Primes “Macron” et intéressement : 2 leviers puissants en 2020 !

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Le gouvernement d’Edouard Philippe a mis en œuvre fin 2018 des mesures d’urgence avec la plus emblématique la «prime exceptionnelle de pouvoir d’achat», qui a permis aux entreprises de verser une prime d’un montant de 1.000 euros maximum au début de l’année 2019. Les conseils d’un expert pour en profiter à l’avenir en 2020.

Lors son discours de politique générale du 12 juin 2019 devant l’Assemblée nationale, le premier ministre Edouard Philippe a annoncé que cette prime exceptionnelle serait reconduite en 2020 avec le même régime défiscalisé et toujours dans la limite de 1 000 €. En contrepartie, le premier ministre a conditionné la reconduite, voire même une pérennisation de cette prime, à la mise en place d’un dispositif d’intéressement avant le 30 juin 2020.

Ce nouveau mécanisme vise à augmenter de façon significative le pouvoir d’achat des salariés. Au sein des entreprises, il convient d’y réfléchir dès cet été afin d’anticiper les prochaines échéances.

Quelles conditions pour la prime « Macron » en 2020 ?

Si le gouvernement s’en tient au régime applicable qui a fonctionné jusqu’au 31 mars 2019, les entreprises pourront espérer verser à titre facultatif une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales d’un montant de 1000 euros maximum dont les modalités sont résumées ci-après. Elles nécessiteront bien évidemment d’être confirmées.

Les salariés éligibles aux exonérations sociales et fiscales devraient être ceux dont la rémunération brute perçue en 2019 serait inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail, soit 54.765 € brut pour un salarié travaillant à temps plein (à proratiser pour les salariés travaillant à temps partiel selon la durée de travail inscrite à leur contrat).
Le montant devrait logiquement pouvoir être modulé selon les bénéficiaires en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification, la durée de travail prévue au contrat de travail ou la durée de présence effective au cours de l’année 2019.

A noter que si l’entreprise décidait de verser un montant supérieur à 1 000 €, seule la fraction n’excédant pas 1 000 € devrait être exonérée.
Attention : par le truchement de cette prime, les entreprises devront veiller à ne pas remplacer des éléments de rémunération déjà existants dans l’entreprise (augmentations de rémunération, primes, …) prévus par accord salarial, contrat de travail ou usages en vigueur dans l’entreprise, sauf à supporter les risques de redressement URSSAF et/ou condamnation prud’homales.

Enfin, la mise en place de cette prime devrait nécessiter logiquement comme par le passé une « décision unilatérale de l’employeur » (DUE) moyennant une information des représentants du personnel ou la conclusion d’un accord d’entreprise ou de groupe.  Néanmoins, une simplification du dispositif notamment dans le formalisme à respecter serait la bienvenue pour les entreprises : pour cela, les pouvoirs publics pourraient capitaliser notamment sur les zones d’ombres et les interrogations (restées sans réponse) qui ont entouré le versement de la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » en 2019.

En tout état de cause, il est indispensable pour les entreprises désireuses de mettre en place la prime de pouvoir d’achat en 2020, de s’intéresser dès cet été 2019 à la concrétisation d’un accord d’intéressement, si ce dispositif n’existe pas actuellement au sein de l’entreprise.

L’accord d’intéressement, un dispositif à anticiper au sein des entreprises

L’intéressement légal est un dispositif facultatif dont les modalités pratiques de mise en œuvre sont visées par le code du travail article L. 3312-1 et suivants du code du travail. Le dispositif est ancien car institué par l’ordonnance 59-126 du 7 janvier 1959 ! Il a pour objet d’associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise. Il doit présenter un caractère aléatoire et résulter d’une formule de calcul liée à ces résultats ou performances entériné dans le cadre d’un accord d’entreprise.

Aujourd’hui, l’intéressement peut également bénéficier aux chefs d’entreprise, présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire, ainsi qu’au conjoint du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé. La loi PACTE complète ces dispositions (au bénéfice des entreprises comptant moins de 250 salariés uniquement) en assimilant au conjoint du chef d’entreprise la personne qui lui est liée par un pacte civil de solidarité (PACS) sous réserve que l’accord le prévoit expressément.

