Europe et métaux rares : pour une autre voie indépendante et vertueuse.

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Avec un quasi-monopole de la Chine, l’Europe publie son plan d’action après plus de 28 ans d’inefficacité. Cette Europe avec plus d’un décès sur huit lié à la pollution, est-elle prête à recycler les terres rares et à relancer l’activité minière pour une révolution énergétique plus écologique ?

“Nous importons du lithium pour les voitures électriques, du platine pour produire de l’hydrogène propre, du silicium pour les panneaux solaires. 98% des éléments de terres rares dont nous avons besoin proviennent d’un seul fournisseur : la Chine… Et en même temps, nous devons investir dans des technologies circulaires qui réutilisent les ressources au lieu de les extraire en permanence“, annonçait en février 2021 Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.

Peu connus du grand public, les métaux rares font pourtant partie intégrante des téléphones cellulaires, des disques durs, des voitures hybrides, des éoliennes et d’autres produits avec une demande en flèche. Vous en avez probablement dans votre jardin ou dans votre poubelle, mais à l’exception de quelques gisements de minerai, ils se trouvent dans la nature à de faibles concentrations qui les rendent difficiles à collecter. On pourrait penser qu’il serait plus facile de récupérer des terres rares à partir de produits usagés que de les extraire mais ce n’est pas aussi facile. La recherche doit être une étape importante pour rendre cette option réalisable. L’Europe doit-elle rapidement développer des technologies de recyclage performantes ainsi que des systèmes de collectes adaptées à ces métaux rares pour répondre à une demande de plus en plus forte ?

La position de la Chine

En 1987, le président chinois de l’époque, Deng Xiaoping, a déclaré : “Le Moyen-Orient a du pétrole. La Chine a des terres rares“. A cette époque l’Europe pensait largement que l’extraction et le raffinage des terres rares étaient une entreprise difficile et qu’il faut laisser la Chine tout faire à bon marché afin de pouvoir fournir des produits pas chers. Avec la crise climatique, la Chine a donné la priorité à ses propres industries, le marché des batteries ou des véhicules électriques etc. engendrant ainsi des pénuries. La Chine contrôle aujourd’hui environ 80% de l’extraction et plus de 90% de la chaîne de transformation des terres rares. Elle n’abrite pourtant dans son sous-sol qu’un tiers de ces matières premières. C’est une mainmise mondiale sur le développement de la transition numérique et énergétique qui confère à la Chine un quasi-monopole.

Que fait l’Union européenne ?

Depuis le traité de Maastricht en 1992 et la création de l’Union européenne, la politique Européenne pour les métaux rares comme les autres produits stratégiques s’est longtemps cantonnée à la seule politique du libre-échange et du respect des règles de la concurrence au sein du marché unique. C’est en 2008 qu’elle a proposé d’établir un cadre propice à un approvisionnement durable et à assurer aux entreprises européennes un accès aisé et équitable aux matières premières. Il faut attendre le 17 juin 2010 pour voir se préciser la politique de l’Union dans ce domaine. C’est seulement le 3 septembre 2020, en pleine épidémie de la Covid‑19, que l’Europe publie son plan d’action sur les matières premières critiques. Pour L’Europe la situation est paradoxale : les nouvelles énergies vertes, qualifiées de propres, reposent en réalité sur une extraction de métaux qui n’est pas toujours propre. Les mêmes énergies vertes qu’on appelle renouvelables ne pourraient subsister avec une exploitation de matières premières non renouvelables.

L’Europe doit-elle s’inquiéter de l’épuisement des métaux et minéraux ?

Ce qu’il faut retenir de la fiche technique de l’ADEME publiée en juin 2017 : “…nul ne sait dire avec une certaine fiabilité quelles sont les ressources ultimes dans la partie supérieure de la croûte terrestre. Cependant les nouveaux gisements seront plus difficiles à trouver, nécessiteront plus d’investissement, leur exploitation nécessitera plus d’énergie et ils laisseront plus de résidus pour une même tonne de métal produite… Par ailleurs les conséquences environnementales locales de l’exploitation de ces gisements en limiteront l’acceptabilité sociale si elles ne sont pas totalement maîtrisées. En outre l’augmentation des consommations énergétiques de ce secteur risque de rentrer en confrontation avec la lutte contre le changement climatique…”.

Avec les métaux rares, l’Europe a-t-elle délocalisé la pollution ?

Les terres rares sont difficilement exploitables d’un point de vue industriel. Quelques grammes nécessitent de dizaines de kilos de roches. Il est obligatoire de les purifier avec des produits chimiques. La majorité des rejets sont déversés dans la nature et polluent les cours d’eau et les nappes phréatiques avec parfois des déchets radioactifs. L’extraction de ces métaux est effectivement néfaste pour l’environnement et la santé.

L’énergie durable pourra-t-elle se développer sans terres rares ? Pour répondre à cette question plusieurs secteurs économiques mettent en place des composants sans terre rares. Pour les voitures électriques il suffit de remplacer le rôle des aimants par une bobine d’excitation. Avec cette technologie les moteurs ne contiendraient plus de terres rares. Dans les éoliennes, des terres rares sont parfois utilisées pour la fabrication des aimants permanents qui équipent les génératrices synchrones, mais on trouve déjà dans les éoliennes onshore des turbines dépourvus d’aimants permanents, etc.

La chimie du solide peut-elle répondre à ces enjeux

en découvrant des matériaux de substitution ou en concevant des procédés efficaces de recyclage de ces métaux ? Aujourd’hui les nouvelles mines sont les montagnes de déchets technologiques produits et périmés. Les recycler est un enjeu considérable sur le plan technologique. La chimie du solide peut mettre au point de nouveaux matériaux pouvant se substituer à ceux contenant des terres rares ou en concevant des procédés efficaces de recyclage de ces métaux tout en épargnants la nature.
Le développement d’une énergie vertueuse et durable doit se passer des terres rares, comme on doit cesser les énergies fossiles et nucléaire. Dans une perspective de soutenabilité, l’Europe doit appuyer le développement de composants industriels alternatifs respectueux de l’environnement au lieu de rouvrir des mines. Pour atteindre les objectifs de recyclage, des recherches fondamentales sont nécessaires pour utiliser à bon escient la technologie qui n’est pas fondamentalement polluante et répondre au défi écologique. Un autre chemin et un grand défi pour l’Europe !

Gabriel Gaspard, Docteur en informatique des organisations, chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière: