Nouvelles formes de travail : s’adapter ou disparaître

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Nouvelles formes de travail : s’adapter ou disparaître.Face à la transformation profonde et irréversible du monde du travail, les entreprises et institutions françaises sont mises au pied du mur : elles n’ont d’autre choix que de s’adapter ou de risquer le décrochage. Saisir cette évolution n’est plus une option, c’est une nécessité stratégique pour pérenniser leur performance tout en garantissant le bien-être des collaborateurs. Plus qu’un simple ajustement, cette mutation représente un véritable changement de paradigme, accéléré par la crise sanitaire, qui impose aux organisations de repenser en profondeur leurs modèles managériaux et organisationnels. Il est désormais crucial de concilier innovation, efficacité et humanité pour réinventer les espaces professionnels et l’usage même de l’immobilier, afin de répondre aux nouvelles attentes des collaborateurs. 

Les racines d’une transformation inévitable

La transformation des modes de travail ne s’est pas déclenchée uniquement avec la pandémie de COVID-19. Bien avant cette crise, un mouvement de fond était déjà en marche, porté par des aspirations nouvelles et des mutations sociétales profondes. La pandémie n’a fait qu’accélérer ce phénomène, révélant des attentes déjà latentes en matière de flexibilité, de quête de sens et d’autonomie. Les jeunes générations, notamment, exprimaient depuis plusieurs années leur volonté de redéfinir la relation au travail en privilégiant l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Cette tendance s’est amplifiée sous l’effet des confinements et des restrictions sanitaires, cristallisant des exigences de souplesse et de responsabilité.

Des impératifs économiques majeurs alimentent également cette transformation, poussant les entreprises à repenser leur organisation pour s’adapter aux nouvelles réalités du travail. Face à une occupation des bureaux qui ne dépasse pas 36 % en moyenne, avec un pic d’occupation atteignant à peine 56 % selon Measuremen (Annual Workplace Report 2023-2024), l’optimisation des coûts immobiliers devient une priorité. Pour rester compétitives, les entreprises cherchent à développer leur agilité organisationnelle en adoptant des stratégies plus flexibles et mieux adaptées aux évolutions des modes de travail.

Parallèlement, la démocratisation des outils numériques collaboratifs a rendu le travail à distance non seulement possible mais efficace. L’essor du télétravail n’est donc pas seulement une réponse ponctuelle à la crise sanitaire mais bien une évolution structurelle, soutenue par une demande accrue de mobilité et d’indépendance. L’accès généralisé aux connexions haut débit a libéré les travailleurs des contraintes géographiques, favorisant l’essor du travail nomade et flexible.

Les nouvelles réalités du travail

L’hybridation constitue aujourd’hui l’une des manifestations les plus visibles de cette évolution. L’INSEE (Analyse INSEE mars 2025) indique que 22,4% des salariés du privé pratiquent désormais le télétravail de façon régulière, avec une moyenne de 1,9 jours par semaine. La semaine de quatre jours, les horaires flexibles et le travail asynchrone s’insèrent également progressivement dans les organisations.

L’intelligence artificielle transforme également en profondeur la nature des métiers, en automatisant les tâches routinières et en augmentant les capacités des collaborateurs. Cette évolution technologique impose une redéfinition des compétences, privilégiant désormais l’adaptabilité, la créativité et l’intelligence relationnelle. Selon la Dares (Rapport annuel les métiers 20230- 2022), près d’un métier sur deux pourrait voir son contenu fortement modifié par l’IA dans les cinq prochaines années.

À ces tendances s’ajoute une prise de conscience accrue des enjeux sociétaux et environnementaux. Les jeunes générations, plus sensibles aux responsabilités sociétales et environnementales des entreprises, font de la cohérence entre valeurs affichées et pratiques réelles un critère déterminant pour leur engagement professionnel. 72% des jeunes diplômés déclarent que l’engagement RSE d’une entreprise est un critère déterminant dans leur choix professionnel (Baromètre des enjeux du premier emploi de l’EDHEC NewGen Talent Centre. Avril 2023).

Repenser les espaces de travail pour un nouvel équilibre

Les dirigeants sont aujourd’hui conscients que l’environnement de travail doit venir soutenir la stratégie globale de leur entreprise ou de leur institution. Cette transformation impose une réflexion holistique intégrant l’évolution des métiers, les pratiques de télétravail, la croissance des effectifs, et les valeurs que l’entreprise souhaite incarner.

