Qualité de Vie au Travail : la mesure du ressenti des collaborateurs est une étape vertueuse qui ouvre de nouveaux espaces de dialogue, et permet de poser la focale sur un aspect souvent absent des tableaux de bord des entreprises. Décryptage par Patrick Nossent, président de CERTIVEA.

Qualité de Vie au Travail : le bien-être des salariés, un enjeu stratégique central pour l’entreprise

Le bien-être des salariés s’impose aujourd’hui comme un enjeu stratégique central pour l’entreprise. Levier de performance, de compétitivité, d’innovation, de croissance et de résilience, « l’Humain » se hisse parmi les préoccupations clés des décideurs. Cette tendance s’inscrit au coeur des transitions majeures qui touchent aujourd’hui les entreprises, au même titre que les transitions environnementales, énergétiques et numériques.
C’est pourquoi nous avons choisi il y a maintenant un an d’intégrer la Qualité de Vie au Travail (QVT) dans notre scope de certification et d’accompagnement des décideurs.

Comment mesurer le ressenti de bien-être, une donnée imparfaitement quantifiable

La Qualité de Vie au Travail pour les responsables et managers qui s’engagent dans une démarche d’amélioration, se dessine avec un premier défi, celui de mesurer le ressenti de leurs collaborateurs. Car pour paraphraser l’économiste W. Edwards Deming, « Ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas ! ».
Mais comment mesurer ce ressenti, alors qu’il s’agit justement d’une donnée imparfaitement palpable et quantifiable ? Nous avons mené un travail de recherche pour faire le point sur les solutions de mesures qui se développent sur le marché, et soumis ces travaux à l’éclairage croisé de deux chercheurs en neuroscience et en sociologie.

Contextualisation et vrai dialogue restent essentiels

Premier constat, l’avènement du numérique a profondément fait évoluer le modèle de l’enquête de satisfaction et le rapport des entreprises aux cabinets d’audits traditionnels. Désormais, grâce à des applications interactives, les entreprises peuvent prendre elles-mêmes le pouls des équipes, en temps réel et en continu. On voit aujourd’hui fleurir de nombreuses solutions numériques de ce type.

Alors comment faire un choix ? Parce qu’il n’existe pas de solution universelle. Il est pertinent pour l’entreprise de s’interroger sur ses propres enjeux et ses propres réalités.
Jacques Fradin, thérapeute cognitif et comportemental et fondateur de l’institut de Médecine Environnementale nous rappelle combien il est important de « contextualiser » les offres : « Ces outils numériques ne sont pas forcément de « vrais » outils de quantification mais ils peuvent être utiles car ils permettent de refocaliser davantage l’attention sur la subjectivité, dans des entreprises qui se veulent avant tout performancielles. Mais attention à bien contextualiser, valider par d’autres moyens les perceptions et interprétations, autrement-dit à en faire avant tout un outil de dialogue, notamment autour des objectifs que l’on poursuit, car il n’existe pas en ce domaine d’outil universel, même validé, qui satisfasse tout le monde, la contextualisation et le vrai dialogue restant essentiels » »

Le premier critère pour différentier les offres réside dans l’importance du fondement scientifique de ces différents outils d’apparence très similaire. Certains font la part belle aux questionnaires construits en collaboration avec des chercheurs. Ils promettent une analyse méthodique et scientifique des réponses. D’autres solutions se focalisent plutôt sur le caractère interactif et ludique de l’enquête, avec comme objectif premier d’augmenter l’engagement des collaborateurs, au risque de perdre parfois en qualité d’analyse.
In fine, il faut garder en tête que l’entreprise doit veiller à la robustesse des questions posées afin que la mesure du ressenti ne reste pas qu’un simple exercice de communication interne susceptible de décevoir les collaborateurs.

4 repères du déploiement opérationnel des cycles de mesure du ressenti

Nous avons identifié quatre repères liés au déploiement opérationnel des cycles de mesure du ressenti.
Le premier point d’attention est le paramétrage de l’outil de mesure. Car s’il n’existe pas de solution technique idéale ou universelle, il convient d’adapter l’outil à sa culture d’entreprise.
Le deuxième point concerne la diffusion de l’enquête. Pour libérer la parole en entreprise, les collaborateurs doivent être convaincus de la transparence et la sincérité de la démarche.
Le troisième volet est l’interprétation des résultats d’enquête, qui ne constituent pas en tant que tels une réponse aux questions que se pose l’entreprise. Il est crucial de croiser les regards et les indicateurs pour construire une analyse complète qui servira ensuite aux managers.
Le quatrième repère nous amène à la phase opérationnelle, post-mesure. Il convient alors de veiller à accompagner les managers dans l’appréhension des retours des enquêtes et dans la mise en place de mesures concrètes. Un point crucial puisqu’il s’agit ici de donner corps aux enseignements de l’enquête par des actions qui impacteront visiblement et durablement le quotidien des collaborateurs.

Alain d’Iribarne
, directeur de recherche au CNRS et président du conseil scientifique d’Actineo apporte son regard de sociologue; il rappelle l’importance de la mise en perspective des résultats et l’accompagnement des managers : « L’enjeu de ce type d’outils est d’être bien vigilant sur la façon dont on interprète les résultats obtenus. Il est très réducteur de présenter ce qui est mesuré comme étant la Vérité. C’est l’usage managérial de tous ces outils qui est déterminant et il ne faut pas oublier qu’il faut aussi savoir intégrer l’Irrationnel pour devenir un bon manager. En clair : on peut avoir de très bons outils et être un très mauvais manager et inversement être un très bon manager sans avoir les bons outils. »

La qualité de vie au travail ouvre de nouveaux espaces de dialogue. Elle permet de poser la focale sur un aspect essentiel et trop souvent absent des tableaux de bord des entreprises. La mesure de son ressenti par les collaborateurs constitue une étape vertueuse pour notre Société.

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Patrick Nossent, Président de Certivea, administrateur alliance HQE GBC, Qualitel et Smart Building Alliance for Smart Cities
Patrick NOSSENT, ingénieur, Président fondateur de Certivea et de Cerway, deux organismes certificateurs d’origine Française qui accompagnent les professionnels de la construction et de l’immobilier dans les transitions énergétiques, environnementales, sociétales et numériques vers la ville durable. Après une activité d’enseignant (1979), de Bureau d’Etudes (1982) puis de physicien au Laboratoire National d’Essais (1984), il entre au CSTB (Centre Scientifique et technique du bâtiment, Etablissement Public à Caractère industriel et commercial) comme Responsable Ressources Humaines (1990) puis Directeur Technique Adjoint (1995). Il crée CEQUAMI en 2000, en prend la direction en 2005, puis crée CERTIVEA et la certification HQE en 2006 et enfin CERWAY en 2013. Ex président de EUROCER BUILDING, l’association européenne des organismes certificateurs du bâtiment et d’AFORCERT, son équivalent Français, administrateur de l’alliance HQE GBC, membre français du World Green Building Concil, correspondant du China Green Building Concil en France et Administrateur de l’association Qualitel.