La RSE, une affaire de managers
Pour rendre une entreprise RSE- centric, il est nécessaire de l’aborder de la même manière qu’une entreprise dite « client-centric ». La RSE n’est pas l’affaire du seul responsable RSE, tout comme le client n’est la seule affaire de centres de relation client. Il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques, des approches qui associent pleinement les managers de l’organisation. La RSE en est encore à un stade de maturité limité dans les organisations, bien souvent d’un manque d’attention portée au management.

Le manager, accélérateur de diffusion de la RSE

Les managers sont encore, à ce jour, rarement associés aux réflexions stratégiques en matière de RSE. Ils sont toutefois déjà  un facteur clé de la réussite de la mise en œuvre des politiques RSE. Leur implication est déterminante pour donner du sens, et faire le lien entre la RSE et la performance, entre la RSE et les effets des actions, entre la RSE et l’engagement des collaborateurs.

Compte tenu de sa place dans l’organisation, de son rôle dans l’implémentation des actions RSE, il est nécessaire de se poser la question de sa « juste » implication et de ne pas le considérer comme un collaborateur comme les autres. Il serait dommage pour une organisation d’investir massivement dans l’orientation RSE sans mettre en œuvre cette attention particulière envers cette population qui ne l’est pas moins. La présence de la RSE dans le discours du manager, l’intégration de critères RSE dans la prise de décision, la posture de leader responsable sont des éléments qui influencent le lien entre RSE et performance.

Un nœud de contradictions à affronter

Le manager ne peut être le seul garant du franchissement réussi de cette ligne de crête entre impératifs économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux. Pourtant, il est au cœur de ce conflit  des critères dans son action au quotidien.

Dans des organisations dont la focale majeure est la performance économique, demander aux managers d’intégrer la RSE dans leur quotidien les met face à des contradictions permanentes. Comment arbitrer entre une solution technique moins coûteuse financièrement à court terme mais délétère à moyen terme sur l’environnement ? Comment privilégier une certaine typologie de clients tout en contraignant certains fournisseurs ? Les questionnements sont sans fin. L’introduction de la RSE conduit chacun à prendre des décisions dans un contexte de contradictions entre différents objectifs, temporalités et types d’acteurs.

Si ces nœuds de contradiction ne sont pas partagés, explicités, la balance risque fort de pencher en faveur de l’économique et du court terme, qui restent les critères de réussite historique, souvent prioritaires, des organisations.
Pour transcender cela, il faut non seulement ouvrir les discussions, mais également remettre en question les critères d’évaluation des managers.

Des critères de mesure de la performance à faire évoluer

Légitimement, le manager en poste va se poser la question de son intérêt à intégrer la dimension RSE dans ses décisions, ses modes de fonctionnement, ses pratiques managériales. Comment ses résultats sont-ils appréciés ? Quels sont les objectifs qui lui sont fixés ? Sur quels aspects reçoit-il des feedbacks de la part des dirigeants de son organisation ?

Personne n’est capable à ce jour de trouver la formule de calcul qui embrasserait tout ce champ de contradiction d’un seul coup. Chaque situation suppose de soupeser des enjeux très différents. L’entreprise doit alors ouvrir des espaces de débat pour que ces discussions aient lieu en laissant à chaque critère sa place dans les échanges.

Les discussions, le dialogue entre les différentes strates de management sont la seule option pour résoudre ces conflits de critères et tenter une réconciliation entre eux.

Un impératif : aller au-delà de la sensibilisation !

De nombreuses organisations se targuent d’avoir sensibilisé tous leurs managers aux défis climatiques ou autres sujets de fresques. Ceci est évidemment une bonne nouvelle. Cela constitue toutefois un investissement limité face à l’ampleur de la situation.

La question aujourd’hui est celle de l’implication des managers dans l’élaboration des politiques RSE, de l’outillage de ces derniers pour la réalisation d’un état des lieux régulier de leurs impacts et de l’entrainement au portage et à l’animation des orientations RSE au sein de leurs équipes. Tout cela nécessite une vaste démarche d’accompagnement du changement en commençant par adresser les propres fins de ces mêmes managers.

Quant aux programmes de leadership, il est indispensable qu’ils comportent des séquences clés axées sur les nouvelles problématiques rencontrées par les managers. Quelles clés de compréhension fine de l’impact des changements climatiques et sociaux sur le secteur/métier ? Quelle cartographie des parties prenantes et de leurs attentes ? Comment gérer les attentes des nouvelles générations et des plus eco-anxieux ? Quelles sont les mécanismes de la décision collective, dans un contexte où il est nécessaire de débattre avec des sensibilités différentes autour de la table ?

Prendre en compte le management dans la RSE permet de renforcer le lien entre les politiques RSE et l’engagement des équipes. Avec l’importance croissante de la RSE, le rôle du manager évolue et doit être adapté à cette nouvelle perspective. L’émergence de leaders responsables et éthiques, capables de mettre en œuvre les politiques, d’animer les débats et de sensibiliser, est déterminante.

Article coécrit par Luc Tardieu, partner, leader de la Communauté Leadership & Management et Aurélie Cordier-Caillot co-leader de la Communauté Leadership & Management chez Julhiet Sterwen,

Aurélie Cordier-Caillot démarre sa carrière dans le retail et le conseil marketing chez KANTAR. Aux côtés des distributeurs et des industriels, pour les aider à analyser les profils de leurs clients et à adapter leurs politiques marketing et commerciales. Depuis 17 ans dans le conseil et la formation, dont 9 chez Julhiet Sterwen, elle accompagne les entreprises dans de secteurs variés (energie, industrie, pharma, retail, luxe, banque/assurance) dans leur transformation managériale du cadrage avec les dirigeants, au diagnostic des pratiques, jusqu’à la pleine appropriation des nouvelles compétences et postures managériales. Un master en Responsabilité Sociale des Entreprises et une certification à l’Institut des Futurs Souhaitables en 2023, elle conjugue ces enseignements et  l’expérience terrain pour se forger une vision très concrète du cadre nécessaire à l’individu pour diriger et agir en entreprise dans le respect des principes de la RSE. Elle est donc experte du leadership responsable et de sa déclinaison en pratiques managériales au sein de Julhiet Sterwen et  de ses clients.
La RSE, une affaire de managers !/La RSE, une affaire de managers !
La RSE, une affaire de managers Depositphotos_deposithedar