Certains dirigeants ont tendance à vouloir monopoliser les tâches au sein de leur entreprise. Lorsque ce comportement devient excessif, on parle du « syndrome du sauveur ». Or, avoir un dirigeant sur tous les fronts, tel un chevalier blanc, s’avère non seulement contre-productif mais également préjudiciable, à la fois pour lui mais aussi pour l’entreprise.
« Sans moi, ça ne fonctionnera pas ». Voici le mantra du dirigeant qui s’impose de porter la terre entière sur ses épaules. Ce comportement porte un nom : c’est le « syndrome du sauveur ». Plus fréquent que l’on ne le croit, il touche nombre de dirigeants, surtout ceux qui sont salariés de leur entreprise. D’après les psychologues Berkeley Mary C. Lamia et Marilyn J. Krieger, qui ont décrit ce syndrome en 2015, ce besoin de tout contrôler s’explique par un fort désir d’exister au regard des autres et d’obtenir leur reconnaissance. Reste que ce syndrome « du sachant » cache plusieurs effets pervers. Le premier, c’est qu’il fragilise celui qui en souffre. À force de se mêler de tout, le dirigeant « occupe » plusieurs postes au sein de l’entreprise. Résultat, il en oublie de se concentrer sur sa valeur ajoutée : la vision, la stratégie et le management…
Prendre conscience et se faire accompagner
Le problème c’est qu’au fil des mois, l’altruisme dont le dirigeant croit faire preuve laisse place à l’épuisement. Dans les situations les plus extrêmes – notamment durant la crise du Covid-19, qui a mis les dirigeants sur les rotules – ce syndrome peut même aboutir à une situation de burn-out. Le second effet néfaste de cette posture, c’est qu’elle déstabilise toute l’organisation de l’entreprise. Aux côtés d’un dirigeant qui « est » sur tous les sujets, les collaborateurs peuvent ne pas trouver leur place et quitter le navire. Le « syndrome du sauveur », qui se traduit donc par le besoin viscéral d’être « partout » dans l’entreprise, ne peut se résoudre que d’une seule manière : en se sauvant soi-même. Prendre conscience de son comportement excessif est une première étape capitale. C’est en mettant un nom sur ce type d’agissements que les dirigeants peuvent ensuite rectifier le tir et arrêter d’endosser le costume de super-héros dans l’entreprise, pour peu que l’envie de changer soit présente. Même si l’étape peut être vécue – à tort – comme un aveu de faiblesse, demander une aide extérieure est une piste intéressante à creuser. Travailler son leadership avec l’aide d’un professionnel constitue une option pertinente, voire une étape incontournable dans la carrière des dirigeants, à condition qu’ils acceptent de prendre du recul, lâcher prise et questionner l’indispensabilité de leur mission.
Apprendre à déléguer pour susciter l’engagement
Sur le volet opérationnel, d’autres leviers peuvent également être actionnés pour contrer le syndrome du sauveur. Se tourner vers le management de transition peut par exemple permettre aux dirigeants de bénéficier d’un regard neuf sur une situation, de prendre conscience qu’ils n’ont pas su s’entourer des bonnes ressources ou réaliser les bons investissements. Attention, toutefois, à éviter que le syndrome ne se reporte sur le manager de transition qui n’est pas, lui non plus, un super-héros. Cette intervention d’un homme ou d’une femme qui a rencontré des situations similaires dans d’autres entreprises peut, enfin, permettre aux dirigeants de prendre conscience de leurs propres limites, notamment de leur hésitation à déléguer des tâches à leurs collaborateurs, y compris ceux ayant le bon niveau de compétences. Ils ont pourtant tout à gagner à confier davantage de missions à leurs équipes ! Déléguer est un acte de management fort qui suppose, certes, d’accorder sa confiance mais qui génère un formidable sursaut d’engagement du côté des équipes.