Le parasitisme, première méthode
La 1ère méthode est le parasitisme. Le crime organisé a un besoin impératif d’instrumentaliser à des fins criminelles les flux logistiques de la supply chain. De très nombreux trafics (drogue, espèces animales et végétales protégées, diamants, armes…), utilisent à un moment ou à un autre des moyens légaux : avions, bus, trains, ferries… Le 2ème parasitisme très développé est le blanchiment d’argent par l’instrumentalisation des flux financiers. La mafia ouvre des comptes dans les paradis bancaires qui lui garantissent l’anonymat des fonds ensuite transférés vers l’économie réelle via une multitude de sociétés écrans. La mafia parasite également les places financières en spéculant sur les marchés des actions et des produits dérivés.
Le recours à la prédation
Comme la piraterie maritime, l’enlèvement contre rançon ou le vol de matériaux, de produits ou de matières stratégiques. Au Nigéria, les guérillas détournent chaque année entre 2 et 5 % de la production de pétrole. Egalement l’extorsion force les entreprises à faire sortir de l’argent de leur bilan, dans le Sud de l’Italie la fiscalité criminelle (le pizzo) fonctionne sur le principe de la bourse ou la vie. L’essentiel des extorsions ne se déroule pas de manière aussi brutale. La plupart du temps, elles consistent à gonfler artificiellement par une surfacturation des flux a priori légitimes essentiellement dans les achats. Les multinationales qui veulent s’implanter à Moscou n’ont pas le choix des fournisseurs ni de négocier les prix. Par l’assassinat, l’enlèvement contre rançon ou l’attentat, le crime organisé intimide l’entreprise et la force à accepter sous la menace les techniques précédemment citées, enfin, le crime organisé utilise aussi la contrefaçon qui représente entre 5 et 10 % du commerce mondial.
Comment se prémunir
Il convient de s’assurer contre les risques d’enlèvement, d’extorsion ou de piraterie maritime et les transférer vers les compagnies d’assurances, ce qui protège le bilan mais n’annule pas le risque. Pour cela, les entreprises ont recours aux conseils d’avocats ou de consultants spécialisés, les services publics de la diplomatie, des renseignements et des forces armées. Les plus en pointe mettent en place des directions de la Sûreté, démarche efficace, si la direction générale et les grandes business unit sont mobilisées : Directeur de l’intelligence économique, DRH, finance, audit, achats… Les attaques du crime organisé sont parfois faciles à détecter : une surfacturation massive, la pression d’un politique tenu par la mafia lors de la passation d’un marché. La capacité de détection passe par la formation et la sensibilisation des collaborateurs. L’Edhec propose des modules de formation au management des risques criminels et terroristes, à la lutte contre le blanchiment d’argent et au management du risque de fraude. Ces formations s’adressent bien entendu aux directeurs de la sûreté, mais aussi aux équipes de la DRH, de la direction financière, de l’audit, des achats, de la communication…
Apprendre à détecter les premiers signaux
Il existe beaucoup de méthodes souvent difficiles à détecter au jour le jour en travaillant dans une entreprise même à un poste de cadre supérieur : fausses factures entre des sociétés écran, schtroumpfage ou smurfing (plusieurs personnes déposent des sommes en espèces dans des comptes bancaires de moins de dix mille unités de la devise du pays afin d’éviter le seuil de déclaration), virement électronique, raffinage ( échange de petites coupures contre des grosses dans le but d’en diminuer le volume, d’une banque à l’autre afin d’éviter d’éveiller les soupçons, et la plus insidieuse, l’amalgamation de fonds obtenus par des moyens frauduleux dans des entreprises honnêtes qui génèrent des recettes brutes au comptant, restaurants, bars, boîtes de nuit, hôtels, bureaux de change et compagnies de distributeurs automatiques… Et bien sûr la complicité bancaire à tous les niveaux comme le montre le reportage qui suit.