La crise du covid-19 : le redémarrage exige d’attirer de nouveau des talents vers l’industrie

La crise sanitaire du covid-19 zdnet.fr credit photo

La crise sanitaire du covid-19. Cette présente tribune a été écrite en deux temps. Elle avait été finalisée en février 2020, après le vote, dans le mois qui précédait, d’un rapport de l’Académie des technologies[1]. Or, depuis le mois de mars, la France est entrée dans une nouvelle ère – et l’Europe avec elle – dont le sas d’accès est une période de confinement, aussi longue qu’inédite [2].
La crise sanitaire du covid-19, avec ses effets collatéraux, va modifier profondément le contexte économique et social de l’industrie et des services à l’industrie sur nos territoires. Des entreprises fragiles, même si elles commençaient à relever la tête fin 2019, vont disparaître malgré les annonces des aides de l’Etat. Mais l’industrie va repartir, certes difficilement. Si, de plus, la politique de délocalisation massive de ces dernières décennies s’inverse, si le retour de productions-clés se concrétise dans divers secteurs, si la reconstruction de chaînes de valeur complètes s’opère sur le territoire national, alors il faudra attirer des talents nouveaux vers l’industrie et les services à contenu technologique associés.
Comme il faudra éviter, par ailleurs, que les éventuels retours d’activités industrielles ne s’opèrent que dans les aires métropolitaines, à l’attractivité des métiers de l’industrie s’ajoutera, plus encore que dans l’ère précédente, la question de l’attractivité des territoires de l’industrie, notamment pour les jeunes générations.
Le goulet d’étranglement (rareté voire pénurie de candidats sur de nombreux emplois industriels à pourvoir avant la crise de 2020) restera à réduire. Cette situation de tension renvoie à l’attractivité des entreprises et des métiers industriels et à celle des territoires de l’industrie, attractivités qui reposent souvent, en l’état, sur des représentations collectives défavorables.

Changer les représentations de l’industrie, en commençant par celles des jeunes générations

Intéressons-nous aux jeunes générations (18-34 ans) qui sont l’avenir de notre économie. Elles se forgent une représentation de la sphère industrielle – des secteurs, des métiers – à travers une multitude d’évènements (semaines de l’industrie, salons professionnels ouverts au grand public, tour de France de la French Fab…) qui mettent en avant ses éléments attractifs décelés dans des études d’opinions (technologies de pointe, innovation, ouverture internationale…). Cela ne suffit pas, car ces générations n’ignorent pas d’autres dimensions de l’image rémanente de l’industrie. Les actions de promotion doivent montrer comment elle prend en compte et traite des éléments répulsifs de sa représentation sociale, rapportés par les mêmes études d’opinion (pollution, travail à la chaîne, pénibilité, instabilité de l’emploi…).

L’industrie et les services high-tech associés, pour renforcer leur attractivité, devront aussi montrer leur contribution directe ou indirecte, en toutes circonstances, à la santé et à l’alimentation de la population, à la fourniture d’énergie décarbonée, au maintien des liens sociaux grâce aux systèmes d’information et de communication, à la sécurité. La crise sanirdu covid-19 aura montré l’importance d’une industrie sur notre territoire. Puisse-t-elle contribuer à en modifier les représentations !

Changer les représentations de la technologie et de l’industrie, dès le collège

C’est en amont, dès le collège, que commence à se construire la représentation collective de l’industrie et des formations associées. L’enseignement de la technologie au collège, qui n’a certes pas pour finalité de susciter une inclination professionnelle, peut en revanche se révéler dissuasif. Globalement, la qualité de cet enseignement n’est pas satisfaisante, hors quelques contre-exemples spectaculaires.

Des entreprises industrielles pourraient y apporter leur concours, pourvu que les portes des collèges leur soient ouvertes. En classe de 3ème, tous les jeunes doivent faire un stage d’une semaine. Les entreprises industrielles, comme le font quelques-unes, pas que des grandes, devraient accueillir des classes entières de 3ème et leur proposer, sur une semaine, un projet collectif stimulant et des parcours de découverte des métiers l’industrie.

