Il y a peu, lors d’une formation, un problème se pose avec un des participants. Celui-ci ne se saisit pas de l’énergie de la responsabilité malgré l’accompagnement étroit dont il a bénéficié. Rien n’y fait. Il reste hermétique à tout ce qui lui est amené ; il arrive systématiquement en retard et pas préparé aux sessions. En l’interrogeant sur la situation, il apparaît qu’il ne souhaite pas participer à cette formation qui lui a été imposée par sa direction. Pour l’aider à sortir de cette impasse et avec son accord, un terme est mis à sa participation.
Plus tard, lors du tour de clôture d’une réunion, une autre participante de la même entreprise fait part de sa surprise concernant cette décision. La décision d’exclure ce participant, serait trop “dure”. L’occasion de lui expliquer la nécessité de la transparence et du courage de dire les choses plutôt que celui d’une gentillesse de façade par trop inopérante. Celui du respect de tous : du manager, de l’équipe mais aussi et surtout de celui qui est directement concerné.
« Je le protège parce qu’il est gentil » … Ce comportement nous l’avons tous rencontré. Il s’appuie sur une croyance inconsciente et collective : il faut être gentil c’est-à-dire accepter de ne pas dire quelque chose pour ne pas être taxé de « pas gentil ». Quel message et quel manque de respect de la personne !
Depuis plusieurs décennies, on développe le coaching. Plus récemment, la co-création avec l’intelligence collective. Mais reste une dimension manquante, le troisième pilier du triangle créateur de valeurs : le challenge. Elle est pourtant essentielle pour faire avancer l’organisation et chacun en son sein. Dans ce cadre, taire un problème ou un feedback négatif, c’est coopérer à la persistance d’un comportement que l’on souhaite pourtant éradiquer. Nul ne progresse : ni la personne, ni l’entreprise.
Challenger pour progresser
Challenger est indéniablement une clé de la performance. C’est la remise en question. Dans ce cadre, on peut d’ailleurs distinguer 3 types de personnes. Les premiers sont les personnes performantes, celles qui prennent l’énergie de la responsabilité et qui passent leur temps à demander du feedback. Quel que soit le contexte et quel que soit la nature du feedback, positif ou négatif. C’est un moyen pour elles d’enrichir leurs perspectives et de progresser.
Viennent ensuite les personnes qui ne font pas de demande de façon proactive mais qui, si la proposition leur est faite, acceptent d’entrer dans cette logique même si ce n’est pas encore un réflexe chez elles. Enfin, il y a la troisième catégorie, située à l’opposé du spectre, constituée de ceux qui ne demandent jamais de feedback et dont la posture et la personnalité n’invitent pas à le faire car, d’évidence, ils prendront les choses personnellement. C’est le cas le plus difficile pour activer la culture du feedback.
Pourtant, le challenge est une clé incontournable de la performance, individuelle comme collective, dans l’entreprise. Car les entreprises qui s’adaptent et gagnent sont celles où cette culture est profondément ancrée. Une quête perpétuelle de l’excellence qui passe aussi par la reconnaissance du droit à l’erreur et de l’apprentissage.
« Il faut être gentil » : une croyance à oublier
Largement répandue dans les entreprises, cette croyance implicite à la vie dure. Une croyance se voulant bienveillante mais qui n’est pas vraie, même lorsqu’elle est instillée par la direction.
Car, ne pas dire les choses, c’est s’interdire de faire progresser les personnes, l’entreprise. Aucune création de valeurs au bout, puisque celle-ci est synonyme de progression.
Mais alors comment remplacer cette croyance ? Pour ce faire, il convient de créer les conditions pour que chacun se sente autorisé à dire les choses, même maladroitement. Ainsi, les conditions d’un « shift » sont en place pour évacuer les non-dits. Oser dire les choses, même maladroitement, c’est être vrai.
C’est ce qui tente d’être fait dans cette entreprise accompagnée de longue date. Dans celle-ci existe un atelier composé exclusivement d’ouvrières dont le travail consiste à mettre le produit en sachet. Y sévit une forme d’omerta. Impossible pour celles qui pourraient être tentées de sortir du rang en exprimant leur feedback de le faire, sous peine d’être exclue du groupe. Dans un tel environnement, difficile d’être vrai. Une situation problématique qui, malgré le travail accompli, persiste encore.
5 outils pratiques pour un faire un feedback
Le premier outil pour faire un feedback est d’impliquer l’autre. Tout simplement en lui demandant l’autorisation. Comme pour toute action de coaching, challenger quelqu’un implique de demander à l’autre son accord. En faisant ainsi, la probabilité d’essuyer un refus est faible. Et, si le risque perdure, une solution peut être d’impliquer la personne concernée en lui demandant comment s’y prendre pour qu’elle ne le prenne pas à titre personnel. Aucune manipulation ici mais une simple demande d’aide.
Le deuxième outil, pour formuler le feedback, au moins dans l’intention, consiste à prendre la responsabilité de son expérience. Si quelque chose a été mal vécu, mieux vaut l’exprimer plutôt que de porter un jugement. Dans ce cadre, le feedback est plus facile à entendre pour celui qui en est le destinataire.
Troisième outil : le feedback inversé. Plutôt que de donner un feedback de suite, je sollicite le feedback d’autrui au préalable. Vient ensuite le temps pour moi de faire mon propre feedback.
Le quatrième consiste en la mise en place explicite d’un accord relationnel : oser dire les choses même de façon maladroite. Cet outil est un nudge, un levier pour faire des pas de géant et s’éloigner des non-dits. La vie, la parole peuvent circuler.
Cinquième et dernier outil : annoncer la couleur. Celui-ci aide à développer la culture du feedback dans l’entreprise. Annoncer la couleur, c’est refuser de dépendre de la permission de l’autre pour avancer et décider ; c’est créer un cadre avec l’autre.
Mais, finalement, comment faire pour construire cette culture du feedback au sein de l’organisation ? Pour ce faire, il est utile d’institutionnaliser à la fois le feedback positif et le feedback négatif. C’est en institutionnalisant cette culture du feedback client – interne comme externe – que l’entreprise va se donner les moyens d’être au contact de la réalité et, ainsi, de progresser.