Il semble désormais évident que la servicisation de l’industrie est devenue un impératif. Par exemple, un fabricant de pneus comme Michelin Poids lourds a désormais un rôle de conseil, mais surtout de gestion de la flotte de son client. Il apporte ainsi des services d’entretien et de remplacement et se traduit par une facturation au nombre de kilomètres parcourus grâce à un forfait et non plus uniquement à la vente d’un pneu. Mais, au-delà de ce constat partagé, les décideurs se trouvent souvent sans fil conducteur pour gérer ce passage de leur modèle économique centré produit à l’offre de services.
Comment passer du souhait à la réalité
Bien des décisionnaires, même convaincus de l’objectif de servicisation, doivent encore comprendre comment maîtriser cette transformation profonde et décider quelles actions concrètes ils doivent mener afin de réussir ce changement serviciel. Quel chemin prendre pour atteindre une croissance profitable et se démarquer de la concurrence en allant au-delà de la production de produits ou services ?
Il s’agit, tout d’abord, de commencer à penser le service de manière plus stratégique, de façon non plus réactive, suite à une exigence client mais proactive. Il est nécessaire en effet de savoir comment proposer des solutions et des services innovants et ainsi créer de la valeur pour (et avec !) les clients. Et c’est une valeur qui compte car elle est à la fois valorisée par le client et apporteuse de marge pour l’entreprise.
Cette approche plus stratégique du service implique que l’entreprise fasse évoluer ses modes de fonctionnement. En effet, proposer et réaliser un service n’est pas le même métier que de produire quelque chose puis de le vendre. Le service se réalise au cours d’interactions. Il se coconstruit bien souvent en rapport avec un produit physique et l’apport du digital est alors décisif. Ce mode de réalisation se doit d’être accepté mais surtout valorisé.
Méthode pour décrire les degrés de maturité de l’entreprise industrielle
La première étape demeure celle de s’interroger : Où en est votre entreprise
1 – Poids Mort
Le service est considéré par l’entreprise comme une activité connexe. Sans faire d’effort sur ce sujet, elle n’envisage donc aucun résultat. L’entreprise est passive et subit l’imposition du service par ses clients. Elle cherche alors à le déléguer, sans contrôle effectif, auprès de prestataires. Le service est considéré comme un poids mort qu’il faut traiter pour garder ses clients.
2 – Paradoxe
La grande majorité des industriels se trouvent aujourd’hui dans cette situation du Paradoxe. L’entreprise a conscience qu’elle a une culture centrée produit et qu’elle doit s’orienter vers du service, mais ce dernier est vu comme une contrainte. Elle y met es moyens et fait des efforts sans pour autant s’y intéresser, ainsi les coûts sont intégrés à ceux du produit et la rentabilité des services n’est pas analysée. Là encore, l’entreprise subit le service mais à la différence de la situation de Poids Mort, elle fournit beaucoup d’efforts sans résultats apparents, si ce n’est une baisse de marge.
3 – Espérance
En acceptant l’impératif de Service et sa nécessaire rentabilité, l’entreprise passe dans la phase de l’espérance. Elle devient proactive, tout en essayant de limiter les efforts afin d’engranger des résultats visibles. Grâce à de nouvelles couches de service, le produit est mieux valorisé et le niveau de satisfaction du client s’accroît. L’entreprise ne fournit que peu d’efforts, mais commence à voir le service comme un tremplin.
4 – Moteur
Pour que le service devienne moteur, l’entreprise doit partir de ses cas d’usages et les désarticuler afin de modéliser les axes d’optimisation. En analysant l’existant, l’entreprise sort du paradoxe, et en cartographiant ses cas d’usage ce n’est plus de l’espérance mais une vraie stratégie qui se construit. Le travail de cartographie peut sembler fastidieux au premier abord et le moteur de la servicisation peut sembler manquer de puissance. La clé pour que la démarche soit couronnée de succès est l’adhésion et l’alignement des équipes que l’on obtient en communiquant sur les succès, en dédiabolisant l’intégration des services. Ces derniers ne sont alors plus vus comme des contraintes, des charges supplémentaires, mais comme de véritables leviers de réussite. En passant à cette nouvelle phase, le service devient central et se transforme en véritable avantage concurrentiel.
Positionner votre entreprise sur cette échelle de la maturité de la servicisation et le partager est une première avancée, concrète, dans la voie du service. Passer d’une perspective où l’objectif est de proposer toujours plus de fonctionnalités produit à celle où ce qui compte est la qualité de l’expérience client ne se fait pas sans heurs mais l’enjeu de la rentabilité de demain est bien là.