Des clauses dites d’impérativité ou de verrouillage
Selon la loi du 4 mai 2004, (l’article L. 2253-3 du code du travail) un accord d’entreprise peut « déroger » aux dispositions d’un accord de branche, à l’exclusion de 4 domaines (salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire et mutualisation des fonds de la formation professionnelle) auxquels la loi Travail du 8 août 2016 a ajouté la pénibilité et l’égalité professionnelle. Autre exception « si cette convention ou cet accord en dispose autrement ».
A part ces 6 domaines, un accord d’entreprise peut donc contenir des dispositions qui dérogent même dans un sens moins avantageux pour les salariés à l’accord de branche sauf si ce dernier en dispose autrement. Ces clauses dites d’impérativité ou de verrouillage interdisent toute dérogation moins favorable par accord d’entreprise. Pourtant , la loi Travail pose comme principe la primauté de l’accord d’entreprise dans le domaine de temps de travail et de congés. Comment concilier ces 2 dispositions ? L’accord d’entreprise prime-t-il sur les clauses impératives d’un accord de branche ?
Le Conseil constitutionnel consacre la primauté de l’accord d’entreprise
Cette interrogation est déjà intervenue en 2008 avec la loi du 20 août 2008 qui consacre la supériorité de l’accord d’entreprise sur un accord de branche dans divers domaines du temps de travail tels que détermination du contingent d’heures supplémentaires, repos compensateur de remplacement des heures supplémentaires, aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, conventions de forfait annuel en heures ou en jours, choix de journée de solidarité, mise en place d’un compte épargne temps. L’objectif poursuivi était déjà de relancer la négociation collective dans l’entreprise, qu’en particulier les clauses de verrouillage ou d’impérativité gênaient, ce qui revenait selon de nombreux commentateurs, rendre les clauses impératives des accords de branche inapplicables face à l’accord d’entreprise qui primait. Pour le Conseil constitutionnel statuant sur de dispositions relatives au contingent annuel d’heures supplémentaire : « le législateur ayant entendu modifier l’articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation en matières d’heures supplémentaires, il s’ensuit que les dispositions du I [de l’article 18 de la loi de 2008, portant sur le contingent annuel] s’appliquent immédiatement et permettent la négociation d’accords d’entreprise nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche »
(Cons. const., déc., 7 août 2008, n° 2008-568 DC, § 20). A partir de cette décision, le ministère du travail « nonobstant l’existence de clauses contraires dans les accords de branche », étend son application à l’aménagement du temps de travail (Circ. DGT n° 20, 13 nov. 2008, fiche n° 11), à l’instar d’une grande partie de la doctrine.
La question du taux de majoration des heures supplémentaires
La loi Travail du 8 août 2016 dans la continuité des textes de 2008 donne une supériorité à l’accord d’entreprise pour le taux de majoration des heures supplémentaires, la mise en place des astreintes, le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail, la rémunération des temps de restauration et de pause, la mise en place de contrats de travail intermittent. Mais le chef d’entreprise peut se demander s’il peut passer outre les dispositions de son accord de branche, et arrêter un taux de majoration des 8 premières heures supplémentaires à 10 % alors qu’il est pour sa branche à de 25 %. L’étude d’impact de la nouvelle loi le précise : « lorsque la loi le permet, les accords d’entreprise qui seront conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi prévaudront sur les accords de branche, y compris sur ceux ayant été conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi même lorsqu’ils prévoient des clauses de verrouillage ».
Le fondement juridique de cette position se pose.
La nouvelle loi n’a pas touché à l’alinéa 2 de l’article L. 2253-3 du code du travail qui autorise les clauses d’impérativité dans les « autres matières » à savoir autres que salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire, mutualisation des fonds de la formation professionnelle, prévention de la pénibilité et égalité professionnelle entre femmes et hommes, ces autres matières comprenant a priori la durée du travail, en l’absence de stipulation contraire dans l’article. En même temps on peut se demander qui d’après les textes pourrait remettre en cause les clauses d’impérativité d’un accord de branche en matière de temps de travail.
Seuls les tribunaux apporteront une réponse fiable et sécurisée
Pour un accord de branche conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, son article 45 stipule que la valeur hiérarchique donnée par les signataires des conventions et accords conclus avant cette date est opposable à un accord de niveau inférieur. Ainsi un accord d’entreprise, même s‘il a été signé postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne pouvait pas déroger à un accord de branche conclu avant cette date par des clauses moins favorables.
Cette disposition n’est plus applicable pour la durée du travail, les repos et congés, l’article 8 de la loi du 8 août 2016 précisant que l’article 45 susvisé « n’est pas applicable aux conventions et accords conclus en application des dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail (durée du travail, repos et congés) qui prévoient la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche ».
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