il existe aujourd’hui une opportunité pour stimuler et réussir la modernisation de l’action publique. Le « Choc de simplification » et le « Pacte de responsabilité » lancés par le président de la République, fournissent en effet l’occasion de moderniser les procédures au profit des citoyens et des usagers du service publics, notamment les entreprises, tout en opérant des transformations internes des organisations publiques.
Le service public ne pourra se moderniser qu’en retrouvant le sens pratique de ses missions au service des citoyens. Or l’initiative du président Hollande crée les conditions pour créer un mouvement et susciter un nouvel état d’esprit, capables d’appréhender concrètement les besoins de la société et les missions nouvelles du service public. L’Etat retrouvera-t-il ainsi ses finalités en harmonie avec le corps social ?