Un programme de 150 millions d’euros
Le premier jour avait été entièrement consacré au programme de 150 millions d’euros signé 10 mois plus tôt. Ce programme, le plus gros que l’entreprise n’ait jamais signé (30% du CA annuel) fait l’objet de toutes les attentions. Deux Directeurs Généraux le pilotent, un Directeur Général adjoint suit son avancement, et chaque mois le Président dirige en personne une revue de 4 heures. J’avais demandé que l’on me prépare les cinq derniers comptes-rendus de chacun des comités de gestion tenus en interne, avec le client, avec les sous-traitants, et les contrats signés. En fin de journée, je pars avec 4 gros classeurs – les contrats – et les comptes-rendus. Une pile de 50 centimètres!
Un week-end laborieux …
Les premiers enseignements sont là. Inquiétants, très inquiétants. La lecture des documents fait ressortir cinq problèmes principaux :
– Le programme est géré au travers d’un ensemble de domaines et sous-domaines, mais il n’y a pas de vision consolidée ;
– L’impact des demandes de changements n’est pas analysé sur le programme dans son ensemble ;
– La gestion des partenaires est effectuée sur le modèle « boite noire » ;
– Les livrables ne sont pas réceptionnés ;
– Certains engagements pris ne sont pas répercutés dans les accords « back to back » ;
Les sous-traitants du client fonctionnent en mode minimaliste « question – réponse ».
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Des dysfonctionnements en cascade
Sur le plan technique, le point noir est que les demandes de changements du client sur le périmètre fonctionnel génèrent des dysfonctionnements en cascade sur le programme : sur les développements, sur les tests, sur le versionning… Au final, la cohérence du système d’Information est mise à mal. Au plan financier, les « trous dans la raquette » dans les accords back to back, laissent supporter à l’entreprise un surcoût de 12 millions d’euros. Et l’absence de réception des livrables par le client en remettant en cause le plan de facturation, génère des retards de paiement. Au plan juridique, le client s’impatiente du retard que prenait le programme.
Les décisions prises
Mes décisions consistent à travailler sur une échéance à court terme (fin d’année) pour focaliser l’effort des équipes et s’articulent autour des points suivants :
– Organisation du programme sous la forme d’une Direction informatique et enrichissement de l’équipe de fonctionnels (pour discuter d’égal à égal avec le client) et d’experts (pour traiter les sujets technologiques) ;
– Réduction du nombre de comités de suivi – il y en avait plus de 20, il en reste 10 ;
– Gel du périmètre fonctionnel et enregistrement des demandes de changements dans le cadre des versions futures ;
– Désignation d’un « guichet unique » par partenaire et par sous-traitant ;
– Suivi des actions à la journée, permettant d’aboutir à la réception des livrables.
Un programme remis sur pied en 2 mois
Au mois de novembre, la présentation du prototype se tient dans les locaux du sud de l’Angleterre, de notre partenaire. A son très grand étonnement, le client constate que le livrable majeur fonctionne. Conformément au contrat, le client signe le protocole de réception. Cette signature libère (en partie) mon entreprise de ses engagements juridiques vis-à-vis de son client. Sur le mois de décembre, l’équipe poursuit son effort pour fournir les livrables définis au contrat. En parallèle, je travaille avec les partenaires pour évacuer les sujets juridiques et financiers. Sans véritable surprise, le client nous adresse en fin d’année, une lettre nous signifiant sa volonté de rompre le contrat. Après avoir réussi la remise sur les rails, il fallait maintenant réussir la sortie.
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Un arrêt propre et intelligent pour trouver la sortie
Le travail de remise à niveau du programme, effectué par les équipes, va largement nous faciliter la tâche. La discussion est cantonnée au strict niveau technique sans jamais basculer sur le domaine émotionnel. Nous comparons chacun des engagements pris avec nos livraisons respectives : en termes de contenu technique et fonctionnel, et de dates de livraison. Puis, nous entamons une négociation financière. Le client réclamait le paiement de plusieurs millions d’euros à mon entreprise. Et nous demandions le règlement des travaux fournis, inclus les activités réalisées liées aux demandes de changement. En parallèle, une discussion juridique est initiée – contrat signé dans le cadre d’un marché public -, permettant au client de poursuivre l’exécution de son programme.
Les intérêts de chacune des parties sont pris en considération pour parvenir à un accord intelligent. Une fois l’accord trouvé avec le client, nous conduisons les discussions avec nos partenaires et sous-traitants. Fin janvier, les dispositions sont actées vis-à-vis de chacun des acteurs.
J’ai porté une attention personnelle au fait que chacun des membres du projet retrouve un « port d’attache », et une activité au sein de l’entreprise. Ce projet qui, 5 mois plus tôt, faisait porter un risque majeur sur l’entreprise, se solde par un arrêt propre sur le plan financier, technique et juridique. Mon entreprise reste ainsi un prestataire majeur pour ce client……
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