Un modèle d’organisation révolutionnaire
Mise en place en 2001 par Brian Robertson, un éditeur de logiciels américain Ternary Software, l’holacratie (du grec holos : « entier »…) a de quoi surprendre dans un monde régi par les hiérarchies depuis des siècles. Car ce système organisationnel prône l’abolition pure et simple des chefs. « C’est une nouvelle technologie sociale pour les organisations, expose Bernard-Marie Chiquet, créateur du cabinet de conseil en management IGI Partners et chantre de cette méthode en France. Sa mise en application suppose une transformation individuelle des collaborateurs puisque le rapport à l’autorité est complètement chamboulé ». La hiérarchie cède ainsi son autorité pour suivre un ensemble de règles du jeu fixées par une constitution, entérinée par l’ensemble des collaborateurs. Finies les guerres des ego. Place à l’efficacité.
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L’holacratie fait des émules
Après Kingfisher, Zappos, Danone ou encore Orange, Décathlon s’y est mis. Et nombreuses sont les entreprises françaises intéressées par le concept, qu’importe leur taille. Dans une société où l’on prône davantage le bien-être au travail, ce n’est pas un hasard. Isabelle Baur, présidente du Directoire de la coopérative Scarabée Biocoop, qui emploie 130 salariés, a souhaité fonctionner en holacratie, avant tout « pour remettre l’humain au centre du travail » et le rendre plus heureux. D’autres raisons poussent les organisations à prendre ce virage à 180° : faire que les collaborateurs adhèrent à leur projet et à leurs valeurs. « Dans l’holacratie, la raison d’être de l’entreprise est clarifiée et le salarié va prendre ses décisions en fonction de celle-ci », explique l’expert. De fait, les employés, qui ont chacun un ou plusieurs rôles bien définis sont responsabilisés. De surcroît, supprimer la bureaucratie, c’est permettre flexibilité et réactivité de l’entreprise pour s’adapter plus rapidement aux évolutions du marché.
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Deux freins majeurs
Hélas, l’holacratie n’est pas simple à instaurer surtout lorsqu’on n’est pas prêt à abandonner ses pouvoirs. Ainsi, Christophe Mistou, directeur commercial chez Castorama, qui avait mis en place ce système organisationnel en 2011 dans une filiale qui comptait 350 personnes a dû y renoncer au bout de six mois. « On m’a demandé d’arrêter l’expérience parce que ça faisait un peu peur à toute l’organisation. Le rôle des patrons y est très différent, or, c’est lui qui est le plus impacté », témoigne-t-il. La volonté du « haut de la pyramide » est primordiale pour appliquer l’holacratie. Mais pour Bernard Marie Chiquet, Fondateur d’iGi Partners, conférencier et spécialiste de l’holacracy, elle ne suffit pas et certains salariés se sentent perdus. « J’ai été très surprise de voir que 20 à 25% des collaborateurs n’aient pas compris les bénéfices qu’ils pouvaient tirer de cette nouvelle organisation, confie Isabelle Baur. Ils trouvent qu’ils étaient mieux avant, que leur situation était plus confortable ; c’est pourquoi il faut encore les accompagner ». Leur départ peut néanmoins s’avérer inéluctable. Comme chez Zappos, qui a instauré ce mode de gouvernance en 2014 et incite financièrement les salariés qui n’adhérent pas à démissionner. Résultat : près de 14 % des collaborateurs sont partis. L’instauration du modèle peut donc être douloureuse, tant elle bouscule les habitudes. Néanmoins, certaines entreprises qui ont tenté l’aventure ne regrettent rien et gardent le cap. « Notre processus de décision est devenu beaucoup plus rapide, assure Mme Baur, enthousiaste. Le nombre de projets a explosé. Il y a une grande liberté ». Bernard-Marie Chiquet, qui aide à faire appliquer cette nouvelle méthode depuis seulement six ans estime ne pas avoir le recul suffisant pour afficher un taux de réussite. Aujourd’hui, une centaine d’entreprises dans le monde ont adopté l’holacratie, une trentaine dans l’Hexagone.
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