BTP, numérique, grande distribution, énergie, luxe, transport… De nombreux secteurs profitent de la forte reprise post-confinement pour recruter massivement. En 2021, les créations d’emplois ont ainsi effacé un record qui datait de plus de vingt ans.
En 2020, la crise du Covid-19 avait provoqué la destruction de 315.000 emplois. Mais en 2021, la forte reprise de l’économie française (7 % de croissance) a permis, selon l’Insee, de créer 650.000 emplois (1). Un chiffre inédit depuis l’année 2000. Résultat : l’emploi salarié dans le secteur privé a augmenté de 1,5 % par rapport à son niveau d’avant-crise, fin 2019. Fin septembre 2021, le taux de chômage était en France de 8,1 % de la population active, le meilleur chiffre depuis plus de dix ans. Des résultats obtenus notamment grâce au « quoi qu’il en coûte », au chômage partiel et aux plans de relance français et européen.
Au dernier trimestre 2021, l’emploi intérimaire (2), qui enregistre un bond de 9,1 %, représente les deux-tiers de la hausse totale. Fin 2021, il dépasse ainsi de 8,2 % son niveau d’avant-crise (+ 64.500 emplois). Les apprentis bénéficient aussi largement de cette dynamique : dans le secteur privé, 698.000 contrats d’apprentissage ont été signés en 2021, soit 36 % de plus que l’année précédente et quasiment le double de 2019. Conséquence, le taux d’emploi des jeunes, aujourd’hui de 34,6 %, est supérieur de cinq points à celui d’avant-crise.
Cette amélioration touche tous les secteurs d’activité, à l’exception de l’industrie, qui a perdu 38.000 emplois en 2021. Le tertiaire marchand a ainsi gagné près de 220.000 emplois (+ 1,8 %) et la construction 65.000 (+ 4,5 %). Les difficultés de recrutement, apparues depuis l’automne 2021, incitent les employeurs à anticiper alors que leurs carnets de commandes se remplissent.
Le BTP affiche de forts besoins en main-d’œuvre
C’est le cas en particulier dans le secteur du BTP, qui éprouve des difficultés pour renouveler ses effectifs, dans une période cruciale, rythmée par les travaux du Grand Paris Express et des Jeux Olympiques. « Nous sommes face à une pénurie de main-d’œuvre importante », explique ainsi Philippe Servalli (3), président de la Fédération française du bâtiment (FFB) du Grand Paris. Quelque 100.000 travailleurs supplémentaires (4) sont nécessaires pour 2022. Un chiffre auquel viennent s’ajouter près de 80.000 apprentis. Même si la production et l’investissement n’ont pas encore tout à fait retrouvé leur niveau d’avant-crise, les carnets de commandes (5) sont pleins pour cinq mois et demi en moyenne selon la FFB, soit un mois de plus qu’avant la pandémie.
Dans le cadre du Grand Paris Express (GPE), jusqu’à 15.000 emplois sont mobilisés (6) pour la construction des tunnels, la pose des rails, l’aménagement des gares… Des emplois locaux et non délocalisables, qui jouent un rôle moteur dans la dynamique des territoires. « La Société du Grand Paris (SGP) maintiendra un rythme d’investissement de 4 à 5 milliards d’euros par an, au profit des entreprises et de l’emploi », souligne ainsi Jean-François Monteils (7), président du directoire de la SGP. Actuellement, plus de 7.700 compagnons travaillent sur « le chantier du siècle ». Près de 4.500 entreprises (8) ont déjà été impliquées dans ces travaux, dont plus de 3.500 TPE/PME, près de 2.000 d’entre elles étant basées en Ile-de-France. Plus de 2.600 personnes en insertion sont également intervenues sur les chantiers, réalisant plus de 2,5 millions d’heures cumulées. Au total, 15 millions d’heures d’insertion (9) sont prévues sur 13 ans.
En effet, la SGP a fait le choix d’inscrire dans ses marchés une clause demandant aux entreprises de génie civil de faire réaliser au moins 20 % du montant du marché à des TPE/PME, ainsi qu’une clause d’insertion, réservant au moins 10 % des heures travaillées à des personnes éloignées de l’emploi – demandeurs d’emploi depuis plus d’un an, bénéficiaires du RSA, jeunes de moins de 26 ans sans qualification… Et les entreprises se mettent au diapason, voire dépassent les attentes des pouvoirs publics, à l’image d’Eiffage Génie Civil. Ainsi, sur le tronçon « T2B » de la ligne 15 Sud, reliant les gares de Bry-Villiers-Champigny et de Créteil l’Échat, attribué à Eiffage et Razel-Bec, l’objectif fixé par la SGP, de 240.000 heures d’insertion, a été dépassé fin 2021, avec plus de 280.000 heures réalisées (10), soit 117 % de l’objectif. 336 personnes ont pu ainsi bénéficier de ce dispositif. Pour les entreprises, l’objectif contractuel est également dépassé : près de 22 % du montant du marché a été confié à des TPE/PME, pour un chiffre d’affaires cumulé de plus de 170 M€ HT à fin 2021.
Sur le méga-chantier du lot 1 de la ligne 16 du métro, les retombées en termes d’emploi entre Saint-Denis et Aulnay-sous-Bois, (11) sont également importantes. Eiffage a signé une Charte Entreprise-Territoire avec la collectivité Plaine Commune, qui prévoit de réserver 500.000 heures de travail à des publics en insertion professionnelle. « Nous mettons un point d’honneur à participer à cet effort de solidarité nationale, en accueillant des collaborateurs qui ne sont pas tous déjà formés au BTP, mais qui, pour 30 % d’entre eux, resteront ensuite chez nous en CDI », explique ainsi Guillaume Sauvé (12), président d’Eiffage Génie Civil et d’Eiffage Métal.
