Départ négocié 4 leviers. Lors d’une négociation de départ (rupture conventionnelle, transaction, etc.) le salarié cadre ou dirigeant, assisté ou non de son avocat, cherche légitimement à obtenir l’indemnité de rupture la plus élevée possible. L’optimisation sociale et fiscale des montants négociés est souvent laissée de côté, notamment par certains praticiens qui n’en maitrisent pas tous les ressorts. Or, cet enjeu revêt une importance capitale. Zoom, en 4 points, sur les principaux leviers d’optimisation.

1 – Eviter la rupture conventionnelle

Régie par les articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, la rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de convenir aisément des conditions de la rupture du contrat de travail. Compte tenu de sa souplesse, ce dispositif est plébiscité par les acteurs du marché du travail. La crise sanitaire liée au Covid-19 n’a pas démenti ce succès. Ainsi, 425.000 ruptures conventionnelles ont été homologuée en 2020. Pourtant, la rupture conventionnelle présente plusieurs inconvénients. Tout d’abord, depuis le 1er janvier 2013, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise au forfait social de 20 % dès le premier euro. Le forfait social est dû par l’employeur mais son montant impacte à la baisse l’indemnité allouée au salarié. Par ailleurs, si ce dernier est en droit de liquider sa pension de retraite, sur la base d’un taux plein ou non, l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement soumise aux cotisations de Sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS et à l’impôt sur le revenu. Ajoutons que la partie de l’indemnité conventionnelle qui dépasse le montant de l’indemnité légale de licenciement génère un différé spécifique d’indemnisation Pôle Emploi (§3). En définitive, en présence de montants importants, la rupture conventionnelle est généralement déconseillée car elle n’offre pas de possibilités d’optimisation.

2 – Privilégier l’indemnité forfaitaire de conciliation

La rupture conventionnelle n’est pas le seul moyen de mettre fin au contrat de travail en contrepartie d’une indemnité librement négociée. Dans bien des cas, il est beaucoup plus avantageux, pour le salarié cadre ou dirigeant, de négocier un licenciement indemnisé par le versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation. Explications : l’article L. 1235-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de litige, lors de la phase de conciliation, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié. Ce barème est prévu à l’article D. 1235-21 et varie entre 2 mois de salaire (pour moins d’un an d’ancienneté) et 24 mois de salaire (à partir de 30 ans d’ancienneté).
L’indemnité forfaitaire de conciliation présente un double avantage. D’une part, elle est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du barème, ce qui peut se révéler extrêmement avantageux. L’indemnité transactionnelle ne bénéficie pas du même régime de faveur et il faut donc, toujours, procéder à une analyse comparative. D’autre part, lorsque l’indemnité forfaitaire de conciliation correspond aux montants prévus par le barème, elle est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique Pôle Emploi. Le salarié peut donc éviter, tout à fait légalement, un délai de carence de 150 jours. Bien entendu, l’établissement d’un procès-verbal de conciliation nécessite la mise en place d’un dispositif confidentiel sécurisant les parties en amont.

3 – Négocier sur l’exécution du contrat de travail

Il est courant d’imaginer que l’indemnité négociée par le salarié est nécessairement une indemnité de rupture (indemnité transactionnelle, de rupture conventionnelle, indemnité forfaitaire de conciliation, etc.). Or, la négociation d’une indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail s’accompagne d’un traitement social et fiscal particulièrement favorable. Afin d’en bénéficier, le salarié doit pouvoir justifier d’un préjudice totalement déconnecté de la notion de salaire (ex. harcèlement moral, souffrance au travail, mise au placard, humiliations, etc.). En ce cas, les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un tel préjudice ne sont pas soumises à cotisations sociales ni à la CSG et à la CRDS.
L’Urssaf rappelle cette solution sur son site Internet, tout en précisant qu’elle est compétente « pour rechercher si l’indemnité transactionnelle versée correspond à une ou plusieurs indemnités susceptibles d’être exonérées, ou bien s’il s’agit d’éléments de salaire soumis à cotisations. » Sur le plan fiscal, l’indemnité versée au salarié en réparation d’un préjudice moral ou physique lié à l’exécution du contrat de travail n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu. En effet, les dommages-intérêts versés au salarié à ce titre ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts définissant le régime imposable. Ainsi, les dommages-intérêts liés à un préjudice se rattachant à l’exécution du contrat de travail sont traités de manière très favorable par l’administration sociale et fiscale.

4 – Négocier votre départ à la retraite

De nombreux salariés approchant l’âge du départ à la retraite s’imaginent ne pouvoir percevoir qu’une indemnité très faible. En effet, le taux de l’indemnité légale de départ en retraite oscille entre un demi-mois de salaire après 10 ans d’ancienneté et deux mois de salaire après 30 ans d’ancienneté ! Pire, cette indemnité est soumise à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. Toutefois, des solutions d’optimisation s’offrent heureusement au salarié « senior. » D’une part, le salarié n’ayant pas atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein (62 ans en principe) peut s’engager dans une négociation de départ « classique » avec l’employeur. De cette manière, il peut percevoir une indemnité au régime social et fiscal favorable (cf. § 1 à 3), ainsi qu’une prise en charge par Pôle Emploi. D’autre part, le salarié pouvant bénéficier d’une pension de retraite à taux plein mais n’ayant pas atteint 70 ans peut négocier une mise à la retraite par l’employeur. En effet, ce salarié ne peut pas être mis à la retraite d’office par l’employeur et peut donc négocier sa sortie des effectifs. Les indemnités de mise à la retraite par l’employeur sont exonérées des cotisations de sécurité sociale et d’impôt sur le revenu dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (82 272 € en 2021), à hauteur du plus élevé des trois montants suivants :
– le montant de l’indemnité prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
– la moitié du montant total de l’indemnité versée ;
– deux fois le montant du salaire annuel brut perçu par le salarié l’année civile précédant la rupture du contrat.
En conclusion, en présence d’un dossier de départ négocié, il est fondamental de procéder à une analyse sociale et fiscale personnalisée, afin d’identifier et d’actionner tous les leviers de négociation mais aussi d’optimisation.
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Xavier Berjot, Avocat Associé Droit du travail, gestion des RH chez Sancy Avocats
Technicien reconnu en droit du travail et de la sécurité sociale, Xavier Berjot, avocat au Barreau de Paris depuis plus de 20 ans, a fondé la société d’avocats Sancy. Auteur de 5 ouvrages parus chez AFNOR Editions "Le Droit du travail dans l’entreprise", "La Rupture conventionnelle" (2ème édition), "Le Licenciement", "Les Délégués du personnel" et "J’embauche un salarié". Régulièrement sollicité par la presse, il écrit de nombreux articles pour des éditeurs juridiques, des revues professionnelles et des quotidiens régionaux et nationaux. Le cabinet Sancy accompagne les acteurs de l’entreprise (dirigeants, DRH, salariés…) dans tous les aspects du droit du travail (conseil et contentieux). Xavier Berjot accompagne salariés, cadres et dirigeants, lors de leur négociation de départ de l’entreprise. Le Cabinet maîtrise aussi les aspects très techniques de ces dossiers (contexte d’expatriation, plans de stock-options, niveaux très élevés de salaire, cumul mandat social / contrat de travail, fiscalité…).