La philosophie générale du dispositif repose sur une logique « gagnant-gagnant ». Dit autrement, motiver les salariés aux performances de l’entreprise afin de mieux les rémunérer. Auparavant, le montant distribué à un même bénéficiaire ne pouvait pas excéder, sur un exercice, 50 % du montant moyen du plafond annuel de la sécurité sociale. Avec la loi PACTE cette limite est portée à 75 % de ce plafond, soit 30 393 € pour un exercice calé sur l’année 2019 (article L. 3314-8 modifié du code du travail).

Le vrai « plus » de l’intéressement réside dans le régime social de faveur accordé aux primes d’intéressement. En effet, elles ne sont pas soumises aux cotisations de sécurité sociale (parts patronale et salariale). En revanche, elles ne « fabriquent » ni de droits à la retraite, ni à l’assurance maladie, ni à l’assurance chômage.  Elles sont également exonérées du forfait social de 20% pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 salariés. Toutefois, elles restent assujetties à la CSG-CRDS à la charge des salariés. Ces derniers peuvent défiscaliser les primes d’intéressement à la condition de pouvoir disposer dans leur entreprise d’un plan d’épargne salariale (PEE, PEI ou PERCO). A défaut, les primes d’intéressement seront soumises à l’impôt sur le revenu (CGI, art. 158, 5-a).

Attention : pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales, les accords d’intéressement doivent être conclus avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de leur prise d’effet. L’objectif est de préserver le caractère aléatoire de la formule de calcul retenu et donc ne pas connaître à l’avance les résultats de la formule retenu.
Exemples : Un accord prenant effet le 1er janvier 2020 et qui prévoit un calcul sur l’année doit être conclu avant le 1er juillet 2020.
Un accord prenant effet le 1er janvier 2020 avec une période de calcul de 6 mois doit être conclu avant le 1er avril 2020. Il convient dès lors de définir au cas par cas – selon la taille et la typologie d’entreprise notamment – les délais pour concrétiser la mise en place d’un accord d’intéressement.

Côté employeur, l’entreprise peut également déduire de son résultat imposable les primes versées à ses salariés. Bien évidemment, le régime de faveur évoqué plus haut est lié étroitement au respect des conditions de fond et de forme visées par la loi, notamment :
– conclusion d’un accord d’entreprise selon les modalités visées à l’article L3312-5 du code du travail,
– dépôt dudit accord auprès des services de la DIRECCTE et du conseil des Prud’hommes,
– respect du caractère collectif et aléatoire, non-substitution à des éléments de rémunération,
– respect des plafonds de répartition.

Précisons enfin que la loi PACTE (publiée le 23 mai 2019 et applicable depuis le 24 mai 2019) apporte des améliorations notables pour les entreprises désireuses de mettre en place ce dispositif notamment en matière de sécurisation juridique des accords lors d’un contrôle URSSAF et sur les reliquats des primes d’intéressement.

Dans sa déclaration de politique générale précitée, le premier ministre a insisté sur les mesures de simplification à venir au profit des PME en les autorisant à tester ces accords sur un an au lieu de trois et en mettant à la disposition des PME des accords-types opposables à l’administration. Mieux redistribuer la valeur au sein des entreprises, en particulier les TPE et PME présentes au sein des territoires, telle est la volonté affichée par le gouvernement. Incitées à mettre en place ces dispositifs, les entreprises pourront mieux piloter leur stratégie RH à l’égard de leurs salariés et ainsi anticiper leurs demandes qui ne tarderont pas à surgir.

Giovanni Terrana, Directeur de mission Associé chez RSM Est: Manager senior - Associé RSM Est depuis 2000, en charge de la ligne de services : conseil en droit social, paie et RH. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Strasbourg spécialité en « relations internationales », titulaire d’une Maitrise en droit des affaires et du certificat de droit européen (Université R. Schuman - Strasbourg III), ancien conseiller prud’homal auprès du Conseil de Prud’hommes de COLMAR (collège employeur). Avec son équipe, Giovanni TERRANA apporte des solutions juridiques adaptées aux besoins des clients, en matière de coordination de projets transversaux notamment auprès de clients étrangers, rédaction des contrats de travail, procédure de rupture de contrat de travail, assistance juridique à la rédaction et la conclusion d’accords collectifs de travail.