Religion au travail : 1 manager sur 4 concerné

Demande d’absence pour une fête, port de signes religieux, souhait de prière sur le lieu de travail… Près d’un manager sur quatre est confronté régulièrement au sujet de la religion au travail, selon une étude de l’institut Randstad et de l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE). Un chiffre qui a presque doublé en un an…

Manager, c’est aussi gérer la religion

Selon l’enquête réalisée par l’Institut Randstad et l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFFRE), menée pour la 3e année consécutive, 23 % des managers déclarent rencontrer régulièrement, c’est-à-dire quotidiennement, hebdomadairement ou mensuellement le fait religieux en entreprise. Ils n’étaient que 12 % dans ce cas en 2014. Selon les auteurs de l’étude, ce résultat peut traduire une « banalisation » de ces sujets, les salariés hésitant moins à faire des demandes à leur hiérarchie en lien avec leur croyance ou pratique religieuse. Globalement, c’est un manager sur deux qui a déjà été confronté au moins une fois à cette question. « L’actualité récente a eu des conséquences certaines sur la perception des pratiques et demandes religieuses. Ainsi le fait religieux en entreprise semble plus que jamais compliqué à gérer pour les managers », commente Aline Crépin, directrice de la RSE au groupe Rendstad Frce et déléguée générale. Un constat partagé par Carole Couvert, numéro 1 du syndicat des cadres CFE-CGC: « Oui, tout le monde n’est pas à l’aise avec le fait religieux. Tout le monde ne connaît pas l’ensemble des religions ni les us et coutumes qui sont liés à chacune. Les managers ont parfois des difficultés à comprendre les besoins par rapport à certaines religions, par exemple le respect de certains temps de prière, de certaines périodes comme le ramadan…». Quels cas rencontrent les managers sur le lieu de travail ? Comment gèrent-ils cette question parfois épineuse ? Y sont-ils préparés ?
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Demande de prière sur le lieu de travail

Selon cette étude, le fait religieux en entreprise prend plusieurs formes, les sujets les plus fréquents étant les demandes d’absence pour une fête religieuse (19 %), le port ostentatoire de signes religieux (croix, kippa, foulard, turban…) rencontré par 17 % des personnes interrogées et les demandes d’aménagement du temps de travail (12 %).  Plus rarement surgissent des demandes «correspondant à une perturbation et/ou une remise en cause de l’organisation du travail, ou à une transgression de règles légales», comme des demandes de prières pendant le temps de travail, le refus de travailler avec une femme ou le prosélytisme. Si l’enquête démontre qu’en 2015 davantage de tensions autour du fait religieux au travail (6 % contre 3 % en 2014), le contexte reste apaisé, assurent les auteurs de l’enquête, puisque 94 % des cas rencontrés n’entrainent ni conflit ni blocage. Les raisons qui rendent certains cas plus difficiles à gérer sont d’abord « les menaces d’accusation de racisme ou de discrimination », puis « la remise en cause de la légitimité de l’entreprise et/ou du manager à contraindre la pratique religieuse », et enfin « le refus de discuter ». Nouveauté de l’étude, l’intervention de tiers extérieur à l’entreprise (5 % des cas) pour soutenir une demande et essayer de peser sur la décision du management fait son apparition dans les raisons invoquées.

Tensions et conflits : des pistes pour les managers

Pour les managers qui font face à de telles manifestations conflictuelles, l’analyse des réponses permet de mettre en avant trois éléments importants relatifs à leurs besoins d’appui apporté par leur entreprise :
1 – Disposer d’un cadre décisionnel clair à la fois au plan du droit, c’est-à-dire de la loi, et au plan de l’entreprise
2 – Voir son autorité appuyée lorsque celle-ci est remise en cause
3 – Pouvoir construire des solutions négociées une fois son autorité assurée
Carole Couvert, du syndicat des cadres CFE-CGC, souligne que « tous les managers n’ont pas été formés à cela dans les cursus scolaires, donc ils se retrouvent démunis face à ce type de comportement ou ce type de demande et il vaut mieux en discuter (…) pour trouver ensemble un modus vivendi ». Elle révèle « qu’un certain nombre de groupes n’ont pas hésité à avoir une négociation sur le sujet avec les partenaires sociaux et éditer par exemple sur un petit fascicule pour les managers, je pense par exemple au groupe Casino, et du coup ça démystifie complètement la problématique ». Ce type d’outils insiste-t-elle « permet, y compris à un nouveau manager d’avoir un guide de survie par rapport aux différentes religions pour ne pas commettre de boulettes ».
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Croyances ou pratiques religieuses ne sont pas taboues, mais…

Selon cette étude, la pratique ou les croyances religieuses ne sont ni bannies ni taboues « à condition qu’elles n’affectent pas la bonne réalisation du travail et qu’elles restent circonscrites à la sphère personnelle ». 58% des personnes interrogées connaissent la religion d’au moins un de leurs collègues. Seuls 16% ne la connaissent pas du tout. Mais si 92% des répondants affirment ne pas être gênés par la pratique religieuse de leurs collègues, 22% pensent avoir été témoins de discrimination au travail liée à la pratique religieuse. De la même manière, si 40% des sondés considèrent que la pratique religieuse n’a pas d’impact sur les relations entre collègues, ils sont 38% à penser que cela peut avoir des effets négatifs, et 22% des effets positifs.

Certains comportements mieux acceptés

Le fait de prier pendant ses pauses est tout à fait admissible pour 75% des personnes interrogées. Pour 80% d’entre eux, il est légitime de demander une absence pour une raison liée à la religion, comme une cérémonie. À l’inverse, plus de 78% des salariés sondés trouvent inadmissible de refuser des tâches pour des motifs religieux. Pour 86% la religion ne doit pas être un critère de composition des équipes, et 64% sont favorables à une interdiction du port de signes religieux visibles au travail. 52% des salariés pratiquants s’opposent à cette interdiction.
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L’enquête est basée sur un questionnaire en ligne rempli entre février et mars par 1 296 salariés exerçant pour l’essentiel (93 %) des fonctions d’encadrement.

 

Elise Pierre: