Toutefois, ce droit n’est pas nouveau et l’accord Syntec du 1er avril 2014 avait institué l’obligation pour l’employeur de « s’assurer des dispositions nécessaires afin que le salarié ait la possibilité de se déconnecter des outils de communication à distance mis à sa disposition ». L’émergence de ce nouveau droit s’inscrivait alors dans une volonté des partenaires sociaux de la branche de sécuriser les conventions de forfait en jours invalidées par la Cour de cassation (Cass. Soc., 24 avril 2013, n°11-28.398.). D’autres branches et entreprises l’ont ensuite envisagé sous des formes diverses. D’aucuns considéraient que ces partenaires sociaux avaient fait du zèle en apportant une restriction disproportionnée à l’usage des outils électroniques mis à la disposition des salariés. Pourtant, à la suite de la remise de deux rapports commandités par le Gouvernement, la loi « Travail » a consacré ce droit et l’a généralisé à tous les salariés.
Les deux versants du nouveau droit : NAO et forfait jours
Le droit à la déconnexion se scinde en deux nouvelles obligations à la charge de l’employeur. Le premier versant s’inscrit dans le cadre de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail et concerne tous les salariés (hormis les cadres dirigeants).
Depuis le 1er janvier 2017 les partenaires sociaux doivent ainsi envisager « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale . » (Article L.2242-8, 7° du Code du travail). Seules sont concernées les entreprise assujetties à la négociation annuelle obligatoire (NAO), c’est-à-dire celles dont l’effectif est au moins égal à cinquante salariés et au sein desquelles au moins un délégué syndical a été désigné par un syndicat représentatif. Si la négociation aboutit, un accord collectif est conclu selon les nouvelles règles de validité « majoritaire » (Règles applicables à compter du 1er janvier 2017 pour les accords portant sur la durée du travail).
Pour les entreprises au sein desquelles la négociation n’aura pas abouti, ou non assujetties à la NAO, une « Charte » doit être rédigée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Bien entendu, l’avis des représentants du personnel n’est que consultatif. La nature juridique de ce document n’est pas définie. Toutefois, si la Charte édicte des obligations assorties de sanctions elle constituera une adjonction au règlement intérieur devant respecter sa procédure d’élaboration. Le projet doit être soumis au CE et au CSHCT, puis transmis à l’inspecteur du travail et déposé au greffe du Conseil de prud’hommes.
Le second versant du droit à la déconnexion est entré en vigueur le 10 août 2016. (Date de publication de la loi Travail). Désormais, l’accord collectif qui autorise la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit déterminer les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (Article L.3121-64 II.3 ° du Code du travail. Celles-ci devront être harmonisées avec celles énoncées à l’accord collectif ou la Charte). Toutefois cette exigence ne concerne que les accords conclus à compter de cette date, de sorte que les conventions individuelles de forfait peuvent être poursuivies si elles se fondent sur un accord conclu antérieurement qui respecte par ailleurs les exigences légales et jurisprudentielles (Document de contrôle du nombre de jours travaillés, contrôle de la charge de travail du salarié et entretien annuel avec le salarié).
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Simples recommandations et mesures contraignantes
Le législateur laisse à l’appréciation des partenaires sociaux, ou de l’employeur à défaut d’accord collectif, le soin d’édicter les modalités pratiques de l’exercice de ce droit. Celles-ci peuvent donc présenter des réalités très diverses selon les entreprises et les contraintes opérationnelles. Il peut s’agir de simples recommandations, visant à informer le salarié du fait qu’il n’est pas contraint de répondre aux demandes internes qui lui sont adressées en dehors de son temps de travail et qu’il n’encourra aucune sanction disciplinaire en cas d’abstention.
A l’autre extrême, de véritables mesures contraignantes peuvent être mises en place, telle qu’une déconnexion « forcée » des équipements électroniques sur certaines plages horaires. Ce type de mesures, radicales, ne convient pas à tous les modèles d’entreprise, notamment lorsque celle-ci est ouverte sur le marché international. Une autre mesure, médiane, peut consister en la mise en place de « pop-ups » qui rappellent au salarié le caractère facultatif de l’envoi de son courriel s’il est expédié durant sa période de repos.
Précisons néanmoins que lorsqu’un accord collectif est conclu, il doit obligatoirement envisager les mesures permettant aux salariés de préserver les temps de repos hebdomadaires et quotidiens ainsi que leur vie personnelle et familiale. Les exigences de rédaction pour la charte paraissent moindres puisqu’elle ne vise que « les actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ».
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Des risques identifiés
Le législateur n’a prévu aucune sanction à l’encontre de l’employeur qui n’aurait pas pris les mesures prescrites par la loi relatives au droit à la déconnexion. Il ne faut pas en conclure pourtant que son abstention ne lui ferait courir aucun risque. Au titre de son obligation de sécurité de résultat, sa responsabilité civile et pénale peut être engagée, notamment lorsque les temps minimums de repos hebdomadaire et quotidien ne sont pas respectés ou en cas de surcharge de travail. Or, le juge appréciera avec d’autant plus de sévérité la faute de l’employeur en l’absence de mesures prises au sein de l’entreprise en matière de droit à la déconnexion.
En outre, la carence de l’employeur pourrait entraîner la nullité des conventions de forfait en jours et des rappels de salaires. Signalons enfin que le refus de négocier constitue un délit d’entrave (Article L.2243-2 du Code du travail).