« La comédie (in)humaine ; pourquoi les entreprises font fuir les meilleurs » fustige l’entreprise et brosse un portrait sans détour du management actuel : infantilisant, oppressant, bureaucratique et vide de sens, menant tout droit au burn-out ou au brown-out. Pourquoi les entreprises font fuir les meilleurs ? Attention, ça dépote !
Baby-foot et Chief Happiness Officer ne suffisent plus
Ce n’est pas avec un baby-foot et un Chief Happiness Officer que l’entreprise innove et fidélise ses talents. Voilà ce qu’annoncent tout de go Nicolas Bouzou et Julia de Funès, coauteurs de l’ouvrage « La Comédie (in)humaine : pourquoi les entreprises font fuir les meilleurs », qui vient d’être publié aux Éditions de l’Observatoire (septembre 2018).
Vers une entreprise Big Brother
Le ton est posé. Les auteurs, l’un économiste (Nicolas Bouzou), l’autre philosophe (Julia de Funès), démarrent leur analyse avec la crise financière des subprimes, il y a tout juste 10 ans. Celle-ci aurait engendré une attitude de repli et de défiance de la part des entreprises, attitude dont elles ne se seraient toujours pas débarrassées aujourd’hui, qui se traduirait par toujours plus de contrôle, plus de process et de bureaucratie. Les auteurs citent l’exemple d’une grande entreprise de la publicité qui auraient remplacé ses open spaces par des bureaux cloisonnés… mais transparents. Le moindre fait et geste est vu de tous, alors que la décoration acidulée vient atténuer le climat délétère. Une autre organisation a offert des téléphones mobiles à ses salariés, servant par la même occasion de badge d’accès et d’outil de géo-localisation, la surveillance à outrance sous couvert d’un cadeau high-tech et ludique.
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Du management infantilisant pour faire passer la pilule
Les auteurs renchérissent. De grands mots sont annoncés dans les discours d’entreprise, mais ils ne sont suivis d’aucune action concrète : « réinjecter de l’humain », « mettre le client au cœur de l’entreprise », « explorer sa créativité ». Parallèlement, des initiatives superficielles et infantilisantes envers les salariés viennent taire leurs angoisses du Nouveau Monde : installer un babyfoot, organiser du team building ludique, poser des bonbons Haribo en salle de réunion, embaucher le fameux Chief Happiness Officer… L’entreprise déploie à force d’initiatives « fun », voire régressives pour faire passer la pilule d’une productivité accrue, un contrôle toujours plus oppressant dans un monde toujours plus incertain. En attendant, elle reste vide de sens.
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De la crise des subprimes à la crise de sens
Souvent, les managers et même les dirigeants sont incapables d’énoncer clairement leur projet d’entreprise, mais malheureusement dans ce contexte, « on travaille rarement pour réaliser un projet collectif, souvent pour gagner sa vie, souvent sans savoir trop pourquoi. C’est devenu une obligation sociale », expliquent les auteurs. Et bien sûr, les salariés ne sont pas dupes. Les conséquences de la perte de sens sont là, allant du désengagement progressif menant à la démission jusqu’au burn-out, au bore-out (l’ennui au travail) ou au brown-out, ce sentiment pesant d’inutilité, renforcé selon les auteurs par les réunions à rallonge et les fameux documents PowerPoint. En bref, le message de l’entreprise est flou, mais le management, lui, est directif et oppressant. Le salarié s’en va, malgré tous les baby-foots du monde.
Faciliter la prise d’initiative dans un climat de sécurité
En 2018, le monde change : les modes de vie, la communication, la consommation, le travail. La crise des subprimes est passée. Et l’entreprise doit être un lieu d’innovation et faciliter la prise d’initiative tout en maintenant un climat de sécurité pour ses salariés, ô combien nécessaire en ces temps incertains. Elle doit donner toujours plus de liberté pour faire naître la créativité autour de valeurs communes et engageantes, autonomiser, responsabiliser et protéger. Et d’après Nicolas Bouzou et Julia de Funès, c’est tout le contraire.