Savez-vous pourquoi vous voulez diriger une organisation ?

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Diriger… un sujet politique, économique, sociologique, éthique et philosophique… mais aussi un sujet d’entreprise, bien-sûr. Le fait de diriger est intimement lié à l’exercice du pouvoir. Le pouvoir, source d’envie, de détestation, ou de fascination, voire les trois à la fois… Et sans doute que pour diriger de façon éthique, responsable et qui apporte de la performance pour soi et pour les autres, réfléchir au « why » cher à Simon Sinek est un préalable incontournable. Alors, voyons ensemble quelles réponses apporter à ce questionnement : « pourquoi vouloir diriger ? »

En fonction de son tempérament, de son cadre éducatif, de ses expériences personnelles et professionnelles, chacun aura sa propre réponse à cette question. Et peut-être, du reste, que plusieurs de ces raisons se combineront.
Pourquoi donc est-il si important de savoir pourquoi l’on veut diriger ? En premier lieu parce qu’en menant cette réflexion, on peut éviter certaines erreurs liées à une vision fantasmée de la fonction de dirigeant. C’est également un moyen de prendre conscience de son identité de dirigeant et de la travailler.

Savoir pourquoi on a cherché à être à la tête d’une organisation permet aussi de faire en sorte de maintenir sa motivation et sa performance puisque l’on va chercher à obtenir ou entretenir les conditions nécessaires à son épanouissement de dirigeant. Et généralement, quand on est épanoui dans sa fonction, on est dans l’efficacité, la fluidité et l’énergie !

Diriger pour se sentir libre

Le sentiment d’être libre de ses décisions et de ses actes est une des motivations fréquemment évoquées par la plupart des dirigeants. Etre au sommet de la chaîne de décision, c’est être celui ou celle qui fait un choix en fonction d’options qui sont proposées, ou qui impulse une nouvelle politique, une orientation stratégique. C’est aussi opter ou non pour une prise de risque.
Si cette forme de liberté est assez réelle quand on dirige une TPE ou quand on exerce en libéral, dans une grande entreprise, un DG ou un CEO rapporte à ses investisseurs, à son conseil d’administration, et il agit en fonction d’une ligne stratégique qui lui est confiée et finalement contient son champ d’action.

Alors, certes, diriger c’est bénéficier d’une autonomie et d’une certaine dose de liberté, mais dans une certaine limite. Et si cette limite est franchie ou que la performance n’est pas au rendez-vous, il est probable que le mandat du dirigeant soit révoqué.
Un dirigeant est aussi porteur de responsabilités, grisantes ou génératrices de stress : être vecteur de performance économique, assumer des responsabilités juridiques pouvant l’emmener en prison, incarner une image éthique et responsable de l’entreprise… Un poids parfois bien lourd à porter.

Disons donc que si l’on choisit de devenir dirigeant d’entreprise pour la liberté que cela apporte, il faut réfléchir au type de liberté que l’on recherche : liberté d’action, d’expression, de décision, d’organisation personnelle, … Et suivant le type d’organisation (TPE / entreprise internationale / profession libérale) dans lequel on exerce, on n’exercera pas la même forme de liberté. Et peut-être qu’au fond, peut-être que comme le dit Montaigne, « La vraie liberté est de pouvoir toute chose sur soi. » ?

Diriger pour se sentir puissant

« On veut la liberté aussi longtemps qu’on n’a pas la puissance ; mais si on a la puissance, on veut la suprématie. » dit le philosophe F. Nietzsche
L’exercice du pouvoir peut donner un sentiment de puissance à certains : chercher à se sentir respecté du fait de sa fonction, de sa position hiérarchique, c’est laisser l’ego à la manœuvre… Sentiment d’être irremplaçable, sur confiance, difficulté à admettre ses erreurs ou ses fragilités, intolérance à la contradiction, l’exercice du pouvoir est alors plus orienté sur la valorisation de celui ou de celle qui l’exerce que sur la performance de l’entreprise, le bien-être des équipes ou la qualité des produits vendus.

Ce phénomène, appelé syndrome d’Hubris, se nourrit de ce sentiment de toute puissance qui donne même l’illusion d’être au-dessus des lois. Du reste, certains philosophes comme Emmanuel Kant sont assez radicaux sans leur vision du pouvoir : “La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison. ”
Les personnalités qui cherchent à diriger une structure pour se griser d’un sentiment de puissance sont donc rarement des dirigeants réellement respectés : absence de concertation, manœuvres à la moralité discutable, politique court-termiste, rigidité… et finalement, vulnérabilité liée à une lecture parfois paranoïaque de certaines situations, tout cela contribue à entretenir une relation de défiance et de crainte incompatibles avec la confiance et la coopération nécessaires au bon fonctionnement d’une structure.