Changer les représentations de la voie professionnelle scolaire et de l’apprentissage

Par ailleurs, les lycées professionnels, qui sont une voie essentielle pour accéder à l’industrie, ont une représentation sociale qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Des efforts sont entrepris de revalorisation de la voie professionnelle au lycée. Des entreprises industrielles s’y impliquent. Les campus des métiers et des qualifications, en général, et ceux qui viennent d’être ou seront labellisés « d’excellence », en particulier, contribuent à modifier la représentation collective de cette voie que le ministre Jean-Michel Blanquer entend revaloriser. Des progrès significatifs ont été accomplis, il reste beaucoup à faire. Deux nouveaux axes seraient à privilégier ici : améliorer l’attractivité de la fonction de professeur de lycée professionnel et augmenter significativement le nombre d’apprentis dans les lycées professionnels.

Développer l’apprentissage simultanément dans les entreprises et les lycées professionnels

L’apprentissage, véritable passeport pour l’industrie, devient un facteur d’attractivité des formations et des métiers industriels. L’apprentissage commence une remontée dans l’imaginaire collectif. Cela se ressent dans l’évolution des flux d’alternants, pour le moment constaté plutôt dans les formations post-bac. Des incertitudes demeurent cependant. Beaucoup d’entreprises industrielles n’accueillent pas encore d’apprentis. Leurs appréhensions devraient trouver des réponses dans la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Les lycées professionnels, quant à eux, s’ouvrent à l’apprentissage, mais lentement ; leur progression est encore entravée, ici et là, par quelques contraintes techniques et des oppositions « de principe » persistantes.
Par ailleurs, l’avenir de certains centres de formation d’apprentis (CFA) paraît mal assuré depuis la mise en application de la loi évoquée. La crise, née de la pandémie du covid-19, va probablement exacerber les tensions sur les petits CFA à vocation industrielle. Leur disparition ou leur affaiblissement nuirait à l’attractivité de métiers de l’industrie sur des territoires déjà fragilisés.

Dans un article nous analysons diverses pistes qui permettraient d’effacer les tensions de l’emploi industriel sur les territoires.

Pour le consulter cliquez sur le lien
Après la crise sanitaire du covid-19 : comment effacer
les tensions de l’emploi industriel sur les territoires

[1] « Attractivité des métiers, attractivité des territoires : des défis pour l’industrie » (janvier 2020). Rapporteur : Alain Cadix. Ce rapport faisait suite à deux autres rapports du même rapporteur : « L’industrie du futur : du système technique 4.0 au système social » (décembre 2017) et « La monté en compétences technologiques des PME, le cas des entreprises industrielles » (octobre 2018). Ces rapports sont sur le site de l’Académie : https://www.academie-technologies.fr/blog/categories/publications-de-l-academie/posts/attractivite-des-metiers-attractivite-des-territoires-des-defis-pour-l-industrie-rapport
[2] Les parties en italique ont été ajoutées depuis mars 2020 au texte initial qui est en caractères droits.
La crise sanitaire du covid-19 /La crise sanitaire du covid-19/La crise sanitaire du covid-19
Alain Cadix, Délégué aux compétences-clés et à la formation, de l’Académie des technologies, Paris: Alain CADIX, de formation ingénieur et docteur en sciences de gestion, membre de l’Académie des technologies, dont il est délégué aux compétences-clés et à la formation, il est membre du Conseil supérieur des programmes au sein du Ministère de l’éducation nationale, et président d’honneur de la Conférence des grandes écoles. Il a été ingénieur en unité opérationnelle de l’Armée de l’air puis professeur au département « stratégie, hommes et organisation » à l’ESCP, directeur de la formation puis directeur des ressources humaines de Dassault Aviation. Il a dirigé une école d’ingénieurs (ESIEE Paris) et une école de design industriel (ENCSI – Les Ateliers). De formation, ingénieur et docteur en sciences de gestion.