Souvent considérés à tort comme un « buzz word », les soft skills sont les premières victimes des caricatures et préjugés qu’elles engendrent. Face aux compétences « dures » ou hard skills qui nécessitent études et apprentissages, les soft skills ne seraient que le résultat de l’inné, de spécificités propres à chacun. La réalité est, bien sûr, toute autre.
S’appuyant sur les caractéristiques de chacun, elles sont en réalité le fruit d’un travail intense. Sur soi d’abord, mais aussi avec l’environnement et en lien avec le cadre dans lequel nous évoluons. Elles sont, en cela, un atout pour chaque individu mais également pour toute organisation, entreprise dans laquelle celui-ci exerce son activité, voire de toute Cité. En somme, les soft skills sont ces compétences qui vont permettre à chacun de se connaître, de mieux gérer son stress et interagir avec les autres, et de savoir nommer, expliciter ses besoins au profit et en tenant compte du collectif.
Sortir des idées reçues
On l’a vu, les soft skills n’ont rien d’un acquis que certains auraient et d’autres pas. Elles sont le résultat d’un travail important et principalement introspectif. Les développer, c’est en effet effectuer un travail sur soi, sur la connaissance de soi-même. Sans se cacher ; en toute intégrité. C’est apprendre à regarder et à accepter aussi bien ses zones de lumière que ses zones d’ombre. C’est se confronter à soi-même et à ses propres dysfonctionnements.
En ce sens, chercher à développer ses soft skills est un acte de courage. Plus encore lorsqu’il s’agit de se confronter au regard voire au jugement d’autrui. Savoir écouter et entendre les observations, remarques et suggestions reste un passage obligé pour qui souhaite challenger et perfectionner ses soft skills ; que l’on soit manager ou collaborateur. Rien de tel que l’effet miroir – sans teint – d’un échange direct avec un ou des collègues. Pour le professionnel lui-même mais aussi pour l’organisation, le collectif dont il fait partie.
Entrer dans le dur des soft skills
Et quoi de mieux que de se frotter à certains sujets pour saisir à quel point les soft skills n’ont rien d’inné et, surtout, nécessitent un travail complexe sur soi, pour soi et son entreprise.
Cela commence, notamment, par développer cette capacité essentielle qui est de savoir poser des limites et de savoir dire non. Cela semble peut-être contre intuitif et pourtant : qui ne s’est jamais retrouvé coincé dans une situation dans laquelle il n’a pas osé dire non, reprochant ensuite aux autres sa situation ? Qui se sent vraiment à l’aise de dire non, sans craindre les retours et les perceptions qui en découleront ? Pour qui est-ce si facile de s’autoriser à dire stop de façon constructive (sans attendre l’explosion de la marmite) quand quelque chose ne convient pas ? Sur le court terme, il est parfois plus aisé de se taire, de faire le dos rond et de se « sur-adapter ». Mais c’est omettre les conséquences de se compromettre, perte d’énergie, ruminations, puis blâme ou perte d’estime de soi, voire burn-out.
Les soft skills, c’est aussi connaître ses limites et être capable de les exprimer clairement et fermement, sans agressivité, de les rendre explicites pour les autres. A ce titre, avant même de vouloir employer les techniques connues pour dire non de façon audible, il faut d’abord oser s’affirmer, accepter de déplaire et de ne pas correspondre à l’image attendue ou imaginée que vos collègues projettent sur vous. En somme, accepter le risque de déplaire, de se différencier, d’être jugé pour démontrer et affirmer sa spécificité, mais au service de son intégrité, du collectif et de son entreprise.
Distinguer bien-être et soft skills
Parmi les nombreux a priori qui touchent les soft skills, il en est un qui est particulièrement dommageable. C’est celui qui voudrait lier, intrinsèquement, la notion de bien-être au travail à celle de soft skills. Alors, disons-le : si développer ces dernières peut être un vecteur de bien être pour chacun, leur objet est ailleurs ; au service du collaborateur et au profit de l’entreprise. Il est d’ailleurs temps de sortir du mythe qui voudrait que le rôle de l’entreprise soit de faire le bonheur de ses équipes. C’est pourquoi, il semble bien plus pertinent d’affirmer que l’entreprise a, parmi ses rôles, celui de favoriser des conditions de travail et de coopération optimales, d’offrir une qualité de vie au travail, certes, mais qui ne peut porter à elle seule une responsabilité en réalité bien plus large. Mettre « mon bonheur au travail » dans les mains de l’entreprise c’est me dédouaner de ma part de responsabilité face aux conditions qui sont nécessaires à mon bonheur.
Dans ce contexte, l’essence même de l’entreprise est de créer un cadre qui définit et rend explicite des règles et des limites. Ce cadre est un vecteur central pour garantir simultanément sécurité et liberté à chacun au sein du collectif, de l’organisation. C’est comme une colonne vertébrale de la structure.
Comme pour les hard skills, révéler et développer ses soft skills passe nécessairement par le travail, l’apprentissage et la pratique. Loin des préjugés qui les cantonnent au niveau de l’inné et de l’individu, les softs skills se développent et se travaillent tout au long de sa vie. Il n’est donc jamais trop tard pour commencer.
Pas si soft que cela, les soft skills ! credit depositphotos