Petite histoire de l’entreprise libérée
L’entreprise libérée est un concept managérial qui existe depuis les Trentes Glorieuses et l’avènement du capitalisme. Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, auteur de plusieurs ouvrages économiques, se penche sur ce courant depuis 2009 (notamment via son site Liberté&Co.com). Il constate que la première véritable entreprise libérée date de 1958 déjà ! Bill Gore, dirigeant de la société W.L. Gore and Associates, affirmait effectivement vouloir « libérer son organisation du dictat des petits chefs-cadres intermédiaires » afin de favoriser la prise d’initiative et l’épanouissement des talents.
L’entreprise libérée, quelle définition
Mais qu’est-ce qu’une entreprise libérée ? C’est une entreprise dont le système managérial n’est pas ascendant, mais organisé en petits groupes. Chaque service fixe son propre objectif et gère son organisation, son suivi comptable et de gestion. Il prend ses propres décisions en accord avec la vision de l’entreprise, et éventuellement avec un objectif général fixé en amont. Ici, point de manager pour encadrer un groupe, chaque personne évolue avec ses pairs ! Cette vision de l’entreprise a l’avantage de supprimer la fonction de cadre intermédiaire, ainsi limiter les tâches de reporting, les process, les services de contrôle interne et externe et l’attente d’une validation quelconque de la part d’un supérieur hiérarchique lointain pour prendre une initiative. Dans sa version extrême, l’entreprise libérée serait une structure plate et non pyramidale, sans même un comité de direction. Le dirigeant n’aurait de pouvoir que dans l’élaboration de la vision stratégique de l’entreprise et de son objectif à long terme, sans aucun poids quant aux prises de décisions collectives internes prises au quotidien… De même, les services de contrôle de gestion ou de direction financière seraient supprimés… Un petit peu complexe à concrétiser, cette entreprise libérée…
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L’entreprise libérée
appliquée en douceur
Il est pourtant reconnu que l’épanouissement au travail, l’innovation, la créativité… passent par la liberté d’initiative. En supprimant, tout du moins en limitant les hiérarchies, les décisions vont plus vite et l’entreprise gagne en productivité. Alors, pour encourager les effectifs à se dépasser, profiter de leurs idées et ambitions, croître et rester actives, certaines grandes entreprises adoptent une forme « douce » de l’entreprise libérée pour certains de leurs services ou pour certaines missions spécifiques.
La SNCF, par exemple, a mis en place « le réseau apprenant » ; des groupes de travail autonomes réunissant des salariés issus de multiples services, y compris des agents de terrain et cheminots, chargés de réfléchir à la résolution de problèmes tels que la gestion des plannings, la gestion des urgences… Ces groupes transverses, sans managers, sont une réussite selon les dires de la SNCF, en ce qu’ils ont réussi à résoudre des problèmes là où les services traditionnels avaient échoué.
La SSII Sogilis a elle aussi libéré son organisation. Chaque service, appelé « cellule », est responsable de ses propres décisions, y compris celles de recruter ou de sélectionner les projets sur lesquels travailler. L’objectif donné par le dirigeant est, pour chaque groupe, de rester à la pointe technologique, de favoriser la relation client et de réaliser un chiffre d’affaires permettant de couvrir au minimum le coût des salaires et des frais de structure de sa propre cellule. Ici, chaque groupe suit sa propre comptabilité, gère ses coûts, ses embauches, ses clients… Exit le service ressources humaines et même le service comptabilité ! Sogilis se composerait en fait de plusieurs mini-entreprises au service d’une entité globale.
« J’ai la sensation que grâce à une structure horizontale, sans relations hiérarchiques, les échanges sont plus vrais et sincères (…), affirme un salarié de Sogilis dans un rapport annuel mis sur Internet. On est responsable des choix qui vont guider le projet (…) c’est tellement plus logique que les futurs collègues soient ceux qui rencontrent les candidats ! » Notez que la SSII met très largement en avant son organisation pour attirer les talents dans ses locaux. L’entreprise libérée, c’est aussi une image de marque, voire un argument d’embauche et de fidélisation des effectifs basé sur la liberté d’action et la mise en valeur des compétences de chacun !
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Les contraintes d’une entreprise libérée
Entreprise libérée, l’avenir de l’épanouissement professionnel ? S’il est vrai que ce type d’organisation fait ses preuves quant à l’épanouissement au travail de certains effectifs (tout en diminuant sensiblement les frais de structure), elle remet en perspective la fonction de cadre, dont les prises de responsabilités, la fixation d’objectifs et la vision stratégique restent essentielles à la compétitivité d’une entreprise. De plus, sans possibilité de grimper dans la hiérarchie, l’entreprise libérée attirera-t-elle autant d’ambitieux qu’elle pense pouvoir le faire ?