Symbole depuis sa création de la globalisation et du multilatéralisme, Davos s’est ouvert cette année sur l’image d’un monde inquiet et fractionné, ranimant les débats sur la fin de la mondialisation. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : nous prenons conscience de la fin d’un cycle puisque le forum lui-même évoque désormais l’affaiblissement de la mondialisation. Cette rupture dans le discours des décideurs économiques reprend des critiques anciennes et témoigne des difficultés à répondre aux enjeux de notre temps. L’expansion de notre univers mental à dimension planétaire est à bout de souffle. Nous assistons à sa rétractation. Celle-ci annonce en filigrane le retour en force de la règlementation du monde des affaires.
Rééquilibrer la mondialisation en faveur du contrôle national
Les évolutions de l’économie mondiale, accélérées par la pandémie et la guerre en Europe, consacrent le retour de l’État régulateur symbole d’« une économie au service de l’intérêt général ». Le 5 janvier dernier Bruno Le Maire finissait sur ces mots la cérémonie de vœux aux acteurs économiques. Davos entérine la tendance. La question serait désormais de rééquilibrer la mondialisation, de renforcer la résilience de nos entreprises, de favoriser la transition écologique et de reconstruire les pactes sociaux.
A rebours des tendances expansionnistes du libre-échange, l’État s’affirme et entend se trouver « au cœur des décisions économiques ». Selon le ministre de l’Économie, il appartient même à la France d’inspirer un nouveau modèle mondial, ce qui représente une véritable révolution juridique, culturelle et philosophique.
Une révolution juridique, culturelle et philosophique
Une révolution juridique puisque le monde assiste au grand retour du règlementaire où législateurs, juges, autorités de contrôle et spécialistes en normes et sanctions auront les places de choix. Le terrain de jeu de la globalisation est attaqué de toute part et au sein des entreprises, on attend des juristes de pouvoir jongler avec les tensions géopolitiques et les nouveaux terrains de guerre. A la planche à billets a succédé la poussée réglementaire.
Une révolution culturelle car l’État préconise désormais une nouvelle répartition des rôles : sans sacrifier la liberté des entrepreneurs, il appelle néanmoins à une plus grande responsabilité de l’ensemble des acteurs économiques et sociétaux. La RSE, traduction de la montée en puissance des notions de biens communs et de sobriété, a fait son chemin et nourrit de nouvelles règlementations, qui vont parfois jusqu’à transformer les modes de vie de nos citoyens.
Une révolution philosophique car la liberté ne pourra plus seulement se mesurer au libre vouloir de chacun mais bien à sa réflexion dans un ensemble plus large. Nous vivons en ce sens sous l’égide d’un système capitaliste digitalisé où l’économie de l’usage est désormais le modèle marchand le plus florissant. Plus sensible aux enjeux écologiques, la génération Z est également moins attachée que les précédentes à la propriété, favorisant l’essor de nouvelles pratiques de consommation (il est maintenant rentable de payer selon son utilisation sa voiture, sa maison, sa tondeuse à gazon, sa trottinette…). Ce sont notamment ces usages et services, dépendants des plateformes numériques et de services cloud, que notre ministre entend organiser en écho aux prises de décisions européennes. Cette intention marque un véritable tournant : la digitalisation ne signifie définitivement plus la liberté sans contrainte.
Ces trois ruptures dans le discours et l’attitude des décideurs économiques reprennent des critiques anciennes et témoignent des difficultés à répondre aux enjeux de notre temps. L’expansion de notre univers mental à dimension planétaire est à bout de souffle. Nous assistons à sa rétractation. Celle-ci annonce en filigrane le retour en force de la règlementation du monde des affaires et du même coup des juristes en entreprise.