Nathalie Vogelsinger-Martinez : Paul, quelle était votre situation professionnelle au moment de votre départ ?
Paul : quand ma femme m’a annoncé qu’un poste lui était ouvert à l’étranger, j’étais depuis quelques années contrôleur interne dans une société de gestion de portefeuille. Mon travail me plaisait, c’était une première étape dans une carrière que je souhaite poursuivre. J’appréciais l’ambiance de travail, l’équipe avec laquelle j’évoluais. Je n’éprouvais pas le besoin de changer même si parfois l’idée m’effleurait. C’est un élément extérieur valorisant du point de vue de l’expérience humaine qui m’a poussé à prendre une bifurcation.
Nathalie Vogelsinger-Martinez : quelle a été votre réaction quand votre compagne vous a proposé de vous expatrier ?
Paul : j’étais content pour elle, le passage par l’étranger est un plus dans son parcours professionnel universitaire. Nous nous avions auparavant validé l’hypothèse d’une expatriation qui nous intéresserait tous les deux, sans bien la situer dans l’espace et dans le temps. C’était important pour nous que ce soit le choix du couple et aussi que chacun y gagne quelque chose. Il restait donc à définir ce que je pouvais gagner en prenant un congé paternité.
lecture recommandée Le Canada, destination rêvée des Français à l’expatriation
Nathalie Vogelsinger-Martinez : qu’avez-vous pris en compte pour vous décider ?
Paul : en fait, plusieurs destinations étaient possibles : le Japon, les Etats-Unis et le Canada. Je connaissais le Québec, j’y avais étudié pendant un an et j’avais beaucoup apprécié la qualité de vie, le côté « cool » des relations sociales, la taille ni trop grande ni trop petite du pays. Nous avons pris notre décision en fonction de plusieurs critères : l’intérêt du poste pour ma compagne, la qualité de vie avec un bébé, le prix de la vie compte tenu de la perte de mon salaire et enfin la possibilité pour moi d’améliorer substantiellement mon niveau d’anglais. Nous avons exclu une expatriation au Japon car la vie y est très chère, l’atmosphère étouffante et les gens ne parlent pas tous anglais. Quant aux Etats-Unis, les démarches pour obtenir un visa nous ont semblé trop lourdes. Le Canada était donc un bon compromis.
Nathalie Vogelsinger-Martinez : comment votre employeur a-t-il réagi quand vous lui avez fait part de votre projet ?
Paul : j’ai parlé de mon départ six mois avant de partir, j’avais conscience des dispositions devrait prendre mon entreprise pour me remplacer. C’était important pour moi de faire les choses au mieux, mes relations de travail étaient bonnes et je ne voulais pénaliser personne par mon choix personnel. Mon employeur a bien accueilli la « nouvelle ». Il était sincèrement content pour moi. Je n’ai pas non plus été mis de côté et je me suis impliqué jusqu’au dernier jour. Mon remplaçant a été recruté un mois avant mon départ et j’ai assuré sa formation.
A lire aussi 10 règles pour travailler au Québec
Nathalie Vogelsinger-Martinez : quelle est votre situation à la date d’aujourd’hui ?
Paul : je vis au Canada, en pleine nature, dans une grande maison entourée d’un jardin plein de neige. Je suis en congé de paternité, sans solde, pendant un an. Ma femme part travailler le matin et je m’occupe de notre fils avec un très grand plaisir. Jusqu’alors je ne le voyais que très peu. Je profite de chaque minute avec lui. J’ai une profonde conscience de bâtir une relation forte avec mon fils et avec ma compagne mais aussi d’engranger des souvenirs exceptionnels. Nous avons dû redéfinir notre façon de trouver un équilibre et cela se passe plutôt bien. Nous avons déjà noués de nombreux contacts. Par contre, le temps passe à une très grande vitesse et ma priorité qui était de devenir « fluent » en anglais n’est pas si facile à respecter.
Nathalie Vogelsinger-Martinez : Vous reviendrez en France dans un an, qu’avez-vous mis en place pour réussir votre retour ?
Paul : Tout d’abord, il est évident que cette période de « break » me permet de me remettre en forme ce qui indéniablement est un plus pour mon retour. Par ailleurs, je prends des cours d’anglais et j’entreprends tout ce qui est possible pour favoriser les échanges linguistiques à l’occasion des activités que je fais avec mon fils dans différentes structures. Pour ce qui est de mes compétences professionnelles, j’organise mes journées afin de pouvoir me concentrer deux ou trois heures sur l’actualisation de mes connaissances dans mon domaine d’expertise. J’ai donc le sentiment d’œuvrer activement à l’enrichissement de mes compétences.
Que diriez-vous à un homme qui s’interrogerait sur l’intérêt de suivre sa femme en expatriation ?
Paul : Tout d’abord, c’est une décision très personnelle qui dépend de nombreux facteurs. Pour ma part, le congé paternité est une réelle opportunité, je m’occupe de mon fils, vit une expérience familiale riche et intense, découvre une nouvelle culture, le tout avec la « garantie » de retrouver mon emploi au bout d’un an. Il y a donc des moments plus ou moins propices pour faire cette expérience.
lecture recommandée Expatriation : les 5 talents pour la réussir
Nathalie Vogelsinger-Martinez est coach de dirigeants et formatrice en communication interculturelle.