Impossible de ne pas avoir noté les corrélations chaque jour plus prégnantes entre les problématiques RSE et les enjeux des directions financières ! Qu’il s’agisse d’intentions politiques liées, par exemple, à la création d’un « bonus-malus écologique » sur les taxes et impôts, ou encore d’un récent appel des grands patrons européens à se voir imposer des rémunérations conditionnées à de nouveaux critères climatiques, il semblerait que l’impératif d’impact pour les entreprises ait aujourd’hui largement dépassé l’impératif de digitalisation (auquel il a souvent été comparé), en ce qu’il infuse désormais le financement même de nos organisations. Alors la question se pose : la RSE doit-elle relever de la responsabilité des financiers ?

Tout se mesure, surtout l’impact !

Il est vrai que l’Histoire tend à nous rappeler que l’écriture n’a initialement pas été inventée pour philosopher, mais bel et bien pour compter ! De tout temps, les chiffres régissent ainsi nos sociétés, nous permettant d’organiser, d’évaluer, de dicter la valeur de nos mots et de nos actions. Il est donc peu surprenant de constater qu’ils s’invitent également aujourd’hui dans la (nécessaire) régulation et amplification des déclarations d’intention liées à la « sustainability », qui elles se multiplient sur la scène économique. Pour ce faire, de nombreuses entreprises et organisations ont d’ores et déjà pris les devants en inventant leurs propres outils de mesure, leurs propres matrices, censées rendre compte de la réalité de leur engagement en faveur de l’Homme et de la Nature.

L’enjeu, néanmoins, est désormais de pouvoir harmoniser ces différents modes de calcul, à l’échelle nationale, européenne voire mondiale, à l’instar de ce qu’est notre économie aujourd’hui ! Cela pourrait nous permettre par ailleurs d’éviter certaines déconvenues, ou du moins dissonances, entre les notations extra-financières attribuées par les anglo-saxons – réputés relativement légers en la matière – et la réalité du fonctionnement de certaines organisations lorsqu’elle est dévoilée dans les médias… En la matière, les exigences françaises font souvent référence. Espérons que notre présidence de l’Union Européenne pourra appuyer en faveur de lignes de conduite communes et ambitieuses sur le sujet !

Impact et finance : même(s) combat(s) !

Si les reportings extra-financiers font traditionnellement partie des missions des Directions RSE, on observe de plus en plus un travail de coopération avec les Directions Administratives et Financières. Et pour cause ! A l’instar des compétences financières qui aujourd’hui rayonnent sur l’ensemble des services d’une organisation, l’impact a vocation à infuser lui aussi toutes les actions et décisions de l’entreprise : achats, marketing, communication, politique RH… Il n’est pas irréaliste alors de nous projeter sur des bilans comptables qui, demain, ajouteront à l’Actif et au Passif, des éléments de mesure précis, et généralisés, autour d’objectifs sociaux, sociétaux, et environnementaux. Mais qui mobiliser alors pour définir ces critères et les mesurer avec l’objectivité nécessaire ? Les financiers, naturellement !

De fait, il me paraît urgent d’augmenter drastiquement la prise en comptes des critères dits ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans les missions attribuées aux DAF. Parce qu’ils ont pour habitude d’évaluer la rentabilité de leur entreprise, ou sa valorisation économique, intégrer avec sérieux ces critères sera bientôt une évidence… Enfin, à l’heure où le carbone fait la Une, et avec lui de nouveaux projets de taxation, son coût impacte le bénéfice des organisations, au même titre que n’importe quel frais de fonctionnement, avec en ligne de mire cette fois, l’atteinte d’un résultat qui permet d’assurer d’un modèle économique en phase avec les Accords de Paris.

En tout état de cause, qu’il s’agisse de mesurer, comparer, rendre compte, ou même tout simplement d’emprunter (les banques et fonds d’investissement du monde entier intègrent progressivement cette exigence), le besoin est là !
Et si quelques grands groupes ont d’ores et déjà effectué cette bascule, en mobilisant leurs DAF sur le sujet, la majorité des entreprises se voit contrainte de trouver la compétence en externe, pour le plus grand bonheur des cabinets de conseil qui ont pris le point et forment dans l’urgence leurs auditeurs financiers… Nos dirigeants doivent donc à mon sens prendre conscience à temps de la nécessité de faire passer la RSE du côté des financiers ! Le métier de Directeur Financier se transforme, en ce qu’on voit apparaitre désormais le métier de Chief Value Officer (Directeur.rice Administratif et Financier Responsable). Ce type de fonction est aujourd’hui occupée par des financiers « convaincus de la première heure », qui ont dû persuader leur propre direction d’emprunter ce chemin. Ils souhaitent ouvrir la voie vers plus de durabilité et montrer qu’il est possible de faire évoluer le monde de la finance, encore réticent, à l’incorporation de KPIs non-financiers dans leur comptabilité et leur contrôle de gestion.