La loi Pacte a transformé la définition de l’objet social, en créant notamment le statut de société à mission. Aujourd’hui, celui-ci est principalement utilisé par des TPE au rayonnement local. On retrouve tout de même quelques grands noms (Yves Rocher, Le Slip Français…). Voici les premières observations que nous pouvons faire sur cette innovation juridique.
Transformer l’entreprise pour transformer l’économie
Alors que les citoyens attendent désormais qu’une entreprise soit utile à la société dans son ensemble et non uniquement à son écosystème (collaborateurs, clients, actionnaires…), force est de constater que la définition même de l’entreprise, que l’on retrouve dans son objet social, n’évoque aucunement ce principe d’utilité. C’est sur cette observation que la loi Pacte a créé 3 innovations juridiques : la société à mission, l’entreprise à raison d’être et l’extension de l’objet social dans le Code civil. Décryptage.
Qu’est-ce que la société à mission de la loi Pacte ?
La société à mission telle que le conçoit la loi Pacte définit une entreprise qui affirme de manière publique :
– sa volonté d’impacter positivement la société
– des objectifs RSE spécifiques
Ces éléments, et la qualité même de « société à mission », sont expressément mentionnés dans les statuts de la société concernée, en extension de l’objet social. Ils sont également publiés au répertoire SIRENE des entreprises via une déclaration faite au greffe du tribunal de commerce.
L’appellation « société à mission » est donc un élément du statut juridique. Elle officialise la volonté de l’entreprise de « concilier l’intérêt des associés et la réalisation d’un objectif plus large. » Elle authentifie la volonté de l’entreprise de « ne pas se restreindre au seul objectif du partage des bénéfices. » (Source : Bpifrance)
Toutes les sociétés commerciales peuvent adopter ce statut
Toutes les sociétés commerciales peuvent porter ce statut, y compris les sociétés unipersonnelles et les TPE. Pour l’obtenir, l’entreprise doit remplir un certain nombre de critères liés à ses engagements sociétaux. Elle doit suivre un processus prédéfini (que vous retrouvez sur le site de Bpifrance).
Ensuite, la société à mission est contrôlée tout au long de sa vie par un organisme tiers indépendant (OTI). Celui-ci se charge de vérifier la bonne application des axes RSE annoncés dans l’objet social. À défaut, la société perd son appellation. Le statut de société à mission n’est donc pas immuable. Il est régulièrement mis en jeu.
Quelles sont les sociétés à mission
eprises qui portent le statut de société à mission évoluent dans toutes sortes de secteurs d’activité : des restaurants, des compagnies d’assurance, des artisans, commerçants… Il s’agit, pour beaucoup, d’entreprises dont la notoriété et l’impact sont locaux (Pizzeria Agapè, FairArt, Datacampus, Relai du Bien-être, Fleurs d’Ici, Mobil Wood…) Parmi les entreprises les plus connues ayant le statut de société à mission, on retrouve Harmonie Mutuelle, La Poste, MAIF Vie, Yves Rocher, Le Slip Français. Voici la base de données (non officielle) : sociétéamission.com
La société à raison d’être : une variante plus souple
Plus souple, le statut de « société à raison d’être » est également issu de la loi Pacte. Il s’agit d’une option que l’entreprise peut librement ajouter à ses statuts, visant à annoncer « une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. »
La raison d’être représente en quelque sorte la vision de l’entreprise. Elle peut être modifiée par les associés et même supprimée à tout moment des statuts de la société (selon les règles de majorité renforcée).
Quelle est la finalité de la raison d’être ? « Le Gouvernement souhaite faire évoluer le comportement des acteurs avec des outils qui ne sont pas nécessairement très contraignants, et privilégier une approche volontaire de droit souple. Ce n’est pas un engagement définitif », explique Nicolas Borga, professeur de droit à l’université Jean-Moulin-Lyon-III pour Les Echos.
Extension de l’objet social : le Code civil évolue
Enfin, pour parfaire la notion d’utilité sociétale dans le monde de l’entreprise, la loi Pacte a également transformé la définition de l’objet social au sein même du Code civil. L’article 1832 stipule que « la finalité de l’objet est de réaliser un bénéfice ou une économie profitant aux associés ». L’alinéa 2 ajoute désormais que la société « est gérée dans son intérêt social en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
3 innovations juridiques : quel impact sur les entreprises ?
Un changement de philosophie de l’entreprise
Par ces trois innovations, il est évident que le gouvernement marque sa volonté de transformer en profondeur les rapports entre l’économie et la société, en accord avec les attentes actuelles des citoyens. Nous sommes sur un changement de philosophie de l’entreprise. Le fait que le Code civil soit modifié en est la preuve.
Des outils pour les petites entreprises
Ensuite, nous savons que de nombreuses entreprises développent naturellement des axes RSE et s’impliquent pour impacter leur territoire. Mais qu’en est-il de la visibilité de leurs actions ? Ce point est l’apanage des grands comptes, dotés de moyens pour communiquer.
L’appellation de société à mission, quant à elle, est un outil accessible à toutes les organisations, y compris aux très petites entreprises. Toutes les initiatives entrepreneuriales impactantes menées dans l’ombre sont rendues publiques par le simple statut de société à mission. Il s’agit d’un véritable outil de reconnaissance pour les TPE. Elles peuvent se hisser au niveau de communication et d’image des grands comptes.
D’ailleurs, d’après les données fournies par la communauté officielle des entreprises à mission, les sociétés unipersonnelles sont les plus nombreuses à porter ce statut. Elles représentent 42 % des sociétés à mission. Les grands comptes et ETI sont au nombre de 13 %.
« La communauté des entreprises à mission est la communauté de référence des dirigeants, entrepreneurs, chercheurs, experts, actionnaires et salariés qui, en partageant leurs réflexions et leurs expériences de la société à mission, contribuent à son essor et à la création d’un impact positif. » (Phrase d’introduction sur le site de la communauté des entreprises à mission.)
Sources complémentaires : https://societeamission.com/basededonnee/
https://bpifrance-creation.fr/entrepreneur/actualites/societe-a-mission-precisions-controle-loti