Il est une constante dans la plupart des entreprises restées fidèles au modèle organisationnel classique : le manager reste le fusible idéal. Advient un problème, c’est lui qui « saute » à force d’emmagasiner les dissensions. Comment en est-on arrivé là ?
Manager : condamné à échouer ?
Pour le comprendre, il convient de s’intéresser à qui sont ces managers. Comment sont-ils choisis ou désignés pour être ceux qui managent ? Bien sûr, il existe autant d’exemples possibles que d’organisations ou de managers. Pour autant, il est possible d’identifier certains traits que l’on retrouve quasi-systématiquement. Comme ce vendeur de la distribution devenu manager puis patron d’un magasin grâce à ses qualités de vendeur. Des qualités qui, rapidement, ne lui sont plus d’aucun secours puisque ses nouvelles fonctions font qu’il ne fait plus du tout de ventes… Désormais, son quotidien est consacré aux sujets RH, de sécurité, administratifs et financiers, etc.
Autre exemple, cette autre manageuse qui est également une excellente commerciale dans le domaine des services. Associée à deux autres personnes pour créer son entreprise, elle se retrouve à devoir mener de front son rôle de patronne et celui de commerciale. Devenue directrice commerciale, le terrain lui échappe progressivement et elle se retrouve cantonnée à un rôle de gestion et de pilotage des équipes, loin de ses compétences et aspirations profondes.
Au travers de ces deux exemples, une réalité se fait jour. Alors que les personnes sont devenues managers grâce à des qualités professionnelles bien identifiées, la vente en l’occurrence, il leur est demandé deux choses totalement différentes et nouvelles : s’appuyer sur des équipes performantes et atteindre leurs objectifs. Surtout, jamais dans ce processus, se soucie-t-on de savoir ou de vérifier si les personnes désignées pour manager ont bien les compétences requises.
Une situation d’évidence aberrante puisque l’organisation a besoin de s’appuyer, avant toute chose, sur des personnes compétentes pour manager. Or, qui dit bon vendeur ne dit pas forcément bon manager, du moins pour certains rôles qu’il se voit confiés : RH, finance, animation des équipes, etc. Surtout qu’il leur est tentant de compenser les lacunes, sans créer de capacités, en faisant à la place des collaborateurs. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que beaucoup de managers rencontrent des difficultés à revêtir le rôle. Des difficultés qui font mécaniquement d’eux les fusibles idéaux en cas de problème ou de non atteinte des objectifs fixés. Ils sont pris entre deux feux : leur équipe et la direction.
Manager : des compétences à acquérir
Comme nos deux managers, beaucoup de professionnels qui se voient confier un rôle de management, doivent d’abord faire face à leur propre incompétence. Pour preuve, le nombre d’entre eux qui se targuent d’ailleurs d’être des autodidactes du management.
Et pour cause puisque, dans la majorité des organisations observées, nul ne s’est vraiment interrogé sur les attendus demandés aux managers. Nul ne semble vraiment se soucier de la nécessité absolue de (se) former au management. Il s’agit là pourtant d’un angle mort majeur, crucial à résoudre pour que l’organisation puisse avancer et progresser ; pour que chaque manager puisse rompre avec ses propres croyances limitantes.
Au-delà des contraintes et objectifs donnés par l’organisation aux managers, le véritable enjeu dont ceux-ci doivent prendre la mesure, est que leur rôle premier est désormais d’être créateur de valeurs, manager leur équipe comme un véritable business afin d’avoir une réelle posture d’entrepreneur. Leur second rôle est ensuite d’être créateur de leaders, de trouver les solutions et les leviers pour transmettre, distiller leurs expertises, leurs savoir-faire aux équipes, afin de créer des relais au sein de celles-ci. De même, le manager, pour se débarrasser des oripeaux du modèle organisationnel classique, se doit de se défaire – chose impossible, donc à minima différencier – de toute vision hiérarchique de son rôle, pour transmettre aux collaborateurs le niveau de pouvoir qui va avec leur expertises, et ne pas tomber dans la facilité de les “sauver” en faisant à leur place – au vu de l’expertise métier que le manager a – afin de gagner sur le court-terme dans l’opérationnel. Il doit aussi savoir les challenger en rompant avec certaines croyances limitantes telles que : « on ne doit pas sanctionner, on doit être gentil », « réussir c’est souffrir » ou encore « je dois protéger mon équipe vis-à-vis de l’extérieur ». Telles sont les conditions pour que le manager soit en mesure de se libérer de la pression monstre et destructrice qui est la sienne dans la plupart des organisations.
Quelles solutions ?
Au-delà du dépassement des croyances limitantes que nous avons abordé plus haut, il convient aussi de clarifier le travail requis – dont les fonctions managériales et RH – et d’identifier celles ou ceux qui sont les plus aptes à les prendre en charge, afin de permettre une délégation à des personnes qui auront à la fois plus de temps et une meilleure expertise sur un sujet.
Dans ce contexte, des processus et des rôles sont définis pour ensuite se voir affectés aux personnes, quitte à mettre en place, quand cela se révèle nécessaire, des parcours de formation pour une montée en compétences. Grâce à cela, l’organisation se donne les moyens de progresser vers l’excellence managériale, en faisant nécessairement primer la compétence sur le pouvoir, comme a pu le montrer David Marquet dans certains de ses travaux sur le sujet.
De fusible qui reçoit simplement et compense jusqu’à ce qu’il « saute », le manager devient acteur, moteur du changement dans l’organisation. Une organisation constituée de rôles et de processus identifiés et explicités, où la compétence de chacun est vecteur de création de valeurs ; où le manager n’est plus un fusible mais un facilitateur, un catalyseur, un mentor, un accélérateur pour ses collaborateurs et pour l’organisation.