Diriger pour influencer

Si l’influence peut aussi contribuer au sentiment de puissance, certains ne veulent l’exercer que dans un objectif de partage de leur vision et de leurs objectifs, et non pas comme un instrument au service de leur propre valorisation.

Influencer dans ce contexte-là est donc un moyen de voir se réaliser ce que l’on projette pour l’entreprise, de mobiliser les énergies et de mettre en action. Du reste, Condoleeza Rice pense en ces termes : « Le pouvoir n’est rien à moins que vous ne puissiez le transformer en influence ».
Qu’entend-on par « influencer » ? L’influence n’est pas l’autorité, un des spécialistes du management comme Kenneth Blanchard le rappelle : « Aujourd’hui la clé du pouvoir des dirigeants réside dans l’influence et non plus dans l’autorité”. L’influence est une manière suave d’orienter l’opinion ou les actions d’une personne ou d’un groupe.
Si certains dirigeants ont simplement recours à leur leadership naturel et à la pertinence de leurs arguments pour influencer, d’autres se forment à des techniques d’influence puissantes qui peuvent leur conférer un pouvoir redoutable.

Un pouvoir bien utile dans leurs relations avec leurs homologues, mais qui peut aussi devenir un outil de manipulation s’il n’est pas circonscrit par une éthique personnelle, une politique d’entreprise, ou un contre-pouvoir (collectif, institutionnel, juridique,…).
Et peut-être que garder en permanence en soi cette phrase de Sun Tzu dans l’Art de la Guerre peut permettre d’exercer son influence de la manière la plus saine possible : “Un grand dirigeant commande par l’exemple et non par la force”. L’exemplarité est une ligne de conduite qui évite de basculer dans les excès pouvant être induits par une position de dirigeant.

Diriger parce qu’on y est appelé

Il existe enfin une dernière raison de vouloir diriger : y être appelé. Il s’agit de ces situations où l’on vient à vous : que ce soit un dirigeant en place qui cherche un successeur, un membre du conseil de surveillance chargé de trouver un nouveau président de directoire, un chasseur de tête, ou un pair, bref toutes ces personnes qui ont connaissance d’un mandat de direction à pourvoir et pressentent que vous seriez un bon candidat. Et ceci parce qu’ils ont détecté un potentiel qui les intéresse : sens politique, vision stratégique, expérience, formation, soft skills, réseau, …

Ces personnes voient dans le postulant à la fonction de dirigeant la promesse d’une réussite de l’entreprise. Il s’agit alors de superposer les projections et attentes avec ce que l’on se sent en capacité d’apporter. Ceci pour éviter de se choisir mutuellement pour de mauvaises raisons et afin de se donner toutes les chances d’une collaboration fructueuse. Mais pour certains, être appelé à exercer une fonction qu’ils n’avaient peut-être pas envisagée est assez déstabilisant : complexe de l’imposteur, manque de confiance en soi peuvent anéantir toute envie de diriger alors qu’on en a techniquement la capacité.
Il est donc essentiel lorsque l’on est appelé à exercer le pouvoir d’être conscient de ce que l’on apporte à l’entreprise dans toutes les dimensions attendues d’un dirigeant.

CONCLUSION
Peut-être que finalement, ce justifie le mieux la volonté de diriger est de mettre sa puissance intellectuelle, son réseau, sa capacité d’influence, sa vision, bref, tous ces éléments que l’on attend d’un bon dirigeant, au service de l’entreprise et de ceux qui la font. Vouloir diriger pour être au service, quel paradoxe, mais sans doute la meilleure ligne de conduite pour exercer un pouvoir juste, qui fait grandir l’autre et fructifier l’entreprise.
“L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre.” Herbert von Karajan

Caroline Bertholier, Conseil en gouvernance, spécialiste de la performance des dirigeants et managers par l'agilité relationnelle.: Caroline Bertholier a exercé pendant plusieurs années des fonctions de responsable juridique et de responsable gouvernance et stratégie avant de se lancer dans l’accompagnement humain au sein des organisations. Formée au coaching de dirigeants et à la médiation professionnelle, elle agit comme facilitatrice des évolutions et des relations, et s’appuie sur des méthodologies éprouvées tout en s’inspirant de penseurs, experts ou leaders. Accréditation coaching de dirigeants (Alter et Coach – T. Chavel) et certification coaching professionnel International NLP  Certification en médiation professionnelle (EPMN) Certification Dynastrat (outil d’assessment) Certification en leadership et agilité comportementale Certification TIPI Pro (régulation émotionnelle) et constellations d’organisation (outil systémique de résolution)