Philippe Martinez, le nouveau dirigeant de la France

Philippe Martinez crédit cgt-dieppe.fr

Il bloque le pays à lui tout seul

Si son look – col ouvert, jamais de cravate – dépare un peu de celui du dirigeant politique « classique », force est de constater qu’il est actuellement celui qui « dirige » la France. Et ce, n’en déplaise au Premier Ministre Manuel Valls qui déclarait mercredi : « Ce n’est pas la CGT qui fait la loi dans ce pays ». Avec son syndicat, le « big boss » de la Confédération Générale du Travail**a réussi à mettre la pagaille dans le pays, provoquant le rationnement d’essence et contraignant les Français à attendre des heures dans leur voiture la levée des barrages. Philippe Martinez*, élu à la tête de la CGT en février 2015 pour remplacer Thierry Lepaon et confirmé dans ses fonctions pour trois années lors du Congrès de la Centrale en avril dernier, est en train – quasi à lui tout seul – de paralyser le pays. Et cela ne semble pas près de s’arranger, à moins de deux semaines de l’ouverture de l’Euro de football.

Seul contre tous et guerre des ego

Pourtant, seule Force Ouvrière est venue en soutien pour bloquer les dépôts de carburant et les raffineries, et réclamer la suppression pure et simple de la Loi El Khomri. Au contraire, la CFDT, par la voix de son secrétaire général, Laurent Berger, a demandé à ce que l’on ne « touche plus » au texte, déjà amendé suite aux revendications du syndicat. Selon lui « Ce serait un coup dur pour les salariés car ils perdraient le bénéfice des nouveaux droits reconnus par le texte ». Philippe Martinez se retrouve donc – presque – seul mais il n’en est pas moins affaibli. Au contraire, cela lui convient bien. La guerre des ego est déclarée et il n’est pas question pour le patron de la Centrale syndicale de Montreuil de s’effacer au bénéfice de la CFDT car il craint une chose : que la CGT ne soit plus la première organisation syndicale du pays. Alors il tient, il appelle à des grèves « illimitées » dans tous les secteurs, il continue le bras de fer, lancé dès la publication du projet de loi, fin février. Et ce, alors même que la Centrale a refusé de rencontrer le cabinet de Myriam El Khomri en amont de l’avant-projet contrairement aux autres partenaires sociaux.

Une posture de leader qui lui sied

A ce petit jeu, Martinez est devenu le n°1 de la contestation, un rôle qui n’est pas pour lui déplaire, lui, ce fils d’ouvrier et d’une femme de ménage, gravissant les échelons du syndicat, un par un, pour arriver au poste suprême. Homme autoritaire,  Philippe Martinez se complaît dans cette posture de leader, dernier rempart contre cette loi qu’il juge rétrograde et indigne d’un gouvernement socialiste, dénonçant par la même occasion sa radicalisation en « bafouant d’abord la démocratie sociale puis la démocratie politique avec l’utilisation du 49-3 à l’Assemblée Nationale ».

Soutenu par une majorité de Français

Les Français, majoritairement contre la loi El Khomri (70%), ne sont pas insensibles à son discours. 62 % estiment même le mouvement contre la loi Travail justifié. Renforcé par ce soutien, Martinez persiste et le mouvement, loin de s’éteindre, s’étend (centrales nucléaires, presse, etc.). Le gouvernement s’avère, pour le moment, impuissant. Mais François Hollande s’est montré déterminé vendredi 27 mai à tenir et à aller « jusqu’au bout ». Martinez n’est pas prêt à céder non plus. Les citoyens vivent donc au rythme des grèves et des blocages, sans savoir quelle sera l’issue de ce conflit. L’ex-technicien de Renault, qui dit se battre pour le progrès social, se frotte les mains.

*Philippe Martinez, 54 ans,  technicien de la métallurgie,  depuis  1982 chez Renault dont il devient délégué central CGT. Elu secrétaire général de la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM-CGT) de la Confédération générale du travail (CGT) en 2008, c’est un ancien militant du Parti communiste.  Il est élu secrétaire général de la CGT en février 2015 par le Comité confédéral national avec 93,4 % des voix. Sa compagne, Nathalie Gamiochipi, dirige la fédération CGT de la santé.

**La Confédération générale du travail ou CGT nait en 1895 à Limoges, en avril 2016, représentait moins de 3 % des salariés français.  La CGT regroupe 22 000 syndicats ou sections de base, organisés en 33 fédérations professionnelles, (cheminots,  métallurgie,  mines et énergie, activités postales et de télécom, santé et transports.) Le bureau confédéral composé de 12 membres dirige la Centrale élus au cours du 51e congrès qui s’est tenu à Marseille en avril dernier.
Philippe Martinez, réélu secrétaire général (Fédération de la métallurgie)
Fabrice Angéi, Fédération des Services publics
Pascal Bouvier, UD du Maine-et-Loire,
David Dugué, Fédération des industries du Livre, du papier et de la communication (FILPAC),
Virginie Gensel-Imbrecht, Fédération Mines-Énergie (FNME)
Catherine Perret, Fédération Éducation-Recherche-Culture (FERC)
Grégory Roux, Fédération des Cheminots
Marie Saavedra, UD du Vaucluse
Céline Verzeletti, Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF)
Gisèle Vidallet, UD de la Haute-Garonne

Julien Schmitz, Paris: