La température d’un salarié. En ces temps de déconfinement et de retour progressif dans les locaux des entreprises, la tentation est grande pour l’employeur de soumettre ses salariés à des relevés de température, à des questionnaires ou à des tests médicaux.

Obligation de sécurité et risques de sanctions pénales, civiles et administratives pour l’employeur

L’employeur est en effet tenu à une obligation de sécurité à l’égard des salariés et doit, à ce titre, prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. En relevant les températures et/ou en soumettant les salariés à des questionnaires ou à des tests médicaux, l’employeur espère ainsi se prémunir contre la mise en œuvre de sa responsabilité, mais aussi rassurer les salariés et faciliter ainsi la reprise du travail dans les locaux de l’entreprise alors que de nombreux salariés manifestent leur souhait de poursuivre le télétravail.

Si l’intention est louable, l’employeur peut se mettre à risque en procédant de la sorte et s’expose à d’éventuelles sanctions pénales, civiles et administratives.

La position du Gouvernement sur le sujet est assez tranchée : si des relevés de température peuvent être effectués dans des conditions bien précises, en revanche la pratique des tests est interdite, ce qui n’a pas manqué de provoquer de vifs débats, certains employeurs souhaitant simplement offrir à leurs salariés une possibilité de faire le point sur le statut sérologique. Mais, le soupçon sur la finalité de ces tests pratiqués sous l’égide de l’entreprise n’est jamais bien loin, parfois à juste titre.

Collecte et traitement des données, droits et devoirs de l’employeur 

Il est intéressant d’examiner cette question du point de la collecte et du traitement des données, la CNIL ayant émis un avis sur ces questions le 7 mai dernier. En effet, les données relatives à l’état de santé d’une personne sont des données dites sensibles qui font l’objet d’une protection particulière : elles sont en principe interdites de traitement afin de garantir le respect de la vie privée des personnes. En l’état du droit, en l’absence de texte l’autorisant expressément, il est donc interdit à l’employeur de collecter les relevés de température des salariés et de les conserver, que ce soit sous format papier ou informatique.
La CNIL précise qu’il est interdit de mettre en place des caméras thermiques qui permettraient de prendre automatiquement la température à l’entrée des locaux. Un employeur peut donc contrôler la température des personnes entrant dans ses locaux, mais il ne peut pas conserver cette donnée dans un fichier afin, par exemple, de démontrer ultérieurement qu’il n’a laissé personne entrer avec de la fièvre.

La CNIL rappelle également que seuls les personnels de santé compétents peuvent collecter et mettre en œuvre des fichiers qui contiendraient des informations sur l’état de santé du salarié ainsi que sur sa vie personnelle, afin de vérifier que ce dernier ou ses proches n’ont pas eu les symptômes du Covid-19 sur les derniers jours.

Les informations relatives à l’état de santé, la situation familiale, les conditions de vie ou les éventuels déplacements du salarié sont des données relevant de sa vie privée. Les résultats des tests médicaux sont soumis au secret médical. L’employeur ne peut donc pas y avoir accès et à fortiori les conserver dans un fichier.

Dans la pratique, on constate en outre qu’il est difficile de poser des questions qui soient totalement pertinentes, eu égard notamment au fait que certains porteurs du Covid-19 sont asymptomatiques et peuvent donc répondre en toute bonne foi qu’ils ne présentent aucun symptôme, et d’autre part, car il est difficile de tracer la ligne entre ce qui est acceptable et ce qui relève d’une intrusion dans la vie privée, non seulement du salarié mais également de ses proches.

Inciter les employeurs à s’appuyer sur les acteurs de la santé en entreprise

Dans ces conditions, ces mesures semblent finalement plus relever du miroir aux alouettes que de la véritable protection.
Il faut donc inciter les employeurs à s’appuyer sur les acteurs de la santé en entreprise, au premier rang desquels le Médecin du travail, mais également les représentants du personnel afin de mettre en œuvre au sein de l’entreprise de bonnes pratiques permettant d’éviter la propagation du virus et de former le personnel à cet effet. Le management, et notamment le management intermédiaire, doivent être impliqués afin que la mise en œuvre de ces mesures de protection ne reste pas lettre morte.

Enfin, on rappellera que le salarié est aussi acteur de sa propre santé et sécurité et de celles des autres, comme le prévoit l’article L.4122-1 du Code du travail en fonction de sa formation et selon ses possibilités. A chacun d’être responsable, notamment en cas de symptômes avérés de la maladie.
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