En pleine croissance, le numérique recrute massivement
Parmi les autres secteurs qui recrutent, le numérique arrive également en bonne place. Renforcée par la crise du Covid-19, la filière souffre même d’une pénurie de travailleurs compétents. Car si l’activité a fortement reculé au printemps 2020, elle s’est rapidement redressée au second semestre (4.600 emplois salariés créés). La crise sanitaire a généralisé le télétravail et accéléré les projets de transformation digitale des entreprises : migration de leurs applications dans le cloud, sécurisation des solutions pour leurs employés en travail à domicile, numérisation des commerces…
« On recrute massivement, et les budgets numériques des organisations augmentent de 10 % en 2021. Il manque chaque année 10.000 ingénieurs » (13), souligne ainsi Soumia Malinbaum, administratrice de Numeum, première organisation professionnelle du secteur. Au total, on estime que 230.000 postes seront à pourvoir dans le numérique d’ici à 2025. Sur les 530.000 emplois du secteur aujourd’hui recensés par Numeum, 80 % sont des postes de cadre et 93 % sont en CDI.
Entre juin 2020 et juin 2021, plus de 47.000 offres (14) dans le secteur du numérique ont été diffusées par Pôle emploi, et les embauches dans le secteur ont progressé de 7 %. Pour l’année 2021, quelque 82.500 projets de recrutement ont été recensés, 61 % d’entre eux étant considérés comme « difficiles » par les entreprises. Top 3 des activités qui recrutent le plus : les études et le développement informatique, la maintenance informatique et bureautique, la production et l’exploitation de systèmes d’information. En parallèle, les métiers de demain et les besoins en compétences progressent à une vitesse exponentielle, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la réalité augmentée, de la cybersécurité, du cloud et des data. Les besoins en experts de la cybersécurité, en particulier, évalués à 75.000 d’ici à 2025, sont loin d’être atteints.
Pour relever ce défi, les acteurs du numérique misent sur la formation, initiale et continue. Ils comptent notamment sur le dynamisme de l’alternance pour embaucher toujours plus de jeunes diplômés. Autre option pour parer à la pénurie : les reconversions d’ingénieurs ou de travailleurs issus d’autres filières. « Nous pensons pouvoir recruter 60.000 demandeurs d’emploi et personnes en reconversion professionnelle », précise ainsi Soumia Malinbaum. L’État mise également sur la Grande École du numérique pour former à des métiers accessibles en un ou deux ans, alors que d’autres écoles spécialisées, telle 42, lancée notamment par Xavier Niel, sont en plein développement.
Grande distribution, énergie, luxe : des secteurs qui embauchent
La grande distribution fait également partie des secteurs qui recrutent le plus en France. Les grandes enseignes recherchent du personnel dans de nombreux domaines : métiers de bouche, digital, responsables maintenance, managers magasin… Carrefour annonce ainsi 40.000 recrutements en 2022 (15). Le Groupe Auchan a quant à lui prévu 14.000 embauches en CDI, auxquelles s’ajouteront des renforts ponctuels en CDD et plus de 2.500 alternants et stagiaires. Les magasins Leclerc prévoient de leur côté l’ouverture de 7.000 postes dans près de 500 magasins du groupe, ainsi que 4.000 contrats d’alternance, 2.500 contrats d’apprentissage et 900 stages. Dans le segment du discount, Lidl et Aldi programment respectivement 3.000 et 2.000 embauches pour assurer l’ouverture ou l’agrandissement de leurs magasins sur l’ensemble du territoire.
Le secteur de l’énergie, boosté par la transition énergétique, est lui aussi à la recherche de profils divers : techniciens, chargés d’affaires, ingénieurs, chefs de projet, commerciaux… Des jeunes diplômés aux profils plus expérimentés. Début février, le groupe EDF a ainsi annoncé que 15.500 salariés (16) seront recrutés en France en 2022, dont 7.000 CDI, 1.000 CDD, mais aussi 4.000 alternants et 3.500 stagiaires. Différents profils, du bac pro au bac+5, sont recherchés. « Ces recrutements (17) répondent aux besoins d’EDF en compétences industrielles techniques et numériques. Des compétences qui représentent un levier de performance majeur pour répondre aux enjeux de demain en matière de transition énergétique », souligne Christophe Carval, DRH du groupe EDF.
Les deux géants du cosmétique et du luxe, L’Oréal et LVMH, se mobilisent également pour recruter des jeunes. Avec son programme L’Oréal For Youth (18), L’Oréal planifie chaque année le recrutement de 25.000 étudiants et diplômés de moins de 30 ans (CDI, CDD, alternances, jobs étudiants et stages). Le groupe ouvre également depuis plusieurs années 10 % de ses postes de stages et 15 % de ses postes en alternance aux jeunes de quartiers. Même dynamique du côté du groupe LVMH qui lance, avec son plan Craft the Future, le recrutement de 25.000 jeunes (19) de moins de 30 ans d’ici fin 2022.
Parmi les autres secteurs qui profitent de la reprise pour lancer des plans de recrutement, on peut aussi citer les transports, avec notamment 6.700 postes à pourvoir en 2022 à la RATP et près de 16.000 embauches (soit 3.000 de plus que l’année précédente) à la SNCF…