L’hybridation du travail transforme radicalement les besoins immobiliers. De nombreuses entreprises transforment leurs surfaces de bureaux traditionnels au profit d’espaces plus flexibles et modulables. Elles réduisent parfois leurs mètres carrés en redessinant entièrement leurs espaces pour favoriser la collaboration et la créativité. D’autres préfèrent déployer un réseau de “hubs territoriaux” permettant à leurs collaborateurs de travailler à proximité de leur domicile comme le Crédit Agricole d’Ile et Vilaine.

La décentralisation du travail stimule également l’émergence d’un réseau d’espaces satellites comme les tiers-lieux, espaces de coworking et bureaux de proximité.

Selon le baromètre Paris Workplace de novembre 2024, les principaux éléments constitutifs d’un bel espace de travail sont à 65% la lumière, 41% les équipements techniques, 40% le mobilier et 35% le volume de la pièce. L’acoustique, la lumière naturelle, la biophilie deviennent des composantes essentielles de ces nouveaux environnements.

En définitive, concevoir un espace de travail adapté aux nouvelles réalités du travail suppose de combiner efficacité fonctionnelle et qualité de vie. Un espace pensé par et pour les missions des collaborateurs, intégrant la transition énergétique et écologique, permet de positionner le curseur entre la performance et le bien-être, et d’incarner des valeurs durables qui fédèrent.

Une approche systémique pour réussir la transformation

Il est illusoire de croire qu’une adaptation partielle suffira. La réussite de cette transformation repose sur une approche systémique intégrant quatre dimensions complémentaires :

Le management par la confiance et l’autonomie constitue la première clé. Le contrôle par la présence doit peu à peu s’effacer au profit d’une évaluation basée sur les résultats et la qualité. Le présentiel devient nécessaire pour le collectif et n’est plus le seul indicateur de performance.

La participation des collaborateurs à la vie de l’entreprise, comme la co-conception d’un nouvel environnement de travail, représente un second levier essentiel. Cette démarche participative permet de définir les axes du projet en s’appuyant sur des pratiques, des besoins et des données concrets tout en favorisant l’adhésion des équipes au changement.

L’intégration des critères ESG dans la stratégie immobilière devient également incontournable. Les entreprises doivent repenser leurs espaces en y incorporant des solutions durables comme les certifications environnementales des bâtiments, la mobilité douce ou la consommation responsable.

L’innovation technologique offre enfin des leviers pour maintenir cohésion et équité. Une approche intégrant équipements immersifs pour les réunions hybrides et logiciels recréant la sérendipité des rencontres informelles – c’est-à-dire la capacité à provoquer des découvertes heureuses et inattendues grâce aux échanges spontanés – et l’intégration de l’IA pour augmenter la productivité, sont incontournables dans les nouveaux modes de travail.

Conclusion : vers un nouveau contrat social de l’entreprise

Il est temps d’accepter que les nouvelles formes de travail ne représentent pas une simple évolution organisationnelle ou managériale : elles incarnent un bouleversement structurel et culturel d’une ampleur inédite. Ce nouvel équilibre, alliant performance et bien-être, nécessite une vision globale et une capacité d’adaptation constante de toutes les parties prenantes, entreprises, dirigeants, collaborateurs, instances représentatives du personnel…L’adhésion à ces transformations ne repose plus sur la simple volonté du dirigeant mais sur une vision et des valeurs partagées, un cadre de confiance et des engagements réciproques.
Les organisations qui sauront trouver leur propre équilibre seront celles qui placeront le curseur au bon endroit entre performance et bien-être, et qui engageront toutes les parties prenantes dans cette recherche. Elles attireront et fidéliseront les talents de demain qui sauront construire une vision qui alliera ces deux composantes indissociables aujourd’hui.

Sources :
– 
Measuremen Annuel Workplace Report 2023-2024,
– Analyse INSEE mars 2025
– Baromètre des enjeux du premier emploi de l’EDHEC NewGen Talent Centre. Avril 2023.
– Baromètre Paris Workplace Baromètre SFL IFOP Nov 2024

Spécialiste de la transformation des organisations et des environnements de travail, Céline Codet accompagne les entreprises dans la définition de la stratégique de leurs modes de fonctionnement et de leur impact spatial. Forte de 15 ans chez BNP Paribas et d’un parcours croisé entre l’immobilier, la communication et la direction de projets de transformations, elle a construit une expertise singulière en accompagnement du changement en plaçant l’humain au cœur des démarches. Depuis 2021, elle pilote chez Colliers une offre de conseil dédiée à la transformation des environnements professionnels et à l’adaptation des organisations aux nouveaux modes de travail.

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Céline Codet, Directrice du pôle People & Change chez Colliers: